Pour une politique publique d'éducation - Des effets délétères pour les personnels - Dans le premier degré - À propos des évaluations - Le diplôme national du brevet.
L’éducation ne peut s’inscrire que dans un temps long
Conduire une politique publique, et notamment une politique publique d’éducation tournée vers l’avenir ne peut se faire par effets d’annonce mais doit s’inscrire dans la durée : éclairer l’opinion publique sur les enjeux et les objectifs des politiques éducatives est une nécessité démocratique, mais elle ne peut être atteinte à coup d’expressions médiatiques simplistes.
L’éducation ne peut s’inscrire que dans un temps long, loin des alternances électorales. On le sait, cela a été dit, c’est admis. Pourtant, le choix effectué a quand même été de multiplier les ajustements annoncés comme ajustements techniques alors qu’ils sont bel et bien politiques. L’objectif sous-tendu est donc d’infléchir l’orientation politique définie par la Loi de Refondation de 2013. Depuis 30 ans, les zig-zags en matière de politique d’éducation sont malheureusement habituels, sur ce plan-là en tout cas, l’école n’est toujours pas entrée dans un nouveau monde…
Des effets délétères pour les personnels
Ne nous y trompons pas, les effets de ces changements d’orientation sont délétères pour les personnels et engendrent uniquement de la défiance vis-à-vis de l’institution :
- parce qu’il n’y a pas d’objectifs lisibles,
- parce que le sentiment dominant est que la communication domine,
- parce que le travail entrepris par les personnels n’est pas reconnu,
- parce que ces changements induisent l’idée que le travail des personnels n’a pas de sens,
- parce que ces changements de cap successifs sont un facteur de découragement
La confiance des personnels ne se décrète pas, elle se construit !
Dans le premier degré
Ainsi, si les CP à 12 sont bien une mesure de justice :
- ils mettent de fait au second plan le dispositif « plus de maitres que de classes ». Ils semblent rendre inutile l’investissement des équipes et des personnels ;
- les premières remontées du terrain montrent que l’obligation du 100 % de réussite en lecture induit une pression réelle sur les professeurs des écoles engagés dans ces classes à 12 ;
- ils remettent en cause la logique des cycles.
Plus largement, les annonces et déclarations faites dans les médias durant l’été sur les méthodes de lecture, sur les 4 opérations, sur les repères annuels, ont été autant de remises en cause de la professionnalité des enseignants, qui méritent décidément mieux que ça. Rappelons-le encore une fois, les enseignants du premier degré ne sont pas des exécutants, mais des cadres A, capables de concevoir leur pédagogie, de l’évaluer, et ainsi de mesurer son efficacité.
À propos des évaluations
Les évaluations nationales annoncées dans la précipitation et présentées à quelques jours de la prérentrée posent également question. Pour le Sgen-CFDT, le dispositif présenté comporte des contradictions internes peu compatibles avec l’objectif affiché et le discours sur l’école de la confiance… Deux objectifs sont mélangés en déployant ces évaluations : l’évaluation au service des apprentissages et l’évaluation au service du pilotage du système, qu’il s’agisse du pilotage local ou du pilotage national. Évaluer le système et évaluer les élèves ce n’est pas la même chose. C’est notamment ce que montrent les travaux du CNESCO, de l’IFE et de nombreux chercheurs et chercheuses en sciences de l’éducation.
Puisque le ministère a décidé de la mise en œuvre de ces évaluations, pour le Sgen-CFDT, il faut prévoir, organiser et reconnaître le travail des équipes autour du résultat de ces évaluations. En faire une analyse collective, construire collectivement les ajustements pour la suite de l’année, voilà un travail qui pourrait être intéressant pour les professionnels de l’éducation que nous sommes. Mais quel temps est prévu pour cela, alors que la concertation n’a que peu de place dans l’organisation collective du système scolaire ? Cela fait-il partie des 108 heures pour les professeur·e·s des écoles ? Cela fait-il partie des missions liées à l’enseignement pour les professeur·e·s de collège ?
Le dispositif décidé par le ministère comporte pour nous des contradictions internes, il est incomplet et il est en contradiction avec l’école de la confiance en ses personnels.
Les professeur·e·s dans le premier comme dans le second degré savent organiser en début d’année des activités leur permettant d’apprécier où en sont leurs élèves dans leurs apprentissages, les observer en train de réaliser un travail pour mieux repérer à quels moments des difficultés surgissent. S’il faut mieux organiser ce moment de l’année, il faut aider les équipes à se saisir de cette problématique dans les écoles et établissements par un travail collectif. C’est ainsi que l’on incarne mieux la confiance faite aux personnels, qu’on reconnait leur expertise, leur responsabilité et donc leur liberté d’ajuster leurs gestes professionnels pour permettre aux élèves de réussir dans leurs apprentissages à l’échelle du cycle.
Le diplôme national du brevet (DNB)
Un mot sur le texte du DNB qui nous est présenté aujourd’hui. Le Sgen-CFDT a constamment soutenu que dans l’esprit du socle commun, l’idée même d’un examen était un non-sens. Un compromis fragile issu de semaines de concertation entre les différents acteurs du système éducatif avait été obtenu en 2015 : si l’examen terminal était maintenu (ce dont le Sgen-CFDT ne se satisfaisait pas), c’était bien la validation du socle commun qui était l’objectif essentiel et qui par conséquent devait peser davantage en terme de barême pour l’obtention du DNB.
Après la première session du DNB des améliorations étaient incontestablement souhaitables pour deux raisons. D’abord pour faire évoluer la construction des épreuves, dont on se demande pourquoi elles ont été si éloignées des principes affichés dans l’arrêté de 2015. Ensuite pour rendre utile le DNB en en faisant une véritable évaluation diagnostic, complémentaire au bilan de fin de cycle, susceptible de faciliter dans leur poursuite d’études l’appropriation complète des compétences du socle par les 30 % d’élèves qui ne le maîtrisaient pas ou pas de manière satisfaisante.
Las. Au final, l’examen de fin de troisième est non seulement maintenu, mais pire, il est rendu plus important en terme de barème et renforcé en tant que véritable petit bac propre à piloter la scolarité des élèves parallèlement au socle commun, sans pour autant qu’on ait fait la preuve de son utilité. En chemin, le ministère en imposant un quatrième changement du DNB en 10 ans abandonne clairement la cohérence du projet global de la Refondation.