Déclaration liminaire au CSA MESR du 5 mars 2024
Nous tenons d’abord à nous féliciter de l’adoption hier au Congrès de la proposition de loi constitutionnelle qui inscrit dans notre constitution la liberté pour toutes les femmes de recourir à l’interruption volontaire de grossesse. En ces temps politiquement troublés, c’est une indispensable sécurisation pour un droit fondamental, qui est bien entendu un droit à disposer de son corps, mais aussi un droit à se projeter dans son avenir.
C’est une victoire pour les femmes, mais aussi pour la société toute entière. La CFDT, qui est une organisation féministe, demandait cette constitutionnalisation et se réjouit qu’elle soit enfin intervenue. La CFDT poursuivra son action en faveur des femmes et pour cela elle appelle à la grève et à la mobilisation vendredi prochain 8 mars, pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, notamment sur le plan des salaires et des carrières, qui reste l’un des grands chantiers de notre champ ministériel.
Dans le champ propre à notre CSA, cependant, les raisons de se réjouir manquent singulièrement.
La période est au marasme, à l’embourbement apparent des prises de décisions, aux lacunes du dialogue social.
Trois mois après le discours du président de la République sur la réforme de la recherche, les organisations syndicales n’ont toujours pas été conviées à dialoguer d’un quelconque plan d’action qui en serait issu ; nous n’avons même pas de véritables certitudes sur le sens qu’il faut donner aux mots d’une intervention souvent déconnectée des préoccupation des agents.
Et cependant certains organismes avancent, bouleversant les collectifs de travail existants pour préfigurer la mise place des agences de programme dont personne ne peut aujourd’hui décrire la mission de manière concrète et précise !
Quant à l’équilibre entre missions des organismes nationaux de recherche et des établissements d’enseignement supérieur, qui est un point nodal de l’organisation de notre système de recherche public, on ne voit toujours pas quel sens prendront les mots du président et de la ministre dans le concret du travail des agents concernés.
De ces incertitudes naissent les inquiétudes, et c’est une source de démotivation, voire de souffrance supplémentaire pour les agents qui exercent déjà dans des conditions difficiles.
De la même manière, des réformes profondes de la formation initiale des enseignants avaient été annoncées, bouleversant profondément non seulement les masters MEEF mais aussi les premiers cycles universitaires.
Et depuis, alors que nous sommes à un an, voire moins, de la première session du concours rénové et à six mois de la mise en œuvre d’éventuelles maquettes rénovées, rien n’est fixé, rien n’est arbitré.
Est-il seulement imaginable de tenir un calendrier qui était déjà serré il y a quatre mois ? C’est prendre un risque grave de mener cette réforme à l’échec, avec les conséquences que cela aurait à la fois pour les composantes universitaires concernées et pour l’avenir de notre système éducatif.
Un report nous semble désormais inévitable.
Certaines décisions cependant vont à un tout autre rythme
A peine annoncé, le décret annulant 10 milliards de crédits budgétaires était publié au journal officiel de la République française. Et près d’un dixième de cette somme pour la seule MIRES !
Aucun dialogue social en amont, bien entendu ; et, en aval, c’est de nouveau le silence.
Comment ce « coup de rabot » sera-t-il réparti dans le détail des dépenses de l’ESR ? Il est urgent que nous ayons cette discussion. Car, même s’il ne nous appartient pas de juger du raisonnement économique sur lequel se fondent ces annulations, le résultat est là : les augmentations sur lesquelles le ministère avait tant communiqué lors du vote de la loi de finance sont purement et simplement annulées.
Peut-on raisonnablement nous faire croire que cela n’aura aucune conséquence pour les agents et nos missions ? Déjà, le financement très partiel par le budget de l’État des deux vagues de mesures « fonction publique » met en difficulté les établissements d’enseignement supérieur – et nous demandons d’ailleurs que soit fait, de toute urgence, un état des lieux, établissement par établissement, de la mise en œuvre de l’ensemble de ces mesures.
Comment dès lors peut-on envisager d’aller de l’avant sur les différentes réformes annoncées, s’il n’y en a pas les moyens ?
Quelle perspective donner aux collègues qui donnent tout pour faire, malgré tout, fonctionner notre système d’enseignement supérieur et de recherche, au bénéfice de l’accroissement des savoirs et de la formation de notre jeunesse ?
Notre pratique du syndicalisme ne nous interdit pas d’entendre les difficultés, lorsqu’il y en a. Mais il faut pour cela que les choses soient dites, et que les solutions soient trouvées ensemble, dans le dialogue social.
Ce dialogue, ce devrait être la méthode de base du travail dans l’ensemble de ce ministère et de ses établissement. Sur trop de sujets, le ministère ne dialogue qu’avec lui-même, dans le cadre de groupes de travail internes, ou avec les employeurs – on le voit sur la question de la labellisation de l’enseignement, mais aussi de l’acte 2 de l’autonomie ; le dialogue social est en toute fin de parcours, une fois les décisions déjà prises et les arbitrages déjà rendus.
On nous rappelle régulièrement la priorité qu’accorde le ministère à la qualité du dialogue social, et nous n’avons aucune raison de douter de cette intention. Il est grand temps cependant de l’inscrire dans les méthodes de travail sur l’ensemble des dossiers afin que nous puissions, ensemble, travailler à l’amélioration de notre système d’enseignement supérieur et de recherche.