Choc des savoirs, conditions de l'inclusion scolaire, stigmatisation des enseignants, préparation de rentrée, dégradations des conditions de travail, attractivité, grève du 1er février, ... sont les sujets abordés dans la déclaration liminaire du Sgen-CFDT lors du CSAMEN de ce jour.
Lors des comités sociaux d’administration ministériels (CSAMEN) de décembre, le Sgen-CFDT avait déjà eu l’occasion de dire son désaccord avec les mesures phares dites du choc des savoirs. Alors que la préparation de rentrée se précise dans les académies, dans les écoles et établissements scolaires, nos collègues nous font part, nombreux et nombreuses, des effets majeurs de déstabilisation du collège qui en résultent.
Déstabilisation du collège
La mise en place des groupes de niveau heurte les valeurs de nombre de nos collègues qui savent, pour certains et certaines d’expérience, que cette organisation mène à la stigmatisation des élèves rencontrant des difficultés d’apprentissage. Nos collègues personnels de direction sont nombreux et nombreuses à témoigner que les moyens délégués ne suffisent pas et que la mise en place des groupes de niveau assèche toute marge d’autonomie dans l’organisation pédagogique. Des projets éducatifs conduits de longue date s’arrêteront, les groupes à effectifs réduits dans d’autres disciplines disparaîtront. Dans certains collèges, les moyens qui permettaient de décloisonner partiellement la SEGPA sont absorbés. On tourne donc le dos à l’inclusion et à des dynamiques que le ministère lui-même préconisait il y a peu de temps. Ailleurs, on manquera de salles pour installer les groupes, d’enseignantes et enseignants pour les prendre en charge.
Cette politique éducative est à l’opposé de ce que les travaux de recherche en éducation ont maintes fois démontré, et dont on peut donc penser qu’elle ne sera pas efficace. Cette politique éducative déstabilise le collège. Cette politique éducative dégrade les conditions de travail des personnels.
Entre-temps, le Président de la République nous a décrit une École d’avant-hier. Annonçant comme nouveauté ce qui existe déjà, il ajoute de l’incertitude : histoire des arts, théâtre, dans son propos, est-ce ce qui existe déjà ou bien réellement du nouveau ? L’instruction civique et non plus l’enseignement moral et civique, et donc ce parfum d’école d’avant-hier dont nous ne voulons pas. Les personnels sont depuis laissés dans l’indétermination : le président a-t-il annoncé des nouveautés et alors à la place de quoi, qu’est-ce qui change par ailleurs, comment préparer la rentrée scolaire ? Ou bien ne sait-il pas vraiment ce qui se fait à l’école, au collège et sans doute au lycée ?
Ce discours ne porte aucune vision de l’école dont notre société aurait besoin pour accompagner les enfants et les jeunes dans la capacité à penser, vivre les transformations majeures qui s’annoncent. Pour le Sgen-CFDT, donner aux jeunes générations le pouvoir d’agir dans un monde en transformation suppose la coopération, la capacité à articuler les champs disciplinaires pour comprendre la complexité du monde, la capacité à faire commun avec les différences.
Rien n’est dit de tout cela, pas un mot sur la mixité sociale et scolaire, pas un mot sur l’amélioration des conditions de l’inclusion. L’exécutif impose une politique éducative qui sépare, stigmatise, empile, ajoute sans souci de la cohérence.
Pour le Sgen-CFDT, c’est donc une politique en décalage majeur avec ce que les personnels vivent au quotidien, en opposition bien souvent avec les valeurs qui donnent du sens à leur travail.
Le grand « ras-le-bol »
Les personnels de l’Éducation nationale en ont aussi « un petit peu marre » des discours à l’emporte-pièce sur les remplacements d’enseignantes et enseignants non assurés. Le Sgen-CFDT l’a déjà dit à plusieurs reprises, la problématique des heures de cours qui manquent aux élèves mérite mieux que cela. Nous demandons, une fois encore, l‘élaboration d’un diagnostic partagé, avec des indicateurs dont la méthodologie d’élaboration est transparente et intègre les questions soulevées par les organisations représentatives des personnels.
Nous nous permettons d’en formuler quelques-unes ici, sans exhaustivité :
► 15 millions d’heures de cours perdues, rapportées à combien de millions d’heures de cours attendues compte-tenu de la réglementation ?
► Combien d’heures de formation continue perdues pour les enseignantes et enseignants non remplacées par exemple dans le premier degré ? Ceci permet à des départements d’afficher une couverture des remplacements à 80% tout simplement parce qu’en bloquant les personnels, il y a moins de remplacements à faire. Et tant pis si on finit par dégoûter les collègues de leur métier, si on nourrit de la défiance vis-à-vis de leur employeur ?
► Y a-t-il une corrélation entre le nombre d’heures perdues parce que des postes ne sont pas pourvus, des remplacements longs ne sont pas assurés et l’IPS de l’établissement scolaire ?
Les personnels en ont marre, mais ils et elles n’ont pas toujours l’intention de quitter l’Éducation nationale. Ils et elles font l’école au quotidien, ont le sens du service public et aimeraient qu’on ne leur demande pas de mettre en œuvre des politiques éducatives qui ne font pas sens. D’autres, las de l’empilement de mesures sans cohérence, las de conditions de travail qui se dégradent, cherchent à partir, ou décrochent parce que leur santé s’en trouve affectée. Cela fait plusieurs années maintenant que nous alertons sur l’épuisement professionnel et les risques psycho-sociaux, que nous accompagnons des collègues qui sont en train de faire un burn-out.
Une grève dans la logique de nos positions dans les précédents CSAMEN
Nous le disions déjà en mai 2023 ici : « Dans un contexte de crise du recrutement, et pas seulement chez les enseignants, crise qui s’installe dans la durée, s’approfondit et s’étend à davantage de métiers, la perte de sens du travail, la dégradation des conditions de travail et la perte de pouvoir d’achat se combinent tristement et le système éducatif est sans doute déjà entré dans une spirale négative.
Pour le Sgen-CFDT, il faut un sursaut et construire des politiques cohérentes et durables de rémunération, d’organisation du travail, de qualité de vie au travail, de formation et d’accompagnement des agents. C’est indispensable non pas pour susciter des vocations, mais pour attirer des professionnel.les du service public d’éducation.
La valse des annonces qui relève de la communication politique sans se soucier de la réalité des conditions de mise en œuvre n’est pas une politique éducative et accélère cette spirale négative.
Contre les mesures délétères du choc des savoirs, pour l’amélioration des conditions de l’inclusion scolaire, pour sortir de l’agitation, pour obtenir des politiques éducatives qui construisent une école pour toutes et tous et avec toutes et tous, le Sgen-CFDT a décidé d’appeler à la grève le 1er février prochain.
Nous avons enfin deux questions précises :
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un millier de collègues, enseignant.e.s et PsyEN affectés dans des services déconcentrés, ont été informés d’un trop perçu qui s’élève par exemple à 1000 euros brut pour la mise en paiement de l’indemnité de fonction des psychologues depuis le 1er septembre. Ces collègues ne bénéficient donc pas des revalorisations indemnitaires annoncées comme garanties à toutes et tous. Ils vont subir une récupération parfois brutale d’un trop perçu qui ne nous semble pas légitime ;
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dans plusieurs départements, les professeur.e.s des écoles exerçant en REP+ ne bénéficient pas de la pondération afférente, faute de remplaçant, et sans compensation aucune cela en dit long à la fois sur la pénurie d’enseignants et la faible priorisation de l’éducation prioritaire renforcée.