Le chantier de l’Éducation prioritaire, reporté plusieurs, fois, s’est ouvert d’une bien mauvaise façon par des annonces visiblement précipitées faites une nouvelle fois d’abord dans la presse avant d’être présentées aux personnels concernés…
Dans ce contexte de défiance, concernant l’Éducation prioritaire ce sont avant tout des principes qu’il faut réaffirmer pour le Sgen-CFDT .
L’Éducation prioritaire doit être une politique territoriale
Le Sgen-CFDT acte positivement que le débat récurrent dans les années 2000 semble avoir été tranché, en tout cas dans les premières annonces :
l’Éducation prioritaire n’est pas une politique méritocratique centrée sur les individus, mais bien une politique centrée sur les territoires.
Un flou demeure cependant sur la définition de ces territoires. Ainsi, s’il y a bien des questions propres aux écoles orphelines et aux lycées professionnels, les dimensions respectives de leur zone de recrutement n’ont rien à voir.
En outre, c’est bien l’enjeu de l’ensemble des dispositifs d’accompagnement qu’il convient de préciser.
Ces dernières années donnent l’impression d’une accumulation de propositions ne relevant pas des mêmes objectifs. Ceux-ci doivent pouvoir se clarifier et s’articuler (cordées de la réussite, Cités éducatives…).
De plus, pour le Sgen-CFDT, ces politiques doivent être pensées au regard d’un enjeu plus global de mixité sociale et scolaire sur le territoire, et dès lors, associer d’autres partenaires.
La Refondation de l’Éducation prioritaire de 2015 doit être confortée et poursuivie
C’était un des axes majeurs du rapport Mathiot-Azéma et ce point doit être beaucoup plus clairement affirmé sur deux plans :
D’une part sur les principes :
Il faut conserver une politique éducative de compensation des inégalités et en ce sens, accompagner les écoles et établissements (qu’ils soient urbains ou ruraux) accueillant des publics en difficulté.
Il faut ainsi réaffirmer l’importance et la nécessité des mesures spécifiques, envers les élèves comme les équipes qui ciblent les territoires les plus ségrégués scolairement, socialement et culturellement.
D’autre part sur les dispositifs :
L’ Éducation prioritaire repose sur un travail pédagogique en réseaux structurés autour d’un référentiel national, de projets de réseaux, d’écoles, et d’établissements, de dynamiques d’équipes, de pilotes, de coordonnateurs et de formateurs.
Ce travail collectif doit impérativement être préservé et conforté : c’est tout l’enjeu des mesures d’attractivité et de reconnaissance de l’investissement des personnels : pondérations horaires, formation, reconnaissance de temps de concertation, primes (qui doivent concerner tous les personnels), améliorations de carrière (accès à la hors-classe), bonification pour le mouvement.
Des discussions ont lieu à ce sujet dans le cadre notamment du Grenelle, elles doivent impérativement se concrétiser .
Les conditions de l’expérimentation doivent être précisées
L’année 2020/2021 est censée s’inscrire dans le cadre d’une expérimentation dans trois académies (Aix-Marseille, Lille et Nantes). Cette expérimentation a un nom, les CLA, mais ses contours sont pour le moins imprécis.
Sur son pilotage d’abord :
Un comité de pilotage national et des critères nationaux sont bien évoqués (indicateur social, IPS, indicateur d’éloignement), mais ce qui relève du niveau académique est beaucoup trop imprécis.
D’autre part, on peut légitimement se demander comment va se structurer le dialogue social avec les organisations syndicales et le travail avec les communautés éducatives pour déterminer les objectifs poursuivis et les dispositifs adaptés à la diversité des territoires académiques ? L’engagement budgétaire sera un point central pour imaginer une plus value possible à ces CLA.
Sur son évaluation ensuite :
Il ne s’agit pas d’écraser les temporalités mais vouloir évaluer une expérimentation au terme d’un an est une gageure qui répond d‘abord au calendrier électoral, surtout si les critères de cette évaluation ne sont pas encore définis.
On peut donc craindre à la rentrée 2022 d’avoir, soit une généralisation précipitée, soit un abandon piteux, soit une prolongation un an de plus…
Cette incertitude sur la pérennité des dispositifs empêche toute projection à 18 mois et pèse sur la stabilité et la sérénité des équipes.
L’Éducation prioritaire doit être un investissement prioritaire
Une politique ambitieuse ne pourra pas se mettre en œuvre à moyens constants et par simple redéploiement.
Le contexte de crise économique et sociale l’impose : l’Éducation prioritaire doit être une des politiques publiques qui contribue à lutter contre les inégalités qui sont en train d’exploser. La question de l’extension de l’Éducation prioritaire va dans le même sens. On retrouve dans le rural isolé et celui des bourgs et petites villes (8 % des élèves d’après la DEPP) des territoires où se concentrent aussi des « vaincus de la compétition scolaire » qui doivent eux aussi être accompagnés. Dès lors, il est inconcevable que cette ambition se mette en œuvre à budget constant.
On peut dores et déjà faire l’hypothèse que dès l’année prochaine l’expérimentation va s’appuyer sur des pratiques existantes, d’allocations différentielles des moyens, mais qui sont aujourd’hui d’une ampleur très limitée. Ne pas aller au-delà n’aurait que peu d’effets concrets pour les écoles et établissements identifiés. Il en est de même si on ambitionne de véritables mesures pour favoriser l’attractivité et reconnaître l’investissement des personnels.
Le chantier de l’éducation prioritaire, s’il est nécessaire implique avant tout de la concertation, du dialogue entre l’ensemble des acteurs de la communauté éducative. Il paraît donc peu vraisemblable qu’il débouche avant les échéances électorales de 2022. Pour le Sgen-CFDT, il faut se saisir de ce temps pour travailler ensemble à définir les contours de la politique que nous voulons pour les territoires concernés.
Pour être pertinente et efficace, cette politique doit ainsi prendre en compte l’ensemble des aspects qui peuvent permettre de lutter contre la ségrégation scolaire et tendre vers une mixité à l’échelle de tous les territoires. Il faut donc aborder les questions de l’attractivité, de la formation, de l’accompagnement, des rémunérations et des projets pédagogiques de manière systémique et dans leur globalité.