Bien que le ministre ait affirmé : « rien ne changera pour les sections européennes et internationales » avec la réforme du lycée, un arrêté publié en catimini le 10 janvier au BO transforme l’esprit et la pratique de cet enseignement.
Cette redéfinition implique des modifications dans la répartition des dotations, dans les postes, dans la répartition des élèves qui choisissent de faire DNL, et de plus interroge sérieusement sur l’objectif pédagogique visé.
Un changement de définition qui pourrait mettre leurs enseignants en difficulté
une redéfinition des sections européennes ou de langue orientale
L’article 1 prévoit en effet pour les sections européennes ou sections de langue orientale (SELO) :
- « un horaire d’enseignement linguistique renforcé dans la langue vivante étrangère de la section;
- l’enseignement, dans la langue de la section, d’une partie du programme d’une ou plusieurs disciplines non linguistiques (DNL);”
On comprend donc que des heures dédiées à l’enseignement de la langue sont donc attribuées en plus, sans que ne soit précisé combien, si elles sont prises sur les marges forfaitaires de la dotation globale ou si elles font l’objet d’une dotation complémentaire. Par ailleurs, aucun contenu ni objectif pédagogique n’est spécifié.
et une possibilité officielle de mettre en place des enseignements de DNL hors SELO
En parallèle des sections européennes reconnues comme telles, les lycées peuvent mettre en place des DNL, assurées « possiblement » par des enseignants de LV, et qui permettront l’indication sur le diplôme du baccalauréat d’une « discipline non linguistique ayant fait l’objet d’un enseignement en langue vivante ».
et obscurcit plus la situation qu’elle ne la clarifie
Les sections européennes ont fleuri dans de nombreux établissements encouragées par les rectorats. Les chefs d’établissement y ont vu une façon d’améliorer l’attractivité des lycées, et d’attirer des « bons » élèves. Les IPR ont encouragé les enseignants à obtenir les certifications. Des postes « spécifiques » ont été créés avec un profilage des postes et donc des collègues chargés de ces enseignements. Les dispositifs proposés aux élèves étaient assez divers selon les académies, et le ministère a sans doute souhaité redéfinir ces dispositifs.
Cet arrêté pose en effet beaucoup de questions ; Quid de ces postes spécifiques s’il n’y a plus d’horaire en plus ? L’objectif de cette réécriture est-elle de récupérer des heures poste pour absorber les 1800 suppressions imposées cette année budgétairement ? EN SELO, y aura-t-il un programme spécifique dédié dans la LV en lien avec la DNL ou est ce que les enseignants seront libres d’utiliser ces heures pour faire “de la langue renforcée” ?
La remise en cause d’un horaire dédié aura un effet mécanique sur ces postes. Cela risque de produire une confusion extrême pour la préparation de la rentrée et à terme sur l’implication des enseignants dans ces dispositifs.
La nouvelle disposition sur la DNL questionne pour sa part la manière dont va être établie la carte académique et l’identité professionnelle des collègues : la certification sera-telle obligatoire ? quelle articulation avec les collègues de LV dans les établissements ? Pour la partie DNL « incluse » dans l’enseignement « ordinaire » : qui décide de quelles parties sont faites en langue et à quel niveau ? Décision nationale? Académique? L’enseignant ?
Enseigner en langue étrangère suppose un niveau de langue suffisant, mais également une didactique spécifique et, partant, une formation adaptée et continue.
Des objectifs pédagogiques confus, sources là aussi d’interrogations
Quelle est donc l’objectif visé par la politique ministérielle ?
- Offrir à tous les élèves de lycée général (comme cela existe en lycée technique depuis 2011) une heure obligatoire d’un enseignement « ordinaire » en langue étrangère ? Pourquoi pas, mais il faudrait des moyens, ce qui n’est pas à l’ordre du jour…
- Supprimer à terme une « option » prestigieuse mais qui ne concerne que peu d’élèves, souvent favorisés scolairement et socialement et qui s’avère extrêmement couteuse voire discriminatoire ?
- Réserver ces SELO à un plus petit nombre d’élèves, avec le bénéfice des échanges culturels et linguistiques pour basculer les autres en « DNL » ?
- Organiser de manière discrète le retour ou le maintien de divisions colorées par des options et permettre à celles-ci de jouer leur rôle de marqueur social dans la course aux filières d’excellence ?
- Contenter les chefs d’établissements et les familles en faisant de l’affichage sur une offre de formation diversifiée mais sans donner les moyens de mettre une véritable politique linguistique en œuvre ?
Dans le contexte de réforme du lycée, de suppressions de postes, cette redéfinition des SELO/DNL parait incohérente, inconséquente, et délétère pour le climat de l’établissement.
Le Sgen-CFDT revendique le maintien de l’esprit des DNL
Cela implique :
- des heures dédiées à la DNL distincte des langues : l’introduction de cet enseignement avait pour objectif de faire pratiquer une langue vivante en l’associant « de plain pied » à une discipline, pour d’une part acquérir un vocabulaire spécifique, renforcer l’imprégnation de la LV et favoriser une approche interculturelle de la DNL. Il ne peut viser à compenser pour quelques un·es des horaires de LV qui sont trop faibles pour tou·tes en France.
- un financement complémentaire pour permettre une mise en œuvre qui ne mette pas en concurrence effectifs réduits et options facultatives
- la mention sur le diplôme du bac de la (des) discipline(s) dans la(les)quelles ils ont eu des cours en langue, indépendamment du résultat obtenu à l’épreuve, comme trace d’un parcours linguistique spécifique.
- un éclaircissement sur le devenir des postes à profil DNL actuels
- un éclaircissement sur les possibilités de suivre un enseignement en langue hors SELO
- la confirmation que seuls les collègues possédants une certification pourront enseigner en DNL (dans ou hors SELO)
- la possibilité pour les enseignants de LV d’enseigner dans les dispositifs DNL quand leurs parcours personnel, universitaire et/ou professionnel leur a permis d’acquérir les compétences nécessaires, avec accord des IPR et reconnaissance de cet engagement particulier.
- pas d’épreuve spécifique mais une pleine reconnaissance du contrôle continu comme pour les autres options facultatives.
à plus long terme, il faudra une clarification de la politique ministérielle en particulier sur le devenir des postes à profil et sur les objectifs des SELO/DNL.
Il serait temps que le ministère entende les représentants des personnels plutôt que d’imposer des mesures sans concertation avec des effets non anticipés sur les pratiques