Enseignement supérieur et recherche : les établissements doivent s’engager dans une démarche de prévention surtout lorsque des risques psycho-sociaux ont été identifiés... Rencontre avec des mandaté·es CHSCT Sgen-CFDT de CentraleSupélec (plateau de Saclay).
Enseignement supérieur et recherche : pour que chacun·e se sente bien dans son travail, il faut que les établissements s’engagent dans une démarche de prévention. Cas d’école à CentraleSupélec…
Marie-Christine, mandatée CHSCT, travaille à la direction de l’Innovation, de la Valorisation et des Relations Partenariales à CentraleSupélec, l’une des grandes écoles de Paris-Saclay (avec 3 campus), issue de la fusion de Centrale (école publique) avec Supélec (école privée). Elle nous reçoit en compagnie d’autres militants Sgen-CFDT de l’établissement pour évoquer la politique de prévention mise en place depuis 2016.
Un groupe de travail (GT) dont elle fait partie s’est constitué en 2016 pour répondre à la prise en charge des risques psycho-sociaux (RPS). Cette démarche était d’autant plus nécessaire que le besoin était fort suite à la fusion en 2015 entre les deux écoles. Chacune ayant au départ sa culture propre et ses statuts particuliers.
Poser un diagnostic, élaborer et mettre en œuvre des réponses adaptées…
Pour faire simple, rappelons qu’il y a risque psycho-social à partir du moment où un agent ne se sent pas bien dans son travail. Mal être souvent dû à l’organisation du travail, aux relations de travail et aux conditions propres à un établissement, un service ou une équipe. Cela nécessite d’abord de poser un diagnostic, d’élaborer et de mettre en œuvre des réponses adaptées.
Au départ, une fusion mal préparée et sans concertation…
À noter au passage que le Sgen-CFDT était intervenu d’abord en amont dans le cadre d’un audit de l’établissement, où la plupart des risques avaient été identifiés. Puis auprès du cabinet du ministre de l’ESR de l’époque pour exiger un vrai volet social de façon à répondre à ce qui est très vite apparu comme une fusion mal préparée et sans concertation avec les représentants des personnels.
Un questionnaire élaboré avec une psychologue du travail…
Le groupe de travail constitué au printemps 2016 a pu, avec l’aide d’une psychologue du travail extérieure à l’établissement, élaborer dans un premier temps un questionnaire précis. Il a pu garantir aux participant·es la confidentialité car il est essentiel de protéger les personnes. Rempli en ligne, il pouvait être envoyé directement à la psychologue, ou bien être déposé dans une urne sur les différents campus. Enfin une permanence RPS avait été mise en place pendant toute la durée de retour du questionnaire.
Le taux de participation d’environ 45% a été suffisant pour traiter les retours et permettre une restitution en CHSCT en décembre 2016. Puis auprès des personnels au début 2017. Pour ce type d’étude, un taux de participation d’au moins 35% est nécessaire pour valider la démarche.
La fusion a engendré une perte multiple de repères…
Le diagnostic a fait émerger de nombreuses préoccupations, parfois différentes d’un campus à l’autre, et a fait apparaître une défiance importante des personnels vis à vis de la direction, ainsi qu’une dégradation de la qualité de vie au travail, associée à un sentiment de déclassement et à une perte de responsabilités. Ainsi, en réponse à une question posée, une majorité de participant·es ne recommanderait pas à un ami de postuler à CentraleSupélec.
« Le plus difficile, pour les collègues, précise Marie-Christine, est de ne pas savoir où on va. Quand on est dans le brouillard, on ne peut pas se projeter. La fusion a engendré une perte multiple de repères (spatial, institutionnel, hiérarchique), créant parfois une grande souffrance.»
Le feu est à l’orange
Cependant pour la psychologue du travail, le niveau d’alerte n’est pas au rouge mais à l’orange grâce à une forte solidarité entre collègues, mais pour combien de temps encore ?
Ce lien social est précieux et il est fondamental de le préserver. Il reste néanmoins urgent d’apporter des réponses concrètes aux troubles identifiés.
Le besoin de parler et de se parler
« Ce travail, souligne Marie-Christine, a fait émerger la nécessité de se parler car on ne vit pas les choses de la même façon en fonction de son service, son campus ou sa situation professionnelle. Le questionnaire a permis de libérer la parole et, en juillet 2017, une cellule de veille sociale a été lancée. »
Qualité de la démarche
« Des capteurs ont été formés pour écouter celles et ceux qui souhaitent s’exprimer davantage et les amener si besoin à activer la cellule de veille sociale. »
« Il est important pour vaincre les réticences de s’assurer de la qualité de la démarche : confidentialité, intervention de professionnels de la santé… »
Signaux positifs et besoin de cohérence
D’autres signaux positifs ont été envoyés par la direction : des encadrants ont reçu une formation aux RPS, des séances de sophrologie sont proposées régulièrement, une ostéopathe intervient également.
Le plus important, c’est de savoir si on travaille bien tous pour la même chose…
Aujourd’hui en 2018 l’école est dans l’attente d’une nouvelle direction et pour l’ensemble des militant·es les choses sont claires :
- Y aura-t-il une volonté de faire quelque chose pour que chacun·e se sente bien dans son travail ?
- Quel sera le plan d’action proposé pour construire une dynamique vertueuse et partagée ?
« Le plus important, c’est de savoir si on travaille bien tous pour la même chose : école, départements, laboratoires… Il y a un grand besoin de cohérence. »
Pour aller plus loin :