Le Sgen-CFDT s’est clairement opposé à l'adoption de l'article 5 de la Loi pour une Programmation de la Recherche. Cet article, passé en catimini et sans la moindre concertation avec les organisations syndicales, modifie les modalités de recrutement des Enseignant.es-Chercheur.es (EC).
Un passage en force est toujours condamnable…
Il est bien sûr toujours possible d’améliorer les pratiques en matière de recrutement dans l’ESR, notamment en vue de mieux les harmoniser, mais rien n’autorise cette façon de procéder : la qualification vaut mieux qu’un amendement déposé à la sauvette ! Le choix d’un passage en force a été ressenti comme une trahison pour nombre d’enseignants-chercheurs, et a généré depuis quelques mois un climat de tension et de défiance dans l’ensemble de la communauté de l’ESR peu propice à l’ouverture d’un débat serein.
Quel est le contenu de l’article 5 ?
Ce nouvel article supprime la procédure de qualification pour les maîtres et maîtresses de conférences habilité.e.s à diriger des recherches qui veulent devenir professeur.e.s.
Il donne également la possibilité de déroger à cette procédure, à titre expérimental cette fois, pour la nomination sur un poste de maître ou maîtresse de conférences. Comment cela se passerait-il ?
- Dans un premier temps, le conseil d’administration de l’établissement peut demander au Ministère une dérogation à la qualification MCF (hors disciplines relevant de l’agrégation et disciplines de santé). La loi précise que seuls les comités de sélection dans les disciplines où les viviers de candidats potentiels sont faibles, pourront se passer de la procédure de qualification par le CNU.
- Dans un deuxième temps, pour procéder à l’examen de l’ensemble des candidatures, les comités de sélection choisiront ou pas d’ajouter les dossiers de celles et ceux qui auront été qualifiés par l’instance nationale.
Qualification pour les postes de Professeur.es des universités
En ce qui concerne la qualification pour les postes de professeur.es des universités, aucune décision aussi importante ne peut selon nous être prise sans qu’un véritable débat n’ait eu lieu. Or, le moins que l’on puisse dire, c’est que cela n’a pas été le cas. Le temps de la démocratie est un temps long, pour qu’il soit possible d’exprimer et d’entendre l’ensemble des positions, de chercher des points de convergence : il n’y a que le dialogue qui permette de désamorcer les conflits durs, et de rapprocher les positions. Il faut toujours se donner ce temps-là, c’est la condition du « vivre ensemble ».
Le Sgen-CFDT aurait donc souhaité que ce débat ait pu avoir lieu.
Il défend un corps unique pour les enseignants-chercheurs (résolution du congrès d’Aix-les-Bains, 2016), mais comme toute transformation d’un mode de régulation, il est important de faire le tour des questions soulevées par cette suppression de la qualification, ce qui n’a pas pu être le cas ici.
Certaines organisations syndicales ont proposé de maintenir l’étude des dossiers des candidates et candidats à la qualification aux fonctions de PR, dont ils auraient pu se prévaloir lors de leur candidature auprès des établissements recruteurs.
Mais d’un point de vue technique, la circulaire diffusée aux présidents de sections CNU a déjà précisé que les dossiers de demande de qualification pour devenir PR quand on est déjà MCF HdR n’ont plus besoin d’être traités par le CNU. La loi LPR a été votée, elle s’applique donc désormais. Autrement dit, les MCF HdR n’ont plus besoin d’obtenir cette qualification du CNU. La loi LPR est désormais juridiquement incontournable, dans la mesure où les deux assemblées ont validé ce texte.
Du côté des sections CNU
Les réunions de CNU pour attribuer les qualification se sont tenues en ce début de semestre 2021. Les sections ont pour la plupart tenu compte de la circulaire du ministère, et n’ont par conséquent pas nommé de rapporteurs sur les dossiers de qualification émanant des MCF HDR. Mais il se trouve que certaines disciplines semblent avoir malgré tout examiné ces dossiers, et établi des listes de qualifiés. Certes, ces listes n’ont pas de valeur juridique, mais on peut se demander si cette disparité de pratiques ne risque pas de rendre assez peu aisé le travail des Comités de sélection PR qui devront recruter au printemps. Il pourrait être risqué de faire référence à ces listes de personnes qualifiées… Du point de vue du fonctionnement du CNU, notons que le ministère a prévu d’indemniser tous les rapporteurs qui avaient été désignés pour ces dossiers, afin de ne léser personne dans l’opération.
En ce qui concerne la qualification des maîtres et maîtresses de conférences
Le Sgen-CFDT est bien sûr favorable à cette qualification pour l’entrée dans la carrière.
Toutefois, il n’a pas soutenu le report du calendrier de travail des sessions de qualification, comme cela a été envisagé par d’autres organisations syndicales qui protestaient contre le vote de l’article 5. Pour deux raisons. D’abord parce que nous avons considéré que compte tenu de l’importance des enjeux pour celles et ceux qui étaient concerné.e.s, il était important de ne pas les mettre en situation difficile. De plus, il nous semblait que reporter le calendrier de session de qualification faisait courir le risque de fragiliser l’instance en ne lui laissant pas jouer pleinement son rôle, et certain.e.s auraient eu tôt fait d’utiliser ce refus pour dénigrer le CNU, et auraient pu s’en servir comme d’un argument en sa défaveur.
Globalement, où en sommes-nous aujourd’hui ?
Pour le Sgen-CFDT, dont acte. La loi est passée. La ministre a lancé a posteriori une concertation, qui va durer de janvier 2021 jusqu’à la fin du 1er semestre. Il est bien évident qu’une telle démarche ne peut en aucun cas remplacer un véritable dialogue social, mais nous avons choisi de porter la voix des docteurs et des enseignants chercheurs lors de cette concertation.
Le Sgen-CFDT est présent dans cette concertation consacrée à la thématique du recrutement des Enseignants-Chercheurs. Il propose d’y défendre, en la matière, les principes de transparence et d’équité garantis par un cadrage national et une évaluation par les pairs auxquels, entre autres valeurs, nous sommes attachés.
Défendre les principes de transparence et d’équité garantis par un cadrage national et une évaluation par les pairs.
C’est sur les dérogations à la qualification pour les postes de MCF que doivent porter prioritairement nos combats. Là, des décrets d’application vont être nécessaires, et c’est donc ici que le rôle des organisations syndicales va être essentiel. Le CNU va avoir toute sa place dans ce travail, il doit donc s’y préparer.
Par exemple, le Sgen-CFDT défendra la procédure nationale d’entrée dans la carrière, et sera force de proposition.
Sur la qualification des Professeur.es aussi, le Sgen-CFDT saura aussi donner son point de vue.
Des discussions sont en effet en cours à propos de l’accord passé entre le ministère et les sections CNU 01 02 03 04 (Droit et Science politique) qui semblent leur octroyer à elles seules la capacité de conserver le système de qualification CNU pour les MCF HDR.
Les sciences de gestion (section 06) seraient peut-être aussi concernées par le maintien de l’échelon national que représente le CNU.
Ainsi, l’article 5 de la LPR est présenté comme jouant un rôle de renforcement de l’autonomie des établissements de l’ESR, mais n’est-ce pas une régulation à géométrie variable si certaines disciplines préservent l’échelon du CNU pour les recrutements de PR ?