Dès l’annonce de la fermeture des écoles, des établissements scolaires et universitaires et des services, le 14 mars 2020, l’organisation du travail de tous les agents du système éducatif a été brusquement bouleversée. Du jour au lendemain, la quasi totalité des personnels se sont trouvés dans l’obligation de travailler à distance dans des conditions matérielles rarement adaptées et selon des modalités jamais anticipées.
Le Sgen-CFDT a tenu à donner la parole aux agent·e·s pour qu’il·elle·s témoignent de leur vécu pendant la crise et pour que chacun·e sache que son expérience personnelle n’est ni isolée ni ordinaire.
Les nombreux témoignages recueillis par les militant·e·s du Sgen-CFDT nous ont permis pendant toute la période de rappeler les réalités du terrain aux ministres et à leurs services. Lorsque la crise sera passée, nous saurons nous appuyer sur les enseignements de cette période pour construire des revendications nouvelles afin que les employeurs publics reconnaissent les difficultés rencontrées et l’engagement professionnel de tous les agent·e·s.
Pour bien comprendre...
- Témoignages des personnels de l'Éducation nationale
- Témoignages des personnels de l'Enseignement agricole public
- Témoignages des personnels de l'Enseignement supérieur et des Crous
- Premier bilan : les réalités du quotidien pendant le confinement
Les témoignages des agents
Éducation nationale
Personnels administratifs et santé – sociaux
Bien que la filière sociale n’aie reçu aucune consigne de la part de notre ministère, elle se mobilise pour répondre aux besoins des élèves et de leurs familles. Des initiatives locales émergent sur le territoire alors même que les A.S ne disposent pas du matériel nécessaire.
La période actuelle restera dans nos mémoires comme une année où notre place de personnel administratif dans le système éducatif aura été particulièrement interrogée. En effet, le sentiment d’être ignoré, invisible, peu considéré n’a jamais été aussi fort que ces dernières semaines.
Catherine Massaloux est fondée de pouvoir dans une agence comptable scolaire. En période de confinement, la continuité administrative s’impose. Quelles sont les conditions de travail actuelles pour ce métier, primordial dans le fonctionnement des établissements publics locaux d’enseignement ?
Enseignants du premier degré
Céline Joblot enseignante en CP à Pont de l’Isère dans la Drôme, dans une école de 11 classes, site d’accueil pour la garde des enfants de soignants. Elle nous parle de la façon dont elle travaille pendant ce temps de confinement contraint.
Un directeur d’école maternelle en région parisienne dresse un bilan des deux premières semaines de confinement : le travail au quotidien, les retours positifs des parents… mais aussi les demandes ubuesques du recteur.
Annabelle Binoist, enseigne dans une classe de CE1, à l’école Albert Schweitzer d’Amiens comptant 13 élèves. La classe est dédoublée depuis la mise en place de cette mesure dans les quartiers prioritaires.
Guillaume Poilleaux est directeur de l’école maternelle de Muttersholtz en Alsace (3 classes, 91 élèves).
Bruno Charles est Professeur des Écoles spécialisé au Collège Paul Eluard de Saint-Étienne-de-Mont dans le Pas-de-Calais où il enseigne en SEGPA.
Isabelle est enseignante dans une école qui accueille un dispositif ULIS. La situation sanitaire a fragilisé ces enfants et leurs familles. Dans ce contexte, comment Isabelle arrive-telle à assurer une continuité pédagogique avec ses élèves ?
Pendant la crise sanitaire, beaucoup de psychologues de l’Éducation nationale ont été ignorés par le Ministère. Patricia Garouste, Psychologue, nous livre son vécu de la période. Si elle fut rude, elle lui aura sans doute permis de voir son métier autrement.
Enseignants du second degré et CPE
Le lycée Antoine de Saint-Exupéry à Terrasson est un petit lycée de campagne qui compte environ 400 élèves.
Isabelle Bernard est professeur d’allemand au lycée Paul Claudel de Laon. Ce lycée général et technologique compte environ 1 400 élèves, BTS compris, dont environ 200 internes et 120 professeurs.
Dans cette période de crise sanitaire la majorité des enseignants est confinée chez elle et assure la continuité pédagogique. Mais dans quelles conditions ?
Une synthèse des témoignages du travail éducatif quotidien de celles et ceux dont on ne parle pas : les CPE.
Etienne Fisher est professeur de mathématiques dans un petit collège rural. Il évoque son quotidien pendant le confinement : le travail avec ses élèves, ses collègues, mais aussi le DNB.
Olivier HENRY exerce son métier à la cité scolaire Laure Gatet de Périgueux, il nous livre son constat, ses réflexions sur la période écoulée et celle à venir.
Chrystel DOUIS exerce au collège Rosa Bonheur de Bruges, proche de Bordeaux, elle nous livre ses analyses sur la période de confinement et sur les périodes à venir…
Sandrine SOUAL exerce au Lycée Professionnel Jehan Duperrier à Saint-Médard-en-Jalles dans la métropole bordelaise. Elle évoque son travail pendant le confinement et la préparation de la reprise.
Un métier méconnu de l’Éducation nationale mais non moins important, les professeur·es des disciplines scientifiques peuvent en témoigner : technicienne de laboratoire. Virginie a accepté de répondre à nos questions sur son activité qui ne peut s’exercer qu’en présentiel.
Pascal est Professeur de Lycée Professionnel. Il prépare ses élèves à devenir conducteur routier. Pas facile de travailler la conduite routière en distanciel, alors comment fait-il ?
Reportage dans un collège urbain de REP en Pays de la Loire. La direction et l’équipe pédagogique ont fait vivre un collectif de travail et élaboré de nouvelles organisations pour accompagner les élèves. Le protocole de déconfinement s’est coconstruit dans le même état d’esprit.
Personnels d’encadrement
IA-IPR en charge de l’Éducation prioritaire dans l’académie de Créteil, Alain Pothet parle de son rôle pendant la période de confinement et livre ses réflexions sur la continuité pédagogique et les enseignements à en tirer pour le système éducatif.
La crise sanitaire liée au Coronavirus Covid-19 a provoqué l’arrêt de l’activité du Lycée dont Laurent Le Drezen est proviseur. Un arrêt brutal qui a nécessité pour les personnels une adaptation rapide mais indispensable pour les lycéens et lycéennes.
Fermeture des établissements, mise en œuvre de la continuité pédagogique, lien avec les personnels et les familles, anticipation des décrochages, perspectives de reprise… Comment les personnels de direction vivent-ils la période ? Le témoignage d’un principal de collège.
Enseignement agricole public
Du jour au lendemain le quotidien des apprenants comme celui des enseignant·es et des agents qui les encadrent a été bouleversé. Le Sgen-CFDT a réalisé une série d’interviews de personnels de tous les métiers de l’enseignement agricole public afin qu’ils témoignent de leur vécu dans la singularité du quotidien confiné.
- Confinés : des agents de l’enseignement agricole public témoignent – Volet 1
- Une période anxiogène et source de stress et un allongement fréquent de la journée de travail. Une mise en route marquée par l’urgence et le tâtonnement.
- Confinés : Des agents de l’enseignement agricole public témoignent – Volet 2
- Enseigner à distance et garder le lien avec ses collègues et collaborateurs, un vrai challenge. La continuité face à la « fracture numérique » et la prévention du décrochage. Les inquiétudes pour la reprise et la rentrée 2020.
- Confinée : Fatna Ghorzi, technicienne à Agrosup-Dijon témoigne
- Fatna travail à Dijon au sein du service Eduter Ingénierie en appui à l’enseignement technique agricole, notamment sur les questions portant sur le numérique éducatif.
- Confiné : Témoignage de Pierre Guy Marnet, Professeur à l’Institut Agro de Rennes
- Perre Guy Marnet est rofesseur à l’institut Agro, à Agrocampus Ouest sur le site de Rennes.
- Confinée : Maria Saunier, CPE dans l’enseignement agricole témoigne
- Maria Saunier esr CPE au lycée de Sées (Normandie-Orne)
- Confinée, une AESH en lycée agricole témoigne
- « Je suis AESH dans un lycée agricole depuis 2011. J’ai été « CDisée » après 6 ans d’exercice. Je travaille à 90%. »
- Confinée : une jeune agronome en Lycée agricole témoigne
- Cette jeune agronome est directrice d’exploitation dans un lycée agricole.
- Confinée, Marie-Pierre, professeure certifiée de l’enseignement agricole témoigne
- Marie-Pierre est professeure en zootechnie, passionnée par l’élevage et les chevaux. Elle enseigne au lycée agricole de Mirecourt dans les Vosges.
- Confiné : Eric Guibert, secrétaire général du Lycée de Toulouse-Auzeville témoigne
- Eric Guibert est secrétaire général du Lycée d’Enseignement Général et Technologique de Toulouse-Auzeville depuis 2011.
Enseignement supérieur
Ferroudja Allouache donne à voir l’isolement des étudiant·e·s, la surcharge de travail pour compenser l’éloignement, le vécu d’un temps hors-norme.
Cette période exceptionnelle de confinement a modifié tous nos repères professionnels. Comment réussir à continuer l’activité et les services rendus au public tout en étant chez soi. Anne, Bibliothécaire Assistante Spécialisée, témoigne.
La filière des personnels des bibliothèques se mobilise pour répondre aux besoins du public : étudiants, enseignants, chercheurs… Des initiatives émergent dans les universités alors même que les personnels ne disposent pas tous du matériel nécessaire.
Avec le confinement, les agents du CROUS d’Aix-Marseille Avignon font rimer professionnalisme et solidarité pour assurer au mieux l’accueil des étudiant·es. Témoignage de Sylvie Muller, agent d’entretien à la Cité Alice Chatenoud et représentante du Sgen-CFDT.
Chargée d’aider à l’organisation des colloques et journées d’études, Fatima Zénati témoigne de ses conditions de travail et de ses engagements militants Sgen-CFDT en ces temps de confinement
Pour Pierre-Antoine Dessaux, le confinement est l’occasion, notamment, de tester la capacité de l’université à enseigner à distance. Une rencontre avec le réel qui permet de poser des limites et d’avancer des préconisations.
Youssef Ettaï conjugue confinement et cohésion d’équipe, capacité d’innover et souci de continuer à servir les usagers. Son engagement militant Sgen-CFDT est une façon de réaffirmer ces valeurs.
Les réalités du quotidien pendant la crise sanitaire
Urgence et tâtonnement : une période de stress, de fatigue et de remise en question…
Les personnels ont presque tous commencé la période par une phase de stress et d’activité intense (au risque de s’épuiser) pour tenter de répondre au discours ministériel fixant un objectif bien trop ambitieux et prétendant que « tout était prêt ». On a voulu faire croire à l’opinion que les élèves pourraient faire à la maison tout ce qu’ils font habituellement à l’École ou presque. La réalité était toute autre…
Les conditions et modalités de travail ont été brutalement bouleversées et marquées par l’isolement, la peur pour soi et ses proches, la difficultés à articuler vie professionnelle et vie de famille désormais étroitement imbriquées pour beaucoup.
Les problèmes techniques et la capacité variable à maitriser des outils numériques, soudain devenus indispensables, ont plongé beaucoup de collègues dans le désarroi. Difficile aussi de faire face à l’urgence avec un matériel personnel, pas toujours adapté, et souvent partagé avec le reste de la famille.
Il a fallu trouver une nouvelle manière de gérer son temps, adapter les contenus et les supports, se familiariser dans l’urgence avec certains outils, multiplier les initiatives pour maintenir le lien avec les élèves et les familles. Il a fallu chercher des solutions innovantes en tâtonnant et faire le deuil de certaines pratiques et objectifs car l’École à la maison ce n’est pas l’École.
De la continuité pédagogique à la continuité éducative…
Passée cette première phase, chacun·e a bien compris qu’il fallait revoir ses ambitions pour ne pas mettre les élèves et leurs familles en difficulté. De fait, il a fallu passer progressivement de l’ambitieuse continuité pédagogique à une continuité éducative qui permette de limiter le nombre des élèves « décrochés » avec en appui principal le travail opiniâtre mais déterminant des CPE.
Faire pour le mieux avec les moyens du bord
La période est révélatrice des limites et des illusions du système soudainement mises en lumière.
Faible équipement matériel des élèves voire des personnels, difficultés d’accès aux réseaux, défaut de maitrise des outils et des usages du numérique, manque de formation : la fracture numérique et les inégalités qu’elle génère et renforce s’illustre soudainement par l’hétérogénéité des situations.
Un engagement professionnel fort au service de l’intérêt général
Tous les personnels, quel que soit leur place dans le système ont fait preuve de leur efficacité, de leur conscience professionnelle et et de leur capacité à s’adapter…. Qui pour permettre d’accompagner les élèves et les étudiants, qui pour leur éviter de décrocher, qui pour organiser le travail à distance et maintenir la cohésion des équipes, qui pour assurer la continuité administrative notamment pour permettre la poursuite des opération de ressources humaines et ne pas hypothéquer la rentrée 2020.
Un nouveau défi à relever…
Alors que tout le monde avait réussi à reconstruire tant bien que mal une organisation cohérente et respectueuse de chacun·e, un nouveau challenge se profile avec l’annonce de la réouverture des écoles et des établissements. Les conditions de cette reprise s’annoncent au moins aussi complexes sur le plan pédagogique avec en prime l’anxiété de la sécurité sanitaire…
Une année scolaire décidément hors norme qui prouve, s’il en était besoin, que tous les métiers du monde de l’éducation sont essentiels et complémentaires. Bien que cela ne soit pas toujours reconnu à sa juste valeur, le fonctionnement de notre système éducatif repose depuis toujours sur le professionnalisme de tous les agents et sur leur capacité d’adaptation.
Tirer les leçons de la période…
Reste à savoir si l’État saura tirer tous les enseignements de la période.
Il faudra mieux tenir compte de la complémentarité des personnels et des services en cessant de dégrader leurs conditions de travail et leur organisation au gré des choix budgétaires ; reconnaitre leur engagement et leurs compétences notamment sur le plan financier ; leur donner plus d’autonomie pour s’organiser et non plus vouloir tout imposer et contrôler par des injonctions qui les empêchent de prendre les initiatives qui peuvent répondre aux réalités de leur territoire, de leur service et des usagers.
Notre engagement
Le Sgen-CFDT veillera à ce que les leçons de la période soient retenues, que l’engagement des agents soit reconnu et que leur besoin d’autonomie soit enfin satisfait. Nous saurons faire de cette expérience une force pour construire des revendications nouvelles et les porter auprès de tous les employeurs publics de nos champs professionnels.
Tous les entretiens rassemblés dans ce dossier témoignent des difficultés rencontrées par les agents, de leur engagement professionnel sans faille et de leur capacité à s’adapter à un contexte inédit. Un contexte qui met en lumière des limites et des travers de notre système éducatif souvent dénoncés depuis longtemps par le Sgen-CFDT.