Si le confinement a impacté le travail des enseignant·es, il en a été de même avec les deux temps du déconfinement. Témoignage d'une enseignante d'un collège de REP de l'Aisne.
Camille Moulière est professeure de mathématiques au Collège Georges Cobast à Hirson dans l’Aisne, un collège situé en REP. Pour ce petit collège situé dans une zone où le virus circulait activement, la rentrée n’a finalement eu lieu que le 2 juin (le 11 mai pour les zones vertes).
L’attente était donc grande tant du côté des élèves que des enseignant·es de retrouver leurs murs, leurs habitudes. C’était le cas de Camille qui a accepté de répondre aux questions du Sgen-CFDT.
Prof de maths au collège d’Hirson (Aisne), mère de 2 enfants de niveau collège dont une en difficulté scolaire, j’attendais impatiemment ce retour à l’école puisque mon emploi du temps à la maison durant le confinement était complètement fou : enchaîner mes classes virtuelles, mes préparations de fiches de travail pour mes 5 classes, les corrections de ces fiches, la tenue de la maison, la préparation des repas et l’accompagnement de mes enfants dans leur travail scolaire.
Tout cela m’a imposé un rythme de travail à la limite du supportable. Ainsi donc, quelles que soient les conditions proposées, je voulais absolument reprendre le travail.
Étant dans un collège en zone rouge pour la circulation du virus, nous ne sommes rentrés que le 2 juin mais avec très peu d’élèves. Il avait été décidé une alternance 6-5ème le lundi et le jeudi (+ le mercredi 1 semaine sur 2) et 4-3ème le mardi et le vendredi (+ le mercredi 1 semaine sur 2), avec décalage d’horaires de cours pour les quelques groupes d’élèves présents.
J’ai repris le travail sans aucune inquiétude en terme de risque de contagion tant les règles de fonctionnement mises en place par la direction étaient nombreuses et assez contraignantes, mais aussi parce que je savais que le coronavirus circulait peu en Thiérache (NDLR : région située au Nord-est de Laon). Mon emploi du temps s’est fortement allégé du fait du peu d’élèves présents. Une autre raison à cela, pour inciter les autres élèves à revenir, notre principale nous avait demandés de stopper l’enseignement à distance.
Le public face à nous était très divers : des élèves qui avaient participé activement à l’enseignement à distance, des élèves qui avaient eu de grandes difficultés matérielles pour suivre l’enseignement à distance et des élèves difficiles à « cadrer ». Il a fallu adapter l’enseignement proposé mais la taille des groupes nous l’a permis. Côté état d’esprit des élèves, ils étaient pour la majorité conscients du « danger » et respectaient les règles drastiques imposées concernant le port du masque et les multiples désinfections imposées au cours de leur journée. L’ambiance en classe restait cependant agréable et j’ai pu faire de très bonnes séances….jusqu’au 22 juin…
Ce qui m’avait particulièrement pesé durant cette période de remise en route, qui plus est derrière un confinement de 11 semaines, c’est l’absence d’échanges et de contacts humains avec mes collègues à cause des horaires décalés. La chef d’établissement avait décidé de transférer la salle des professeurs dans une mini salle facile à nettoyer pour le personnel d’entretien…Dès lors, on ne voyait pour ainsi dire plus d’adultes.
Le changement de salle à chaque cours a été lui aussi pesant puisque travaillant maintenant avec l’outil informatique, il était assez lourd (au sens propre et au sens figuré) de se promener de salles en salles avec tout le matériel, y compris ce matériel informatique.
Bref je considère cette première partie de déconfinement agréable du fait d’un confinement rendu insupportable par un rythme de travail effréné et une absence de contact humain.
Malheureusement le 22 juin, là on prend conscience que finalement, on n’est qu’un pion qui doit obéir aux nouvelles directives et notamment à un changement total de rythme. Tout ce qui avait été mis en place à partir du 2 juin tombe à l’eau et on recommence tout.
On retrouve de nouveau nos élèves du début d’année. Certains n’ont rien fait pendant 14 semaines, d’autres ont travaillé régulièrement, d’autre ont eu un autre professeur depuis le 2 juin qui n’a donc pas fait la même chose que les élèves revenus que j’avais face à moi…
Les règles sanitaires sont un peu assouplies alors, en classe, on s’en sort. Mais dans la cours et les couloirs, la vie scolaire est dépassée par la volonté des collégiens de retrouver un semblant de vie normale…
Malgré tout cela, je me suis efforcée d’enseigner l’essentiel pendant ces 2 dernières semaines. Pourtant, je résumerais en un petit groupe nominal cette dernière période : « ce fut du grand n’importe quoi ».
La période de déconfinement n’a pas changé fondamentalement mes relations avec les parents d’élèves. En revanche, la période de confinement…beaucoup. Il me semble que les parents (pas tous malheureusement…) ont pris conscience des efforts entrepris par les enseignants du fait de l’enseignement à distance.
Je pense donc que cette période a amélioré l’image d’une majorité de professeurs vis à vis du grand public…