Motion du Conseil fédéral du Sgen-CFDT. L’objectif de plus d’égalité scolaire doit être poursuivi en menant une politique éducative territorialisée centrée sur l'Éducation prioritaire et une démarche volontariste visant à faire progresser la mixité sociale et l'hétérogénéité des publics...
Éducation prioritaire. Le conseil fédéral du Sgen-CFDT revendique une politique éducative ambitieuse à la hauteur des enjeux de la période de crise majeure que nous vivons. En ce sens, l’objectif de la Loi de refondation de l’École de 2013 de lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative reste plus que jamais d’actualité.
Pour le Sgen-CFDT, cet objectif ne peut se résumer à la recherche de la seule égalité des chances, il ne peut être atteint par le seul empilement de dispositifs sans cohérence. L’objectif de plus d’égalité scolaire doit être poursuivi en menant à la fois une politique éducative territorialisée centrée autour de l’Éducation prioritaire et une démarche volontariste visant à faire progresser la mixité sociale et l’hétérogénéité des publics dans tous les établissements scolaires.
Les mesures envisagées ne répondent pas aux attentes du Sgen-CFDT
À ce stade les mesures envisagées par le ministère ne répondent pas aux attentes du Sgen-CFDT.
Contrats locaux d’accompagnement (CLA) : des éléments à expliciter clairement
Le projet des Contrats locaux d’accompagnement (CLA), qui doit être expérimenté dans trois académies à la rentrée prochaine, ne s’appuie pas sur un bilan des dispositifs académiques déjà mis en œuvre pour les structures scolaires censées être ciblées (écoles orphelines et lycées défavorisés). Les finalités pédagogiques, les critères, les modalités d’évaluation, et le pilotage des nouveaux dispositifs n’ont toujours pas été clairement explicités. On ne distingue pas non plus dans ce projet les modalités de prise en compte des problématiques propres au rural isolé, notamment celle des effets de l’éloignement sur les élèves (persévérance scolaire) et les personnels (services partagés), alors qu’une expérimentation de Territoires éducatifs ruraux est annoncée en parallèle pour trois autres académies.
Les moyens qui seront dévolus aux CLA ne sont toujours pas connus mais devront être suffisamment conséquents pour agir d’abord sur ce qui se passe dans la classe et donc répondre aux besoins des personnels concernés en termes de formation, de temps et de reconnaissance.
Toute perspective de généralisation doit être écartée
Toute perspective de généralisation, qui plus est à la rentrée 2022, doit donc être écartée : il faut prendre a minima le temps d’une véritable expérimentation sur trois ans (la durée annoncée des CLA) pour en évaluer les effets sur des écoles et des établissements qui étaient jusque là les « angles morts » de la carte de l’Éducation prioritaire « historique ».
Il faut relancer la dynamique initiée en 2015
Il est donc impératif de relancer dans le même temps la dynamique initiée en 2015 par la Refondation de l’Éducation prioritaire qui repose sur un travail pédagogique en réseaux structurés autour d’un référentiel national, de projets de réseaux, d’écoles, et d’établissements, de dynamiques d’équipes, de pilotes, de coordonnateurs, de formateurs, d’innovations pédagogiques et de travaux de chercheurs.
Ce travail collectif doit impérativement être préservé et conforté, c’est tout l’enjeu des mesures d’attractivité et de reconnaissance de l’investissement des personnels : pondérations horaires, reconnaissance de temps de concertation, formation, primes (qui doivent concerner tous les personnels), améliorations de carrière, bonification pour le mouvement.
L’Éducation prioritaire doit être une politique vivante
Rediscuter les conditions de révision de la carte de l’Éducation prioritaire
L’Éducation prioritaire doit être une politique vivante : sa carte ne peut pas être sanctuarisée indéfiniment car les territoires évoluent. Il est donc nécessaire de rediscuter des conditions de révision de la carte de l’Éducation prioritaire et des mesures de sauvegarde mises en œuvre pour les personnels exerçant dans les écoles et les établissements qui n’en relèveraient plus.
Chaque sortie de l’Éducation prioritaire doit être justifiée par une amélioration réelle de la situation sociale du public scolaire concerné, selon des critères sociaux objectifs et cartographiés, et non par une répartition d’un nombre de réseaux fixés préalablement. Elle doit être précédé d’une vraie concertation avec les professionnels des établissements concernés.
Articuler l’Éducation prioritaire à la politique de la Ville
L’Éducation prioritaire doit aussi être articulée à la politique de la Ville. Le Sgen-CFDT continue à demander l’actualisation de la liste des établissements relevant de la politique de la ville fixée par arrêté, et qui n’a pas bougé depuis 2001. Ce texte déclenche certaines des mesures d’attractivité en direction des personnels qui se sont investis pendant des temps longs (bonifications pour les mutations, primes, avancement de carrière..) et des collègues n’accèdent pas à leurs droits, faute d’actualisation du texte.
Clarifier, repenser et valoriser la place des lycées
La place des lycées à l’intérieur du dispositif de l’Éducation prioritaire doit être clarifiée, repensée et valorisée, notamment celle des lycées professionnels, parce qu’ils accueillent souvent les élèves les moins en réussite scolaire des collèges d’Éducation prioritaire.
Favoriser la mixité sociale et scolaire
Cette politique publique doit être complétée par une démarche volontariste visant à favoriser la mixité sociale et scolaire, qui doit associer l’État et les collectivités territoriales. Le moment est favorable puisque l’année qui s’ouvre va voir se rediscuter la plupart des projets éducatifs territoriaux. Si l’École ne peut pas faire de la mixité là où les politiques urbaines ont échoué, elle peut néanmoins y prendre sa part.
Des propositions ont déjà été faites par différents acteurs dont le Sgen-CFDT, elles restent d’actualité : ainsi conditionner des moyens de l’enseignement privé sous contrat aux engagements de mixité sociale et scolaire, fermer les établissements ghettos pour les fusionner avec d’autres ou en reconstruire, ou redécouper les secteurs de recrutement (favoriser les secteurs multi-collèges, expérimenter les secteurs élargis à l’échelle de la commune, sectoriser les collèges en fonctions des écoles, accroître le nombre d’EPLE multi sites).
Compenser les fractures sociales…
Dans le contexte de crise que nous traversons, le sujet de l’accès des familles à leurs droits sociaux dépasse le périmètre de l’Éducation prioritaire. En relation avec la mobilisation des acteurs sur l’ensemble des territoires, nous invitons aussi le ministère à avancer sur les politiques en faveur de l’exercice de la parentalité et de la co-éducation et de la compensation des fractures sociales au niveau de chaque enfant et de chaque famille.
En 2019 ATD-Quart Monde, la CFDT et le Sgen-CFDT avaient écrit ensemble au ministre de l’Éducation nationale
pour lui demander de revenir sur la baisse des fonds sociaux des EPLE et faisaient la proposition suivante : « Si les fonds sociaux ne sont pas suffisamment utilisés par les collèges et les lycées, faisons un bilan et une analyse précise de la situation, accompagnons les équipes à les utiliser plus et mieux, repérons les péréquations pertinentes pour ne pas faire d’économies sur la lutte contre la pauvreté. » Cette proposition est aujourd’hui plus que jamais d’actualité.