Quatre points d'actualité (et demi) en guise de déclaration liminaire, qui concernent essentiellement les établissements d'enseignement supérieur.
Une augmentation de la charge de travail ni anticipée, ni financée
Pour les collègues travaillant dans les établissements d’enseignement supérieur, le printemps est marqué par un surcroît de travail brutal lié aux différentes procédures d’admissions aux différents niveau de formation.
Indépendamment des débats sur les conditions d’accès à l’enseignement supérieur, ce n’est pas une tâche illégitime : il est normal pour les établissements de s’intéresser aux étudiants qui rejoindront leurs formations, ne serait-ce que pour leur proposer des parcours qui correspondent à leur besoins.
Mais cela représente un volume de travail considérable, qui a augmenté brutalement ces dernières années. Il est peu ou mal pris en compte dans le service des enseignants-et enseignants-chercheurs qui y participent, non plus que dans les effectifs de personnel administratifs qui y participent.
En particulier, dans les discussions concernant la plateforme MonMaster, nous avions attiré l’attention de la DGESIP sur la nécessité de concevoir l’outil en fonction des besoins des collègues qui auraient à traiter les dossiers des candidats. Il est manifeste que nous n’avons pas été entendu sur ce point.
Entre l’augmentation, prévisible, des candidatures, et une interfaces particulièrement mal conçue, c’est une charge de travail considérable qui s’est ajoutée. Il est profondément anormal que cette augmentation de la charge de travail ne soit ni anticipée, ni financée.
Un recours aux vacataire en augmentation et des obligations légales non respectées
Un certain nombre d’établissements d’enseignement supérieur, et en particulier des universités à dominante SHS, connaisse une importante mobilisation des vacataires. Il nous semble pertinent d’évoquer ce point dans cette assemblée car la mensualisation du paiement des vacataires était prévu par la LPR, à la demande des OS dont la CFDT, et nous avions alerté ici-même, pendant le long débat du CNESER sur cette loi, sur les difficulté que cela soulèverait pour les établissements.
Nous avions demandé un accompagnement fort des établissements par le ministère et l’AMUE, afin qu’ils puissent se plier à cette obligation, évidemment bénéfique aux agents : rien n’a été fait ; la plupart des établissements ne sont donc pas en mesure d’assumer cette obligation légale. Ce problème est d’autant plus grave que, de toute évidence, le recours aux vacataires va bien au delà de l’intervention de professionnels apportant l’éclairage de leur pratique dans leur domaine d’expertise… Dans les faits, c’est un moyen de plus utilisé par les établissements pour assumer leurs obligations d’enseignement avec les moyens très insuffisants dont ils disposent.
Ce que demande la CFDT : que le ministère donne aux établissements les moyens techniques et réglementaires d’assumer l’obligation de mensualisation ; que les règles concernant les activités principales des CEV soit clairement rappelées, qu’on s’assure du respect de ces règles ; enfin, et surtout, nous demandons que la fixation par arrêté de la rémunération de l’heure complémentaire soit supprimé, et remplacé par une rémunération à la hauteur de l’heure effectuée par un enseignant-chercheur
1HETD doit être rémunérée de la même manière qu’une heure dispensée par un enseignant-chercheur dans le cadre de ses obligations réglementaires de service, avec un « bonus » correspondant à son caractère d’heure supplémentaire . Ce mode de rémunération doit s’appliquer à toutes les heures complémentaires, qu’elle soit dispensée par un personnel de l’établissement ou par un vacataire.
(Une parenthèse : on notera que la mesure concernant les vacations n’est pas la seule mesure de la LPR qui soit restée lettre morte alors qu’elle était favorable aux agents : nous avions ainsi obtenu que soit rappelé dans l’annexe de la LPR le droit pour les agents à une carrière complète sur deux grades, prévue par le protocole PPCR ; on sait que c’est loin d’être le cas, notamment dans les EPST : beaucoup de chercheurs partent à la retraite comme CR CN ; nombre d’assistants-ingénieurs n’ont pas accès à un grade supérieur, seule possibilité de promotion pour ce corps à un seul grade. La DGRH a retoqué sèchement la demande de la CFDT d’une séance de travail du CSA MESR sur cette question. Nous le regrettons vivement.)
Les IUT au cœur des injonctions contradictoires entre obligations accrues et manque de moyens pour y répondre.
Un point particulièrement urgent : la situation des IUT.
Ils se trouvent aujourd’hui devant le mur de la troisième année de BUT non financée. Les LPro proposées par les IUT en complément du DUT représentaient généralement 20 à 30% de l’effectif de DUT ; la troisième année concerne maintenant 100% des effectifs. Le compromis ayant aboutit au nouvel arrêté sur les Lpro, incluant le BUT, était loin d’être parfait mais le non financement de la troisième année est catastrophique. Certaines formations n’assurerons tout simplement pas la totalité des volumes prévus… Les agents sont épuisés, en particulier les très nombreux ESAS qui avaient des services extrêmement lourds avant même cette réforme (et ce alors même qu’ils sont mal traité au niveau indemnitaire, nous le savons bien). Les IUT étaient à l’origine un peu moins mal financés que le reste de l’enseignement supérieur ; les voici maintenant au cœur des injonctions contradictoires entre obligations accrues et manque de moyens pour y répondre.
Le statut d’université menacé par les EPE
Enfin, concernant les établissements d’enseignement supérieur toujours, nous commençons à voir les effets systémiques de l’ordonnance sur la politique de site, que nous avions vigoureusement combattue.
L’inflation du nombre d’établissements publics expérimentaux semble nous diriger vers l’extinction progressive du statut d’université tel que prévu par la législation
(articles L712-1 et suivants du code de l’éducation) – sans qu’à aucun moment n’ait eu lieu de débat sur les éventuelles difficultés que poseraient ce statut et sur les moyens de l’améliorer !
Les établissements se ruent vers le statut d’EPE, non tant pour résoudre des problèmes réels (sauf bien sûr quand ces problèmes sont créés de toute pièce, comme dans le cas TSE) mais pour bénéficier de la manne des financements extra-budgétaires, qui s’installent dans le paysage sous des appellations changeantes (IDEX, Isite, France 2030…) mais avec comme constante l’injonction à s’éloigner des statuts d’universités.
Les risques associés sont considérables : illisibilité du paysage universitaire, difficulté croissante pour les agents à faire valoir leurs droits, régression de la démocratie universitaire et surtout parcellisation progressive des établissements, avec des composantes avec ou sans PMJ qui fonctionnent de plus en plus comme des « Etats dans l’Etat » : en fait, c’est un retour aux facultés d’avant la loi Edgar Faure !
Ici même, au CNESER, lors du débat sur l’ordonnance, l’administration s’était fermement engagée à ce que la mise en place d’EPE soit sans conséquences sur la gestion des personnels, les dispositions législatives les concernant étaient exclues du champs des dérogations possibles. Mais cet engagement n’a pas été tenu : en usant d’une interprétation très contestable des dispositions de l’ordonnance, nombre de décrets créant les prérogatives du CAC en matière de RH ont été dans nombre d’EPE ventilées sur des instances nouvelles, diminuant le contrôle des conseils d’université sur la politique RH de l’établissement.
Le Sgen-CFDT a intenté deux recours (concernant les EPE de Lille et de Nantes), qui seront examinés ce vendredi au conseil d’Etat; nous avons bon espoir que cela permette de redonner force à la loi. Et cependant, alors même que les expérimentations n’ont fait l’objet d’aucune évaluation sérieuse, avec la participation de la communauté universitaire, les demandes de pérennisation des dérogations par la sortie de l’expérimentation se multiplient.
Les sections et syndicats du Sgen se mobilisent sur le terrain ; au niveau national, nous demandons au ministère qu’il y ait une pause généralisées sur les sorties d’expérimentation afin que nous puissions, collectivement, réfléchir au systèmes d’enseignement supérieur que nous voulons au lieu de nous diriger au coup par coup et dans la précipitation vers des bouleversements systémiques non pensés et non maitrisés.
Ce que nous demandons, finalement, c’est de sortir d’années de politiques d’expédients, de « trucs », de prétendues expérimentations, d’aggravation lente des conditions de travail, pour trouver enfin un chemin pour sortir de la contradiction entre la demande sociale à l’égard de l’ESR et les moyens qu’y consacre la Nation.
Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons sortir de la crise grave qui s’installe dans notre système d’ESR, et à l’épuisement des agents qui se généralise.