Pour le Sgen-CFDT, promouvoir nos métiers, c'est défendre les collectifs de travail, pluri-professionnels, pluri-catégoriels et pluridisciplinaires, au sein desquels ils s'exercent. Ceux-ci doivent être reconnus et confortés.
ÉTAT DES LIEUX
ATER, CPC, CPE, FA, IA-IPR, IEN, MCF, PEMF, PRAG, PREC, PRCE, PU [1]… Loin d’être exhaustif, cet inventaire à la Prévert dresse un panel assez représentatif des personnels enseignants et enseignants-chercheurs susceptibles d’intervenir dans un des parcours du master MEEF, au moins pour les mentions préparant aux différents métiers de professeur, de documentaliste et de conseiller principal d’éducation (CPE) [2].
La mastérisation de la formation des enseignants en 2010 et la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ÉSPÉ) en 2013 ont profondément bouleversé les modalités de recrutement et de formation des enseignants et des CPE. À tel point que l’alchimie peine encore à produire les effets espérés et nombreux sont les collègues enseignants du premier et du second degré qui s’interrogent sur leur devenir professionnel à l’université dans le cadre de ce master.
Les personnels affectés dans les ÉSPÉ sont majoritairement des enseignants du premier ou du second degré…
Les ÉSPÉ ne sont pas les IUFM (instituts universitaires de formation des maîtres, de 1990 à 2013) mais c’est bien l’intégration des IUFM à l’université en 2007 qui a permis de jeter les bases de la mastérisation, d’une part, et, d’autre part, de constituer l’essentiel des équipes de formateurs qui interviennent aujourd’hui à l’ÉSPÉ dans les masters MEEF : les personnels affectés dans les ÉSPÉ sont majoritairement des enseignants du premier ou du second degré (68% en 2015) alors que les enseignants-chercheurs ne représentent que 32% (5% de PU et 27% de MCF) [3].
Les conditions d’exercice en IUFM des personnels des premier et second degrés étaient d’autant plus faciles à réglementer que le statut d’établissement public à caractère administratif (EPA) des IUFM laissait la possibilité d’affecter à temps plein ces catégories de personnels et que leur intervention était alors recherchée, en particulier pour les enseignants du premier degré : « Les nouvelles orientations sur la rénovation de la formation des maîtres doivent se traduire par une plus grande diversification des catégories de formateurs en IUFM et une intervention accrue des personnels du premier degré, dont les instituteurs et professeurs des écoles maîtres-formateurs, aux côtés des enseignants du second degré et des enseignants-chercheurs » [4].
Aujourd’hui, les modalités de formation sont tout autres et l’universitarisation de la formation des enseignants, des CPE et des documentalistes nécessite l’adossement des masters à des laboratoires de recherche et la présence accrue d’enseignants-chercheurs.
Quid de l’avenir des PRAG, PREC et PRCE dans les ÉSPÉ ? Quelle reconnaissance de leur identité professionnelle ?
Un no man’s land statutaire…
La problématique n’est pas la même entre les enseignants du premier degré (PREC) et les enseignants du second degré (PRAG, PRCE et assimilés).
Les professeurs des écoles (PE) n’ont toujours pas la possibilité d’être affectés dans un établissement de l’enseignement supérieur, malgré l’engagement pris il y a déjà quinze ans.[5] Le décret n’est jamais paru, ce qui n’a pas empêché de nombreux IUFM entre 2002 et 2007, date de leur intégration dans une université, de recruter des professeurs des écoles pour former des étudiants et des stagiaires du premier degré.
On estime encore autour de 200 le nombre de PREC dans cette situation de « no man’s land statutaire ». À l’absence de reconnaissance institutionnelle s’ajoute le problème de l’avancement dans la carrière et de la rémunération.
Le système de notation des professeurs des écoles diffère de celui des certifiés et des agrégés et les PE ne peuvent être évalués que par un inspecteur du premier degré (IEN). Pas de note administrative, juste une note pédagogique après inspection, laquelle est inenvisageable pour des PREC exerçant à l’université.
Permettre un rattrapage de carrière pour les collègues
Avant la mise en œuvre du protocole « parcours professionnels carrières et rémunérations » (PPCR), le changement d’échelon se faisait alors le plus souvent à l’ancienneté, entraînant des retards dans l’accès à la hors classe.
L’amélioration du déroulement de carrière que prévoit maintenant le PPCR, en particulier l’accès à la classe exceptionnelle pour un exercice dans l’enseignement supérieur d’au moins huit ans, pourrait permettre un rattrapage de carrière pour ces collègues. Il n’en demeure qu’ils n’ont toujours pas la possibilité d’être affectés à l’université.
Seule une mise à disposition renouvelable chaque année est possible pour les faire intervenir à l’ÉSPÉ, en service partagé ou à temps plein mais sans garantie alors de conserver leur poste classe. Ce sont là des conditions de travail inacceptables et qui ne favoriseront pas l’intervention des collègues du premier degré en formation initiale.
L’administration n’a d’autres solutions à leur offrir que de les « détacher dans un autre corps » (sic). Le Sgen-CFDT est attaché au droit de tout fonctionnaire à une mobilité choisie, qu’elle soit géographique ou fonctionnelle. Des corps uniques, inscrits dans une démarche d’analyse des besoins du public et des missions des personnels faciliteraient grandement les mobilités de carrière.[6].
La situation des enseignants du second degré diffère de celle des PREC.
Nombreux à l’université [7], les PRAG et PRCE peuvent être affectés dans l’enseignement supérieur et exercer, en plus de leurs missions d’enseignement, des responsabilités administratives laissées parfois vacantes par des enseignants-chercheurs qui préfèrent, pour certains, se consacrer davantage à leurs activités de recherche.
Le rythme de leur avancement ne se fait pas nécessairement plus lentement que dans le secondaire (ils continuent à bénéficier de la notation administrative par le directeur de la composante) mais leur charge d’enseignement (384 HTD, comme les PREC) leur permet difficilement d’évoluer vers d’autres missions.
À l’ÉSPÉ, les enseignants du second degré sont des professeurs qui ont pu exercer au collège ou au lycée. Pour le parcours « Professeur des écoles » en particulier, ils forment les étudiants et les stagiaires à la didactique de l’ensemble des domaines disciplinaires enseignés à l’école primaire. La polyvalence qui caractérise le premier degré est limitée à la pluridisciplinarité qui la caractérise en particulier.
Des services partagés très contraignants
Les derniers recrutements privilégient les enseignants en service partagé pour répondre à la volonté de maintenir un lien fort entre ces intervenants et les terrains d’exercice des futurs enseignants dont ils assurent la formation. On sait que les services partagés sont extrêmement contraignants pour les collègues qui les vivent. Le temps de travail reste une question d’actualité, dans nos champs professionnels comme ailleurs.
Le Sgen-CFDT revendique, pour toutes les catégories de personnels, une référence au temps de service annuel fixé par les textes de la fonction publique.
« Plusieurs universités ont entrepris des plans plus ou moins ambitieux de transformation de la masse salariale en transformant les emplois du second degré en emplois d’enseignants-chercheurs. Accroître le potentiel d’enseignants-chercheurs (et donc celui de recherche pour l’université) par transformation des emplois d’enseignants affectés dans l’enseignement supérieur pour les ÉSPÉ s’accompagne, à masse salariale constante, d’une réduction importante du potentiel d’enseignements.
Prendre en compte les besoins en potentiel d’enseignements ne peut s’envisager qu’avec un engagement plus important des académies dans les projets académiques avec la mise en place d’un plan pluriannuel concerté au niveau national. L’ensemble des emplois concerne environ 2 700 enseignants et 1 300 enseignants-chercheurs. Inverser ces proportions supposerait de transformer 1 400 emplois d’enseignants en enseignants-chercheurs et de compenser 700 équivalents temps-pleins d’enseignants. » [8]
Réussir l’universitarisation de la formation des enseignants
L’universitarisation de la formation des enseignants se gagnera par une plus forte mobilisation des enseignants-chercheurs mais sans nier le travail et le rôle des enseignants du premier et du second degré. Une formation professionnelle de niveau master requiert nécessairement la constitution d’équipes pédagogiques à la fois pluridisciplinaires, pluricatégorielles et pluri-institutionnelles.
La singularité de ces « équipes plurielles » nécessitera un renforcement de coopération entre les autorités de tutelles que sont le MEN et le MESRI sur l’objet maintenant partagé qu’est la formation des enseignants.
Pour le Sgen-CFDT, promouvoir nos métiers, c’est défendre les collectifs de travail, pluri-professionnels, pluri-catégoriels et pluridisciplinaires, au sein desquels ils s’exercent. Ceux-ci doivent être reconnus et confortés.
Glossaire
A.T.E.R : Attaché temporaire d’enseignement et de recherche. Recrutement par contrat à durée déterminée.
C.P.C : Conseiller pédagogique de circonscription. Dans l’enseignement primaire, il s’agit d’un professeur des écoles déchargé d’enseignant et qui exerce ses activités sous la responsabilité d’un inspecteur de l’éducation nationale (IEN) de circonscription. Dans l’enseignement secondaire, un conseiller pédagogique est un professeur, certifié ou agrégé, en charge du suivi d’un stagiaire affecté dans l’établissement.
Personnels C.P.E (Conseiller principal d’éducation), PRAG (Professeur agrégé) et PRCE (Professeur certifié) sont des enseignants du second degré affectés dans le supérieur. Certains emplois ouverts à l’affectation dans l’enseignement supérieur sont pourvus par des professeurs agrégés (PRAG), ou des professeurs titulaires du CAPES, du CAPET (PRCE) ou du CAPLP de l’enseignement public.
F.A : Formateur académique. Professeur certifié ou agrégé chargé d’enseignement et certifié formateur dans le second degré.
I.A-I.P.R : Inspecteur d’académie – Inspecteur pédagogique régional. Cadre supérieur de l’Éducation nationale, il exerce ses fonctions dans le cadre du programme de travail académique pour le second degré.
I.E.N : Inspecteur de l’Éducation nationale. Cadre supérieur de l’Éducation nationale, il exerce ses fonctions dans le cadre du programme de travail académique pour le premier degré.
M.C.F (Maître de conférences) et P.U (professeur des universités) sont des enseignants-chercheurs. Ils ont la double mission d’assurer le développement de la recherche fondamentale et appliquée et de transmettre aux étudiants les connaissances qui en sont issues. Les maîtres de conférences sont des fonctionnaires titulaires nommés dans un établissement public d’enseignement supérieur et de recherche.
P.E.M.F : Professeur des écoles maître formateur. Professeur des écoles chargé d’enseignement et certifié formateur du premier degré.
La création d’un certificat d’aptitude aux fonctions de formateur académique (CAFFA) dans le second degré et la rénovation du certificat d’aptitude aux fonctions d’instituteur ou de professeur des écoles maître formateur (CAFIPEMF) dans le premier degré ont pour objectif de développer les compétences des formateurs en académie, tout en contribuant au rapprochement des cultures professionnelles des formateurs des deux degrés.
PREC : professeur des écoles mis à disposition dans le supérieur pour une durée déterminée.
[1] Voir le glossaire en fin d’article.
[2] Les parcours de la mention 4, très divers, font eux appel à d’autres catégories d’intervenants.
[3] Note du Réseau national des ÉSPÉ. Journée des entretiens du 11 janvier 2018.
[4] « Conditions d’exercice en IUFM des personnels des premier et second degrés », circulaire n°2002-064 du 20-3-2002,
[5] « Un décret, en cours d’élaboration, transpose les dispositions du décret [n° 93-461 du 25 mars 1993 relatif aux obligations de service des personnels enseignants du second degré affectés dans les établissements d’enseignement supérieur] à ces personnels (les enseignants du premier degré) dès lors qu’ils sont affectés dans l’enseignement supérieur pour y assurer des enseignements. » Circulaire n°2002-064 du 20-3-2002
[6] Sgen-CFDT – Congrès d’Aix 2016 – « Notre projet pour le service public : répondre à l’exigence d’égalité et de démocratie ». 16 points de revendication pour l’Enseignement Supérieur et la Recherche
[7] Les enseignants du second degré représentent 14 % des 92 200 enseignants en fonction dans les établissements publics d’enseignement supérieur (données 2015-2016).
[8] Note du Réseau national des ÉSPÉ. Journée des entretiens du 11 janvier 2018.