Depuis la rentrée de janvier le Sgen-CFDT a multiplié les occasions de rencontres, en mode visioconférence cette fois (en raison des consignes ministérielles), avec les CPE du quart Nord Est (Dijon, Grenoble et Nancy Metz).
Éclairage sur le métier de CPE en 2022 écartelé entre risques psychosociaux et injonctions paradoxales.
Nous l’avions souligné précédemment, la profession a absorbé l’onde de choc de la crise sanitaire au prix de nombreux sacrifices avec pour conséquences :
- de multiples tâches assignées relevant d’autres services,
- une perte de sens et de visibilité du travail engagé,
- l’occultation quasi totale des « fondamentaux » CPE,
- le ras le bol, la fatigue, la frustration … et parfois la colère.
Le premier constat est celui de l’abysse révélé entre le travail prescrit, tel qu’il est mentionné dans la circulaire de missions, et le travail réel. Aucun.e CPE n’y a échappé ! Oscillant entre des actes relevant du personnel infirmier et ceux des travailleurs sociaux, les CPE ont connu et connaissent encore « les joies du travail multicarte » : infirmerie bis, production de photocopies pour tous les élèves sans connexion, renseignement quotidien du fichier covid et des listes d’absents, postage sur la cour, au restaurant scolaire durant la pause déjeuner, etc…
« Je fais tout, sauf mon travail : bouche-trou, surgé, infirmier.e, travailleur social déguisé en CPE »
Les CPE ressentent une perte de sens de leur travail doublée d’un sentiment d’exaspération lié à la non-reconnaissance de leur investissement. Plus ils/elles donnent pour leur établissement, plus de tâches leur sont attribuées. Ils et elles ne sont pas les seuls, les AED à leurs côtés ne sont pas en reste. Cette absorption de leur énergie investie au service de l’établissement, de la sécurité et de l’obsession de sécurisation, en ferait presque oublier leur cœur de métier : les élèves.
« J’en suis réduite à effectuer des entretiens dans la cour, voire à ne plus en faire du tout »
Parmi les conséquences de cette consommation chronophage de leur investissement, citons la quasi-disparition des entretiens avec les élèves, la disparition de la pause méridienne, l’absence d’action éducative tant individuelle que collective telle que les actions d’éducation à la citoyenneté. En effet, la multiplication des tâches à exécuter au service de l’établissement a considérablement réduit le temps consacré à l’élève, son suivi et l’accompagnement de son parcours.
Si l’on ajoute à cela le peu de compréhension de certains adultes soucieux de dispenser leurs cours « coûte que coûte » et qui ne voient pas très bien ce que font leurs collègues CPE en 2022, alors émerge un deuxième constat en corollaire du précédent :
la remise en question des compétences éducatives et pédagogiques des CPE avec pour conséquence une lutte permanente pour faire reconnaître leurs missions fondamentales.
En effet, si les enseignants ont pu continuer à exercer leur métier malgré la crise sanitaire, les CPE ont été vampirisé.es par des tâches connexes sans que cela ne pose problème aux autres personnels et sans entraide des autres services. Pour les collègues le sentiment d’exaspération est à son comble, cette exaspération est confortée par un sentiment d’abandon de la part de l’Institution.
« Les CPE en 2022 subissent un mode de fonctionnement en voie d’effondrement »
Autre constat établi par les collègues, l’absentéisme des élèves est devenu catastrophique. C’est une des conséquences de l’absence de temps et de personnels en nombre suffisant pour assurer correctement le suivi des élèves. Dans certains secteurs, le taux d’absentéisme a été amplifié par la fracture numérique accroissant davantage l’inégalité d’accès à l’enseignement.
« Nous avons perdu des familles entières »
De l’avis des collègues, c’est surtout en collège et en lycée professionnel que cet absentéisme constaté est le plus important. Avec le variant Omicron, les absences d’élèves se multiplient jusqu’à atteindre selon les jours presque la moitié de l’effectif de l’établissement.
Du côté des AED
Autre sujet de préoccupation des collègues, le recrutement et le management de l’équipe AED. L’important turnover constaté dans les équipes nécessite un recrutement stratégique pour lequel les CPE n’ont pas été formé.es. De même le management des équipes exige une formation adéquate.
Equiper les collègues en modules de formation au recrutement et au management ne serait pas du luxe mais répondrait à une nécessité fonctionnelle.
Le projet de cédéisation soulève des interrogations : quelles missions pour des AED en CDI ? CDI rattaché à l’établissement employeur, au rectorat ?
Recrutement des AED : une procédure modifiée
Depuis janvier 2022, tout nouvel AED doit, parmi tous les documents à fournir, renseigner son dossier de candidature d’un extrait de casier judiciaire ainsi que du fichier délinquance sexuelle. La demande de ces documents s’effectue à partir d’un formulaire rectoral renseigné par le candidat.
Auparavant, ces documents complétaient le dossier a posteriori de son embauche, désormais ces documents conditionnent la finalisation de son contrat d’embauche ; ce qui signifie qu’un.e AED ne pourra commencer qu’une fois le contrat validé après réception desdits documents.
Au regard du volume de contrats AED devant être traités avant la rentrée scolaire de septembre, cela risque de générer des retards dans la validation des candidatures. Il convient donc d’anticiper le recrutement de la rentrée 2022.
Agir sur la QVT
En termes de Qualité de Vie au Travail (QVT), certains collègues (Dijon) expérimentent des techniques de lâcher prise telles que la méditation, la respiration via l’application « respire relax ».
Au rectorat de Grenoble, un groupe de travail est mobilisé sur l’élaboration d’un Vade-mecum QVT.
Il en faudra certainement plus pour donner des perspectives à l’ensemble d’une profession dont les acteurs sont redevenus les factotum d’un système au bord de l’asphyxie.