Alors que les scientifiques s'accordent sur la gravité de la situation climatique et l'urgence d'une action pour s'adapter et limiter les conséquences du changement, où en est l'école ? En quoi est-elle concernée ? Cela concerne-t-il une organisation syndicale comme le Sgen-CFDT ?
Au premier abord, on pourrait dire que l’école agit à tous les niveaux.
L’éducation à la transition écologique n’est pas un fait nouveau : les programmes ont été modifiés pour tenir compte davantage de la nécessité d’éduquer au développement durable.
On élit désormais des éco-délégué·es, le Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté gagne en cette rentrée un E (CESCE) pour intégrer l’environnement.
Les initiatives foisonnent que ce soit sur le plan pédagogique ou dans la vie de nos écoles et établissements en lien souvent avec des labellisations EDD et les collectivités territoriales de rattachement. Les personnels accèdent à un forfait mobilité durable, les menus de la restauration collective doivent limiter la fréquence des protéines animales…
Tout serait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes !
Est-ce suffisant ?
On le voit l’école est bien concernée et cela à la fois dans sa mission d’éducation et dans son fonctionnement d’administration publique. Est-ce suffisant ?
On pourrait d’abord répondre que faute de mesure précise des effets de tout ce qui est entrepris, c’est difficile à établir. Mais ce serait ignorer la gravité de la situation et les changements massifs qu’elle exige. La réduction de nos émissions de gaz à effet de serre doit être considérable si nous voulons limiter l’ampleur du réchauffement climatique et la gravité des dérèglements qu’il engendre.
Et sur ce dernier point, on est aussi très loin du compte. Nous ne sommes pas prêts à faire avec ces catastrophes. Si la crise sanitaire a montré le besoin de plans de continuité, qu’en est-il pour nos examens en période de canicule ?
Il faut maintenant tourner la page de ces initiatives partielles et trop souvent basées sur l’engagement de quelques-un·es, qui plus est souvent sur leur temps personnel.
Nous appelons à une entrée du système éducatif en transition.
Transition tout d’abord dans ce que nous enseignons, dans la manière dont nous le faisons.
L’éducation à la transition climatique doit permettre une prise de conscience à tous les niveaux de la situation et des leviers sur lesquels nous appuyer pour atténuer ses effets et réduire son ampleur.
Ces savoirs doivent au premier chef concerner les personnels à tous les niveaux, quelles que soient leurs missions.
Mais ils doivent aussi permettre aux enfants qui débutent leur scolarité aujourd’hui à l’âge de 3 ans d’être préparés à être les citoyens de 2042 qui devront faire face à ces enjeux avec encore plus d’acuité.
Il en va de leur désir d’apprendre, de leur bien-être comme de celui des personnels. Comment les préparer à un avenir désirable si cet avenir est si sombre et qu’ils ont si peu de prise sur ce qui va advenir ?
Parce que la bonne nouvelle que nous a apporté le dernier rapport du GIEC, c’est qu’il est encore temps d’agir pour construire ce monde désirable et que nous disposons des moyens pour l’atteindre.
Mais cela suppose une transformation profonde de nos modes de vie, et en premier lieu sur 3 plans :
– nos déplacements,
– nos locaux,
– notre alimentation.
Il se trouve que la crise ukrainienne a accéléré l’urgence de mesures en lien avec l’approvisionnement énergétique. Mais il ne faut pas s’y tromper, la fin de ce conflit que nous appelons de nos vœux ne réglera rien sur le plan climatique.
Pourquoi le Sgen-CFDT est-il concerné par la transition écologique ?
Sur tous les leviers cités, qui sont commun à toutes nos activités, à celles des parents de nos élèves, et à toute la population, en quoi une organisation syndicale est-elle concernée ?
Les adhérent•es du Sgen-CFDT sont déjà familiarisé·es avec la notion de « pouvoir de vivre » que le pacte du même nom a popularisé au delà de la CFDT. Mais il s’agit bien de cela.
Il y a bien entendu des questions de rémunération, le pacte du pouvoir de vivre ne prétend pas les contourner. Mais on sent bien qu’il ne s’agit pas dans la crise climatique d’obtenir toujours plus de salaire pour polluer toujours plus.
S’adapter et atténuer le réchauffement climatique, c’est mettre en place les leviers et les moyens pour faire avec la situation et ses enjeux.
Pour les personnels, il faut donc que nous mettions en place, par le dialogue social, la négociation d’accord à tous les niveaux de notre système éducatif, les moyens de vivre avec l’enjeu de la transition écologique.
Repenser nos déplacements, nos horaires de travail, prévoir des plans de continuité du service public, agir de manière plus sobre… tout cela doit se décider collectivement en utilisant des ressources techniques, réglementaires communes, mais en adaptant les décisions à chaque situation. Le changement climatique est une réalité globale mais il n’est pas vécu de la même manière en fonction de nos territoires.
Le Sgen-CFDT appelle donc à développer l’autonomie collective, la formation aux enjeux et aux outils à mettre en œuvre.
Cela suffira-t-il ?
Seule une évaluation précise des émissions de gaz à effet de serre de nos activités, un chiffrage précis de l’empreinte de chacune de nos activités permettra de dessiner les cibles à atteindre.
Seule une action coordonnée de notre ministère et des collectivités territoriales permettra de prendre les enjeux à bras le corps.
Seul un phasage précis de ce qui doit être entrepris à court terme (chauffage, déplacements, restauration collective, commande publique, usages numériques…), à moyen terme ou à long terme (bâti scolaire, adaptation des systèmes de déplacement décarbonés…) nous permettra de prendre les bonnes décisions.
Et les bonnes décisions ce sont celles qui permettront à nos collègues d’augmenter leur pouvoir de vivre, de donner du sens à ce qu’ils ou elles font.
C’est aussi ce qui permettra aux enfants qui nous sont confiés de prendre le tournant du changement climatique et de construire un avenir désirable pour demain.