Fidèle à son engagement de développer un syndicalisme de proximité, le Sgen-CFDT est parti à la rencontre des collègues CPE de l'académie d'Aix-Marseille les 7 et 8 décembre. Deux journées riches d'échanges tant du point de vue des sujets abordés que des situations évoquées.
Cela faisait plus de deux ans que les militants CPE du Sgen CFDT de l’académie d’Aix-Marseille n’avaient pas organisé de réunion de réseau avec leurs collègues.
Grâce à leur sens de l’écoute et leur mobilisation auprès des collègues, Catherine Brive et Christophe Ferrand sont parvenus à convaincre une trentaine d’entre eux/elles à participer à ces journées.
Alors que la crise sanitaire reprend de plus belle, deux journées de rencontres, préparées depuis plusieurs mois, ont été réalisées les 7 et 8 décembre.
La première dans le pays aixois, au lycée Val de Durance ; la seconde à Marseille, au collège Monticelli, deux rencontres marquées par le besoin des collègues d’échanger sur leur travail.
Des conditions de travail qui se dégradent pour la majorité des collègues CPE
« On n’est plus dans l’humain, on fait du chiffre ».
Alors que le cœur de leur métier est la relation aux élèves, les CPE déplorent d’être de plus en plus absorbé.es par des tâches chronophages (gestion de la messagerie électronique, rapports d’incidents, traitement des exclusions de cours, gestion des retenues, tâches administratives, réunions toujours plus nombreuses, accueil infirmier, etc…).
C’est là un paradoxe ! Alors qu’ils/elles possèdent une véritable expertise sur la politique éducative de l’établissement d’exercice, ils/elles sont peu ou pas sollicité.es sur cet aspect fondamental du projet d’établissement.
Ils le sont par contre fortement pour exercer une action de maintien de l’ordre. Certain.es constatent, non sans amertume, « être devenu le chef de la discipline et du maintien de l’ordre. Cette régression n’est pas sans rappeler les temps anciens des « Surgé« .
Est-ce vraiment le cœur de leur métier ?
Une représentation du métier remise en question
Ce désemparement conduit certain.es collègues à se poser des questions sur leur identité professionnelle que l’on pouvait penser acquise. Il n’en n’est rien ! Les collègues ne savent plus trop où ils/elles en sont et remettent en question la représentation qu’ils/elles se faisaient jusque-là de leur métier.
« A force de faire tout et n’importe quoi, je ne sais plus où j’en suis, j’ai l’impression d’être devenu le factotum de l’établissement »
Quelques collègues vont même jusqu’à émettre l’hypothèse que les CPE sont « instrumentalisés » et dédiés au maintien de l’ordre afin de libérer les enseignant.e.s de toute intervention éducative et ainsi permettre à ces derniers de se consacrer pleinement à la réalisation d’heures supplémentaires toujours plus nombreuses.
« Je me sens de plus en plus fatiguée, je n’en peux plus, j’envisage de faire une formation et de changer de métier »
Cette fatigue, cette lassitude s’est installée au fil du temps avec le sentiment croissant et partagé d’être en décalage au regard des multiples demandes émanant de la hiérarchie. La crise sanitaire qui perdure n’a pas arrangé les choses, bien au contraire, elle les a exacerbées.
Autre sujet de tension pour les collègues, en parallèle de la charge de travail, la question du temps de travail.
Malgré un texte de cadrage sur le temps de travail des CPE en 2002) et une circulaire de missions en 2015, les collègues sont de plus en plus nombreux/ses à déplorer une remise en cause des 35 heures alors même que beaucoup effectuent déjà bien plus que leurs heures réglementaires (cf Résultats de l’enquête CPE 2020).
Une situation amplifiée par un manque de reconnaissance et une perte de vue des fondamentaux
En effet, pour de nombreux personnels de direction, les multiples réunions, les conseils d’administration, de discipline ne sont pas considérés comme du temps de travail, mais comme une obligation liée à la fonction et donc non comptabilisables en vue d’être récupérés.
Tendance forte du moment, la pause méridienne de 20 minutes (de droit après six heures consécutives de travail) est remise en question et nombreux/ses sont les collègues invité.es à la réinjecter dans leur temps de travail.
Cette remise en question des textes réglementaires a été amplifiée depuis l’instauration de la Loi de transformation de la Fonction Publique (LTFP) entrée en vigueur en juillet 2019. C’est comme si cette loi avait incité à occulter les textes en vigueur, à les ré-interpréter en fonction des nécessités du lieu et du moment.
Les AED, variables d’ajustement d’un système à bout de souffle.
Concernant les Assistant.es d’éducation (AED), plusieurs collègues ont signalé avoir été sollicité.es en vue d’inscrire les AED de leur équipe dans le dispositif « Devoirs faits« .
Si cela part d’une bonne idée : associer les AED à des interventions pédagogiques, cette sollicitation tend surtout à répondre à la désaffection croissante des enseignant.es pour ce type d’action.
En effet, les professeurs sont nombreux/ses à dresser le constat de la contre productivité du dispositif en l’état : ce sont les élèves les plus en difficulté auxquels on rajoute des heures de cours, souvent en fin de journée. Pour certain.es cette intention relève de « l’acharnement pédagogique.
C’est en effet la double peine alors même que l’intention de départ était louable : aider les élèves les plus en difficulté scolaire.
Une charge de travail supplémentaire qui vient se surajouter à une semaine déjà bien chargée
En conséquence, certain.es AED, du fait de la précarité de leur contrat, ne refusent pas et acceptent la proposition cumulant parfois jusqu’à 43 heures hebdomadaires. Cette surcharge de travail s’effectue bien souvent au mépris du temps de travail quotidien pourtant réglementé.
Les CPE évincés des IMP
Alors qu’ils/elles sont nombreux/ses à effectuer des missions de décrochage scolaire, de référent.es vie lycéenne, les CPE s’entendent dire qu‘ils/elles n’ont pas droit à bénéficier de ces indemnités au motif que ces champs d’intervention sont inclus dans leur circulaire de missions.
« J’ai besoin qu’on me respecte, qu’on reconnaisse mon investissement »
C’est le comble ! Les CPE sont re-devenu.es des travailleurs invisibles !
Alors que les collègues en question sont sollicité.es du fait de l’absence de volontaires enseignants pour ces missions, la plupart des collègues CPE accomplissent ces missions de référent.e décrochage ou vie lycéenne en plus de l’investissement ordinaire dans ces tâches. Mais, alors que l’IMP devrait leur être octroyée, ils/elles se voient exclu.es de cette reconnaissance par les services de l’administration rectorale.
Les CPE victimes collatérales d’une machine qui s’emballe
C’est là le point d’orgue de ce constat affligeant, de cadre A qu’ils/elles sont, une majorité partage le sentiment de n’être qu’un « Michel Morin« , qu’un pompier affecté à l’extinction des incendies, ce qui est fort souvent le cas en collège.
Pourtant dévoués et loyaux envers la hiérarchie, les collègues sont nombreux à partager le constat de la non prise en compte de leurs avis, propositions et remarques.
Pire ! Les remarques et propositions adressées à la hiérarchie sont souvent ignorées, voire vécues comme une manifestation de déloyauté !
Comme nous l’écrivions dans un article précédent, c’est du respect, de l’écoute, du soutien et de la reconnaissance que les collègues attendent de leur hiérarchie, tout à l’opposé de ce qu’ils/elles vivent au quotidien au sein de leurs établissements.
Le Sgen-CFDT entend poursuivre son action de proximité aux côtés des collègues, en leur donnant la parole, en portant leurs revendications et en les préparant, par des actions de formation, à faire face à un environnement professionnel en mutation.