Comment les enseignants en unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants ont-ils réussi à maintenir le lien ? Qu'en a-t-il été de la continuité pédagogique ? Petit focus sur l'initiative lancée par la chercheure Catherine Mendonça Dias dès les premiers jours du confinement.
Au début du confinement, la chercheure Catherine Mendonça Dias est alertée par l’inquiétude qu’expriment dans des groupes Facebook des enseignant·e·s d’unités pédagogiques pour élèves allophones arrivant·e·s (Upe2a) qui se demandent comment assurer une continuité pédagogique avec leurs élèves dont les niveaux sont très hétérogènes.
Une version synthétique de cet article a paru dans le dossier « Déconfinement. Le combat continue » de Profession Éducation (no 275 – Mars-avril-mai 2020), le magazine du Sgen-CFDT.
« Élèves allophones et continuité pédagogique », le questionnaire
Catherine Mendonça Dias envoie, à la fin de la première semaine de confinement, un questionnaire à son réseau. En 48 heures, 133 profs du primaire et du secondaire, réparti·e·s dans 21 académies*, répondent. « Ce qui montre qu’ils avaient besoin de faire part de leur expérience. De trouver des ressources aussi, car tous se sont mis en quelques jours à chercher sur Internet avec quelle plate-forme créer des exercices, communiquer… » (entretien par téléphone).
En 48 heures, 133 profs du primaire et du secondaire, réparti·e·s dans 21 académies, répondent.
La publication en ligne de la synthèse à ce questionnaire « Élèves allophones et continuité pédagogique » détaille (infographies à l’appui) les moyens et initiatives déployés durant ces premiers jours de confinement pour contacter les jeunes et leurs familles, maintenir ce lien, identifier les besoins, établir une relation de travail. Une photographie d’un pan de réel circonscrit aux enfants et adolescent·e·s allophones, avec des problématiques partagées par d’autres franges de la population scolaire en France qui n’ont pas d’espace dédié pour étudier, pas de matériel informatique, des parents qui ne peuvent pas les aider à faire leur travail scolaire… La barrière de la langue en plus.
* Les 21 académies représentées par les répondant·e·s au questionnaire : Aix-Marseille, Amiens, Bordeaux, Corse, Créteil, Dijon, Guyane, Lille, Limoge, Lyon, Mayotte, Metz, Montpellier, Nancy, Nantes, Nice, Paris, Poitiers, Rhône, Strasbourg, Versailles.
Perspectives et ressources
Le confinement a été l’occasion de travailler autrement. Catherine Mendonça Dias avance sept pistes pour tirer les leçons, y compris positives, de cette expérience hors norme :
- « Repenser l’accès aux outils numériques pour les élèves allophones : configurer Pronote, distribuer des tablettes ou portables quand c’est généralisé à l’établissement avec l’accompagnement de la prise en main, ritualiser des voies de communications numériques alternatives (via un blog, un groupe…) ?
- Intégrer une plateforme pour les élèves allophones dans l’offre du Cned ?
- Réinvestir les pratiques de communication avec les familles ou les élèves via le téléphone (?) sous réserve que ce ne soit pas trop « intrusif » pour reprendre le terme d’un enseignant.
- Renforcer les liens avec les acteurs associatifs et éducatifs extra-scolaires dans l’accompagnement à la scolarité.
- Créer des cahiers d’exercices, comme on en trouve pour l’enseignement des langues ou d’autres matières… Il se trouve qu’il n’en existe pas en FLS, mais en FLE (qui ne sont donc pas appropriées généralement).
- Garantir des moyens de suivi et d’action d’une équipe sur le volet social pour les familles les plus précaires.
- Concevoir la continuité pédagogique non pas comme accumulation de nouveaux objets d’études programmatiques, mais comme continuum dans la relation pédagogique et l’accès aux connaissances. »
Une liste de ressources complète cette synthèse du questionnaire.
Et l’après-confinement ?
Catherine Mendonça Dias a imaginé une suite avec un questionnaire sur le retour en présentiel des élèves allophones, soumis à son réseau du 6 au 14 juin 2020 : la synthèse des réponses est en ligne.
Le principe reste le même : informations sur les participant·e·s (nombre, académies d’exercice, structures d’enseignement et répartition 1er et 2nd degrés), des infographies, un florilège de témoignages, des ressources…
Les sujets abordés : des élèves allophones ont-ils « disparu » entre le confinement et la reprise progressive des cours en établissement ? Points positifs, grandes difficultés et autres problèmes dans cette période. Le moment des « retrouvailles ».
Catherine Mendonça Dias livre son analyse suite au dépouillement des deux questionnaires dans son article « L’épopée silencieuse des enseignants d’Upe2a pour la continuité pédagogique », publié sur le site des Cahiers pédagogiques, 3 juillet 2020.
> Depuis 2020, elle est membre de l’équipe de coordination du groupe Plurimaths.
> 2019-2020 : membre du groupe Émigroscol, porté par l’Inshea et financé par l’Institut Convergences Migrations.
> 2015-2018 : co-responsable scientifique du projet Evascol – Etudier, voir et analyser la scolarisation des enfants migrants et itinérants, financé par la mission Recherches du Défenseur des droits et porté par le Groupe de recherche sur le handicap, l’accessibilité, les pratiques éducatives et scolaires (Grhapes) à l’Inshea. Lire l’entretien accordé sur ce sujet à Profession Éducation dans le cadre du dossier « Migrant·e·s. Le défi de l’intégration » (no 273 – Décembre 2019).
Catherine Mendonça Dias intervient aussi dans le cadre de la formation d’enseignant·e·s en FLE/S
Illustrations
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Catherine Mendonça Dias – DR