"L'égale dignité des invisibles : quand les sans-voix parlent de l'école", le livre d'ATD Quart Monde écrit sous la direction de Marie Aleth Grard est sorti, un ouvrage fait de témoignages donnant la parole à des familles de la grande pauvreté. Pour le Sgen-CFDT, un ouvrage à lire absolument.
L’écart entre les riches et les pauvres n’a jamais été aussi important dans notre pays.
On ne peut se satisfaire d’avoir au sein de notre pays plus de 3 millions d’enfants issus de familles vivant au-dessous du seuil de pauvreté. D’autant que cette origine sociale du fait des inégalités que véhicule notre système scolaire conditionne le métier que ces enfants feront plus tard, des métiers qui seront parmi les moins rémunérés.
ATD quart Monde, en publiant un livre sous la direction de Marie Aleth Grard « quand les sans voix parlent de l’école » entend donnant la parole à ces invisibles qui attendent pourtant de l’école un rôle d’ascenseur social qu’elle a du mal à remplir.
Pour le Sgen-CFDT, on ne peut à l’heure des réflexions sur le collège, sur les parcours des élèves faire comme si ces familles n’existaient pas.
Une mixité sociale illusoire
L’École est au même titre que la société faite d’une diversité de parcours, de personnes ce qui en fait normalement as richesse.
Pourtant, la mixité sociale en milieu scolaire n’est que rarement une réalité. Combien d’écoles construites au milieu de quartiers où les familles sont en état de précarité sans aucune mixité ? On voit ainsi s’installer des écoles ghettos où les familles qui pourraient amener cette mixité font tout pour contourner la carte scolaire en cultivant ainsi un entre-soi.
Dès lors, la mixité sociale et scolaire devient une illusion que certains défendent…. pour les autres.
Un sentiment de déclassement de ces familles
Pour beaucoup de ces personnes qui témoignent dans le livre, la bienveillance enseignante n’est pas toujours de mise pour les enfants issus de familles en grande pauvreté au point qu’elles ont le sentiment de déclassement social.
Ainsi Jacqueline, militante à Reims témoigne en disant : « Les familles les plus aisées, avec soi-disant de bonnes situations, sont écoutées. Soi-disant, elles élèvent mieux les gamins que nous. Nous on est nuls, on ne sait pas éduquer nos gamins. Il faut arrêter de juger les parents ».
Dès lors, comment réussir à instaurer un climat scolaire propice pour permettre à l’enfant, à tous les enfants de progresser ?
Au sein de nombreux témoignages, c’est le collège qui est pointé du doigt avec une pression sur les compétences à acquérir très forte sans tenir compte de l’enfant dans sa globalité et surtout de ce qu’il vit en dehors de son établissement scolaire.
Difficile dès lors de construire une relation apaisée avec ces familles quand elles se sentent systématiquement jugées par l’Institution et ses personnels, une institution qui ne leur livre pas les codes mais a tendance à les conforter dans leur situation en orientant leurs enfants plus facilement, en SEGPA, IME ou classes spécialisées.
Une reproduction qui ne favorise pas leur intégration voire qui provoque une colère contre cette Ecole qui ne joue pas son rôle.
Des réflexions « anodines » blessantes au vu de la situation de ces familles
Beaucoup témoignent de leur vécu et particulièrement de ces petites phrases qui les blessent car déconnectées de la réalité de leur vie quotidienne. Des mots qui isolent et les renvoient à leur précarité ou leur manque de scolarité en tant que parents ou à leur propre parcours.
- Ce n’est pas la peine que vous aidiez votre fille, vous lui faîtes faire des erreurs
- Comme je restais dans un coin, l’enseignant m’appelait l’Homme de Cro-Magnon
Pourtant, beaucoup de témoignages soulignent l’importance de l’École et la volonté de ces familles que leurs enfants réussissent sortent de ce déterminisme social en accédant à un métier qui les feront entrer dans une certaine normalité en sortant de la pauvreté. Certaines rencontres avec des enseignant.e.s l’ont permis et ces familles en gardent un souvenir très prégnant notamment parce qu’elles ont eu le sentiment d’être écoutées et non jugées.
Des enseignants, des chercheurs qui essaient de trouver des réponses
Outre les témoignages de familles issues de la grande pauvreté, le livre donne également la parole à des enseignants et chercheurs. Ces derniers nous parlent de leurs expériences avec ces familles, ces enfants pour qui l’accompagnement est essentiel.
Cela doit ainsi commencer dès la maternelle comme ce que décrit Florence, directrice d’école maternelle à Lyon. L’école maternelle est le premier contact avec l’institution, il s’y joue des enjeux important pour la suite et notamment la nécessaire création d’une relation de confiance, reste à ce que le Ministère laisse le temps aux équipes pédagogiques de penser leurs dispositifs, leur organisation comme elle l’entendent.
Ainsi, Dominique Reuter, Chercheure au LACES à Bordeaux pense qu’il faut avant de vouloir « éradiquer les difficultés particulières de ces enfants, les comprendre ».
Cela ne peut passer que par des projets établis en fonction d’un territoire et non en fonction d’une commande institutionnelle. Il faut en cela donc une véritable autonomie pour adapter, proposer, organiser les apprentissages au plus près des besoins.
Pour Gwénaël, qui a enseigné durant de nombreuses années en SEGPA,
« l’accès à l’école a été démocratisé mais on n’a pas démocratisé l’enseignement. Au contraire, l’étalon en matière de réussite est l’élève de classe prépa. ».
Un livre à lire et à partager
Pour le Sgen-CFDT, ce livre est riche en pistes de travail, en propositions. Mieux former les enseignants, laisser plus d’initiatives au local, doter les écoles de personnels supplémentaires pour accompagner les enseignant.e.s et les familles, revoir les procédures d’orientation, supprimer les devoirs à la maison source d’inégalités ou encore faire réellement respecter la carte scolaire, autant de pistes qu’il convient de regarder avec intérêt.
Alors, un bon conseil, dévorez ce livre qui vous permettra sans doute d’avoir un autre regard sur ces familles !