La stratégie du coup de rabot qui semble retenue s’annonce sévère, coup de rabot annonciateur d’un grave renoncement aux ambitions pour les jeunes générations, et une aggravation des fragilités du système éducatif.
Le système éducatif repose sur le travail des agents, sur des relations entre des humains
Pour un service public d’éducation de qualité et à la hauteur des enjeux de l’émancipation et de l’égalité, il faut donc consentir à une dépense sous forme de masse salariale. Pour pourvoir les postes, il faut améliorer l’attractivité des métiers, cela passe nécessairement par l’amélioration des rémunérations et conjointement des conditions de travail.
Les propos du Premier ministre sur le recours à des enseignantes et enseignants retraité.e.s volontaires n’est pas à la hauteur.
Comment imaginer que des collègues aient envie de reprendre du service après le recul à 64 ans de l’âge de départ à la retraite, alors que déjà certaines et certains choisissent de partir avec décote pour ne pas faire l’année de trop, alors que ce que nos collègues attendent ce sont des aménagements de fin de carrière, l’amélioration de leurs conditions de travail tout au long de leur carrière.
La baisse démographique qui s’amorce doit être l’occasion d’améliorer l’accompagnement de tous les enfants et jeunes dans une logique résolument inclusive et tournée vers l’émancipation et la réduction des inégalités. Cet accompagnement des jeunes que nous souhaitons repose aussi sur les politiques de jeunesse auxquelles il faut redonner du souffle et de la cohérence.
Dans l’immédiat, l’abandon du SNU redonnera du temps aux personnels du ministère et des services déconcentrés pour fédérer, coordonner les acteurs éducatifs dans les territoires et penser des politiques de jeunesse plutôt que de juxtaposer des dispositifs.
L’annonce du Premier ministre du non-remplacement systématique des agents qui ne sont pas en contact avec les citoyens et citoyennes nous inquiète fortement.
Notre ministère est sous-administré de manière chronique, le déploiement des applications RenoiRH et Op@ale a un impact considérable sur le travail des personnels qui les utilisent avec une dégradation des conditions de travail.
Il n’est pas envisageable d’aggraver la situation, car cela dégraderait l’organisation du service public dans son ensemble, et dégraderait encore les conditions de travail des personnels des fonctions supports, alors que les risques psychosociaux sont déjà très élevés.
Des coupes budgétaires empêchent déjà le travail et donc la réalisation des missions de service à la population
• Plus d’HSE dans les EPLE et donc extinction de projets pédagogiques, de dispositifs de type devoirs faits, heures de soutien et difficultés plus importantes encore pour le remplacement de courte durée ;
• Insuffisance, voire fin des remboursements des frais de déplacement : les agents se déplacent à leurs frais (ce qui est inacceptable) ou ne se déplacent plus et donc le service ne peut être réalisé correctement. D’ores et déjà, des PsyEN, des personnels RASED, des personnels médicaux, sociaux et de santé, des personnels d’inspection sont concernés.
La CFDT Éducation Formation Recherche Publiques demande l’abandon des mesures dites « choc des savoirs » :
• abandon de la mise en œuvre des groupes de niveau ou de besoin : pas d’extension aux niveaux 4ème-3ème, utilisation des moyens délégués suite à l’évolution du schéma d’emploi en décembre 2023 laissée à l’autonomie pédagogique des établissements scolaires avec pour objectif d’accompagner les élèves vers la réussite, le modèle « plus de maîtres que de classe » pouvant ainsi être développé en collège, nous alertons sur les risques en termes de conditions d’étude des élèves et de conditions de travail des personnels en cas de maintien et extension des groupes de niveau ou de besoin ;
• abandon de la réforme initialement prévue du DNB, et abandon des classes préparatoires à la seconde, là aussi les moyens identifiés pour ces classes doivent être laissés à disposition des établissements pour l’exercice de leur autonomie ;
• fin des évaluations nationales standardisées obligatoires chaque année sur le modèle actuel : l’utilisation de ces évaluations montre une confusion dans les objectifs des évaluations, certains seront mieux atteints par une logique de panel, d’autres en s’appuyant sur l’expertise professionnelle des enseignant.e.s et avec du temps de concertation identifié et reconnu, nous attirons l’attention sur les effets particulièrement délétères des évaluations dans le 1er degré qui aboutissent à déposséder les professeur.e.s de leur professionnalité, les modalités d’évaluation sont pour partie contradictoire avec les objectifs d’inclusion (nous demandons par ailleurs la reconnaissance effective du travail des professeur.e.s des écoles ;
• abandon de la labellisation des manuels scolaires ;
• réouverture du travail sur les programmes de cycles 1 et 2 afin d’éviter des programmes trop chargés et comportant des indications complémentaires contradictoires avec les objectifs d’inclusion.
Nous constatons que des groupes politiques et associations organisent leur offensive pour empêcher la mise en œuvre de l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS). Tous les personnels soumis à cette pression doivent bénéficier de la protection fonctionnelle et d’un accompagnement.
Il faut aussi que les autorités académiques s’engagent en agissant directement contre ces atteintes à la laïcité des enseignements. Il est aussi grand temps que les nouveaux programmes soient soumis au CSE puis publiés et que le ministère assume pleinement les enjeux de l’EVARS en termes de protection de l’enfance, de protection des jeunes contre les MST, contre les grossesses non désirées, de lutte contre les violences sexistes et sexuelles et de lutte contre les discriminations LGBTphobes, et ce, sans reculer face à la pression mise par l’extrême-droite, une partie de la droite traditionaliste ou réactionnaire, et des mouvements religieux.
École inclusive : il y a urgence
Réussir l’école inclusive impose d’autres politiques publiques, et l’amélioration rapide des conditions d’emploi et de l’organisation du travail des AESH pour lesquelles nous revendiquons la création d’un corps de catégorie B de la fonction publique.
Le recrutement de personnels AESH est très insuffisant et difficile dans de nombreux territoires. Le vivier est épuisé, des AESH démissionnent et le recrutement ensuite n’a pas permis de combler ces départs, de nombreux enfants sont scolarisés sans bénéficier de l’accompagnement humain notifié par les MDPH. Cela se traduit en termes de difficultés de travail pour les AESH et les enseignantes et enseignants. Nous constatons des difficultés importantes dans la mise en œuvre de la circulaire relative au travail des AESH sur le temps de pause méridienne, notre courrier à ce sujet est à ce stade sans réponse, sans doute faute de ministre de plein exercice au moment de son envoi. Il y a urgence à reprendre le travail sur ces questions pour améliorer les conditions d’exercice des personnels et les conditions d’étude des élèves.
Nous rappelons la mémoire de nos collègues Samuel Paty et Dominique Bernard assassinés parce qu’enseignant par des personnes fanatisées dans l’islamisme terroriste.
Assurer la laïcité de l’école et des enseignements est nécessaire pour que l’éducation puisse assurer ses missions au bénéfice de tous les enfants et jeunes, dans une perspective d’émancipation. Les personnels doivent être soutenus sans relâche face aux attaques, intimidations, pressions dont ils peuvent être la cible. Cela suppose de coordonner des moyens qui ne relèvent pas tous de l’Éducation nationale, de prendre pleinement et partout la mesure des préconisations, recommandations qui ont été faites notamment par le CHSCT de l’académie de Versailles.