Cet été, le Sgen-CFDT a été reçu par les deux ministres lors de trois audiences pour faire le point sur le nouveau projet du gouvernement portant sur la voie professionnelle.
Quel est le projet qui anime ce gouvernement ?
Voie pro : le 25 août 2022, Emmanuel MACRON a appelé à une transformation profonde des liens existant entre les lycées professionnels (L.P) et le monde du travail. Il veut « réarrimer très en profondeur » ces deux univers, développer « les temps de stage d’au moins 50 % » et mieux « les rémunérer ». Il a annoncé désirer « recruter davantage de professeurs issus du monde professionnel ».
Pour le Sgen-CFDT, cette annonce qui pourrait toucher (voir infra) l’E.A, pose diverses questions :
- Comment cette rénovation va-t-elle être mise en place ? A quelle échéance ? Quelles conséquences sur les ressources humaines, le statut des PLP, PLPA, PCEA ?
- Quels espaces de dialogue et de décision ? Dans quels champs ministériels ?
- Quelle faisabilité pour sa mise en œuvre ? Les entreprises/ exploitations peuvent-elles accueillir ces jeunes (pas sur)?
- Quid de la prise en compte de ces apprenants dans nos effectifs ?
- Quelle organisation des enseignements? Quel impact sur le tronc commun du bac pro dans l’enseignement agricole qui vient juste d’être rénové ?
- Enfin, l’enseignement agricole (EA) et sa voie pro sont depuis très longtemps arrimés au monde professionnel. Cette réforme de la voie pro s’appliquera-t-elle à l’E.A?
Le Sgen-CFDT déplore cette communication génératrice de tensions et d’incompréhensions. Devant les imprécisions d’une feuille de route qui semble assez inatteignable, déroulée par le président MACRON, le Sgen-CFDT veut avant tout que la concertation s’engage le plus rapidement possible.
Bilatérale du 19/07 avec Mme GRANDJEAN/ voie pro.
La 1ère rencontre avec la ministre déléguée à l’enseignement et la formation professionnels, a eu lieu en date du 19/07. Pour la ministre, le rattachement « ministère de l’Éducation / ministère du Travail » ne constitue pas « une menace pour les lycées professionnels et le statut des PLP ». « L’enjeu est de mieux articuler les deux ministères et de :
- piloter de manière cohérente les questions d’orientation professionnelle,
- penser l’articulation entre enseignement professionnel et l’insertion professionnelle,
- réfléchir à la formation continue des salariés et des apprentis,
- travailler sur des sujets transverses comme les diplômes et certifications ».
La ministre a déclaré souhaiter améliorer « l’insertion des jeunes formés en lycée professionnel, la possibilité de passerelles en cours de formation, la poursuite et la reprise d’étude ». Dans cette perspective, elle voudrait « faciliter le développement de l’apprentissage sans pour autant en faire la modalité unique ou même principale d’enseignement professionnel ». Elle veut aussi travailler sur « l’information à l’orientation en amont du L.P et pendant le cursus en L.P. Tout ceci, en tenant compte des conditions d’exercice des PLP ».
Pour le Sgen-CFDT, la question de l’orientation est fondamentale comme celle de l’insertion. Beaucoup reste à faire. Il faut plus de moyens. La voie pro doit être choisie et non subie. Au-delà, si effectivement l’apprentissage est une voie permettant aux jeunes d’acquérir des compétences, il faut rester prudent. L’apprentissage ne peut être la modalité unique retenue. La diversité des voies répond à la diversité des profils des apprenants et cela vaut aussi pour l’E.A.
La méthode affichée : dialogue et concertation
Une fois posés ces objectifs, C.GRANDJEAN a indiqué souhaiter:
- développer « un dialogue social continu, constructif et clair sur les moyens qui seront mobilisés », autour de ce chantier de la voie pro,
- travailler avec «les représentants du patronat pour lutter contre les discriminations, les difficultés à trouver des lieux de stage ou d’apprentissage pour les élèves»,
- travailler «sur la reconnaissance des salariés impliqués dans l’encadrement des élèves pendant les périodes de formations en milieu professionnel (P.F.M.P.) et dans le cadre de l’apprentissage».
Les directions du ministère du travail et celles de l’Éducation nationale œuvreront de concert sur les sujets transversaux. Elle souhaite aussi travailler sur le partage de données et l’identification des décrocheurs pour les raccrocher, et réduire les sorties sans diplômes.
Zoom sur l’augmentation de 50% des durées P.F.M.P. / gratifications
Emmanuel MACRON a déclaré vouloir développer « les temps de stage d’au moins 50 % » et mieux « les rémunérer ». Pour le Sgen-CFDT, l’augmentation immédiate et uniforme des durées de P.F.M.P. pose problème, car :
- tous les élèves ne sont pas demandeurs,
- toutes les entreprises ne peuvent pas accueillir ou/et ne veulent pas d’alternants,
- il faut respecter le parcours et la maturité des élèves,
- les enseignants savent identifier celles et ceux qui sont prêts à l’alternance,
- cela renvoie l’idée d’une logique adéquationniste étroite appliquée à la formation au service d’une politique économique de court terme (chômage des jeunes, plein emploi, métiers en tension)
Pour la gratification des élèves pendant les P.F.M.P, le Sgen-CFDT attend les informations sur le sens donné à cette gratification et sur les modalités de mise en œuvre. Et d’ailleurs lorsque le président Macron parle de « mieux rémunérer les stages », de quelle rémunération parle-ton ? Les élèves de la voie professionnelle ne touchent pas de rémunération lorsqu’ils sont en stage. Alors de quoi parle-t-on ?
En réponse, la ministre a précisé qu’il n’est pas question de faire du tout apprentissage ou de réduire la place de l’enseignement. Le président et son gouvernement souhaitent mieux articuler les temps d’enseignement et le volet alternance ou apprentissage pour que cela fasse sens. La gratification est bien une annonce actée du président de la République. Il reste beaucoup à faire sur le statut de cette gratification, ses modalités.
Audience avec le cabinet de Mme GRANDJEAN du 16/09
Le Sgen-CFDT a été le porte-parole de l’inquiétude des personnels de l‘Education nationale comme ceux de l’enseignement agricole. Les personnels veulent en savoir plus sur ce chantier de la voie pro : quid de la gratification des stagiaires ? Apprentissage ? Carte des formations ? Liens avec les entreprises… Le Sgen-CFDT a demandé avec insistance qu’une concertation soit engagée rapidement.
Pour le cabinet de la ministre, « aucun contenu de la réforme n’est encore écrit ».
Il y aura une concertation nationale. La discussion portera au départ sur la présentation de la méthode pour déboucher sur un accord de méthode. Cet accord fixera les règles (ex déroulement des échanges, calendrier, méthode de travail), pour un déploiement très progressif (avec une mise en œuvre pour septembre 2023).
Cette réforme concerne aussi les lycées agricoles et maritimes, notamment sur le volet gratification des élèves. Sur ce point, il s’agit autant de valoriser et de reconnaître le travail effectué par les élèves que d’être un gage de motivation et in fine de succès dans la formation de l’élève. Il n’y aura donc pas de modèle unique, on laissera une marge de manœuvre aux équipes. L‘évaluation de la transformation de la voie pro doit se faire, la montée de l’apprentissage et ses effets sur le long terme doivent être questionnés (par exemple l’insertion d’un apprenti au bout de 10 ans), la politique de certification interrogée.
Le Sgen-CFDT a acté positivement trois points :
- une volonté affichée de rupture avec la logique de verticalité du mandat précédent,
- le principe d’accord de méthode,
- la volonté d’éviter le mille-feuilles (pas d’empilement des dispositifs, vers une logique de complémentarité et de substitution).
Réforme de la voie pro : réponse du ministre de l’agriculture, le 06/09
Pour rappel, le chef de l’état a annoncé « une mise en alternance de tous les apprenants en filière professionnelle, il veut augmenter de 50 %, pour les lycéens professionnels, les périodes passées en entreprise. En terminale, cette période en milieu professionnel devrait même occuper la moitié de leur temps ».
Le Sgen-CFDT a manifesté au ministre Marc FESNEAU sa réelle inquiétude par rapport à cette annonce. Ce projet risque de bouleverser en profondeur l’enseignement notamment en bac pro, bousculer la rénovation du tronc commun.
En réponse, le ministre de l’agriculture a indiqué que l’E.A a « quelque chose à apporter à l’Education nationale. La spécificité du modèle de l’E.A fait l’objet d’une reconnaissance. La question des stages et de leur durée est à étudier. Dans le domaine, l’E.A sait faire ». L’E.A doit « CULTIVER LA DIFFÉRENCE SANS ÊTRE MARGINALISÉ ».
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Ce que veut le Sgen-CFDT pour la voie pro
Pour le Sgen-CFDT, la voie pro doit s’inscrire dans un parcours Bac-3/Bac+3 à égale dignité des voies générale et technologique. Son caractère professionnalisant, intégrant des enseignements professionnels, généraux et de l’alternance, ne doit pas l’éloigner de sa vocation de former des citoyens éclairés, autonomes capables de réaliser un jugement critique.
Le Sgen-CFDT revendique qu’aucun jeune ne sorte du système scolaire sans solution. Les annonces du président de la République et celles de la ministre déléguée ont suscité beaucoup d’inquiétudes, créant un climat anxiogène au sein des lycées professionnels et/ou agricoles. La modification de la carte des formations ne doit pas être un objectif en soi. Il ne faut pas omettre le fait que ce sont les régions administratives qui pilotent les cartes de formations et que l’état n’a que très peu de choses à dire sur le sujet. Tous ces sujets d’actualités nous amène à nous poser cette question : n’est-il pas urgent de suspendre l’écriture du septième schéma quinquennal prévisionnel de l’enseignement agricole, à l’heure où tout est encore à l’arbitrage sur la voie professionnelle ?