Lors du salon Éducatec-Éducatice, Profession Éducation a tenu à rencontrer Delphine Guichard, alias Charivari, blogueuse bien connue des enseignants du 1er degré. Une interview réjouissante qui illustre une vision dynamique du métier de PE et donne envie de s'emparer des outils numériques !
Cet article est paru dans Profession Éducation, le mensuel du Sgen-CFDT, n° 244 (mars 2016).
Tu animes le blog Charivari depuis plusieurs années. Quelle est son histoire ?
J’ai créé le blog dès ma sortie d’IUFM, en 2008, pour partager un travail portant sur l’évaluation par les ceintures de couleurs, sujet traité dans mon mémoire de fin de cursus. Rapidement, j’ai pris l’habitude de mettre en ligne des documents que je créais pour ma classe : affiches ; supports de rituels, de leçons…
Mais j’ai aussi tout de suite aimé partager des idées d’organisation, de dispositifs ou de projets. Comme je débutais, c’était l’occasion de soumettre mes idées aux collègues d’autres écoles, d’échanger et nous enrichir mutuellement. Cette dimension collaborative du blog m’a d’emblée séduite. Certes, je suis seule à l’alimenter, mais je mets souvent en ligne des contributions que les collègues m’envoient, le plus souvent à partir de maquettes vierges modifiables pour que chacun puisse se les approprier. On me demande souvent si ce blog me prend beaucoup de temps… En fait, il me prend le temps que j’ai envie d’y consacrer. Comme depuis deux ans, je suis titulaire de ma classe et directrice de notre petite école rurale, j’ai moins de temps à consacrer au blog. Je ne m’impose aucun rythme de publication : c’est selon mon envie et ma disponibilité, tout simplement.
Comment utilises-tu les ressources du numérique avec tes élèves ?
J’ai la chance d’être équipée d’un tableau blanc interactif (TBI) depuis quelques mois. Auparavant, j’utilisais mon vidéoprojecteur personnel. J’apprécie surtout le TBI pour le confort qu’il m’offre dans la préparation de ma classe. Tout le contenu de ma journée est sur un seul grand document que je déroule paisiblement. Pour moi, c’est un « plus » incomparable.
Quels bénéfices les élèves en tirent-ils ?
Cela permet de leur présenter des cartes et oeuvres en grand format, en couleur, des animations, des petites vidéos en anglais. Ils en apprécient, par-dessus tout, le côté interactif : venir écrire au tableau, déplacer des étiquettes, répondre à des quiz… De mon côté, je découvre peu à peu les outils numériques mis à disposition par les éditeurs. Les manuels numériques m’attirent quand ils proposent autre chose que la simple version .pdf des pages. Actuellement, j’utilise un outil en maths (iParcours, de génération 5) qui comprend des quiz à chaque chapitre, des petites animations servant de support aux cours, des corrections animées en géométrie… Je trouve cela épatant.
As-tu des outils particuliers ?
Cette année, nous avons acheté quatre tablettes numériques. C’est peu pour trois classes, mais cela dégage déjà de nombreuses possibilités. Des sites comme Calcul@tice ou Rallye-lecture.fr sont vraiment un gain pédagogique supplémentaire pour la classe. Grâce à Calcul@tice, j’ai un atelier de calcul mental vraiment intelligent, adapté à chaque élève. Quant à Rallye-lecture, il dématérialise les QCM de lecture pour soulager les corrections. Je n’avais jamais vu mes élèves aussi investis dans la lecture. Et c’est ce dont les parents me parlent le plus à la sortie de l’école « Il-elle n’a jamais autant lu que depuis qu’il-elle est dans votre classe ! ».
Comment le numérique fait-il évoluer le métier d’enseignant ?
Il y aurait énormément à dire sur ce sujet. Le numérique a fait tomber les murs de la salle des profs. Internet me permet d’échanger avec des profs du monde entier, de partager des idées, des dispositifs, des pratiques. Je suis particulièrement intéressée par les pratiques des collègues anglo-saxons : tous leurs dispositifs ne sont pas transposables, mais j’y puise souvent des idées vraiment inédites chez nous. Grâce au numérique, les élèves aussi peuvent travailler différemment. Chacun peut apprendre à son rythme. Certaines évaluations et les exercices de systématisation vont, de plus en plus souvent, pouvoir être proposés et corrigés par l’ordinateur. L’informatique peut décharger le maitre de certaines tâches ingrates et lui dégager ainsi davantage de temps pour se consacrer à aider les élèves les plus faibles, à concevoir des parcours… Le numérique permet également aux élèves de développer des compétences nouvelles. Avec Internet, ils peuvent échanger avec des camarades de classes voisines ou étrangères. Et, avec un ordinateur ou une tablette, créer du contenu : histoires animées, films, textes à partager en ligne, exercices d’entrainement pour leurs camarades, capsules vidéos pour partager des connaissances…
Les communications orales et écrites prennent une dimension nouvelle, sans compter toutes les compétences de coopération, de travail en équipe, stimulées par la participation à ces projets numériques. Ce sont des compétences, indispensables dans la vie professionnelle et sociale, qui sont nettement moins développées par les pédagogies plus traditionnelles…
Enfin, j’ai hâte de mettre en place une initiation à la programmation (avec Scratch, sans doute) : quelle richesse, du point de vue du développement de la pensée logique, que de concevoir un algorithme simple pour, par exemple, créer un petit jeu !
Selon toi, comment l’école pourrait-elle mieux profiter des opportunités offertes par le numérique ?
Pour que l’usage du numérique se répande mieux dans toutes les classes, il faudrait que les profs en aient l’envie et les moyens. Pour ce qui est de l’envie, cela passe par plus d’informations et plus de formations sur les possibilités qu’offrent ces outils. Les initiatives, comme le portail Prim à bord, vont dans le bon sens, mais il faut aller plus loin : communiquer sans cesse (avec des petites vidéos par exemple) sur les différents usages, guider les enseignants néophytes, bien référencer et indexer les ressources disponibles pour que les profs les retrouvent facilement…
En ce qui concerne les moyens, cela dépend, là encore, de la formation continue, de l’équipement des classes et des élèves, et des ressources. Tout cela a un coût. J’insiste sur notre besoin de personnes compétentes sur le terrain pour aider, non seulement à l’utilisation, mais aussi à l’installation et à la maintenance. Les profs un peu « geeks » passent des heures de leur temps libre à mettre à jour les logiciels, installer des applications et des outils. En fait, si on veut que toutes les écoles bénéficient du numérique, il faudrait arrêter de ne compter que sur la bonne volonté des profs passionnés et accepter d’investir vraiment dans l’équipement, la formation et le support de tous les enseignants.
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RESSOURCES
- Scratch 2.0, logiciel libre conçu pour initier les élèves, à partir de 8 ans, à des concepts fondamentaux en mathématiques et en informatique.
- Rallye-lecture.fr : concours de lecture en ligne.
- Collection iParcours Génération 5 : versions numériques de cahiers d’exercices en mathématiques.
- Projet Voltaire : le service en ligne d’entrainement à l’orthographe a lancé un nouveau module concernant 52 points fondamentaux d’orthographe à l’attention des élèves du CE2 à la 5e.
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