Quelle est la place des corps d'inspection dans le projet d'évaluation des enseignant·e·s actuellement en négociation ? Pour répondre à cette question, le Sgen-CFDT vous présente le rôle des personnels d'inspection et de direction dans l'évaluation des enseignant·e·s des deux degrés.
Parmi les caricatures qui circulent autour du projet de réforme de l’évaluation, il y a l’idée que les inspecteur·trice·s seraient remplacé·e·s par les personnels de direction pour réaliser l’évaluation des personnels d’enseignement, d’éducation et d’orientation dans le second degré. Dans les textes actuellement soumis par le ministère aux organisations syndicales, les inspecteur·trice·s et les chef·fe·s d’établissement interviennent dans les rendez vous de carrière.
Les corps d’inspection dans le projet de réforme de l’évaluation
Les inspecteur·trice·s effectuent une visite d’inspection, puis sur la base de cette visite, mais aussi du document d’appui préalablement réalisé par l’agent, ont un entretien professionnel qui porte sur les 7 à 8 années écoulées et sur les perspectives à suivre.
On sort donc du triptyque inspection/entretien post-inspection/rapport d’inspection avec note. Désormais la visite d’inspection est un élément, mais pas le seul, à partir duquel l’inspecteur·trice évalue l’engagement professionnel.
Écrire ou laisser croire que les corps d’inspection n’interviendront plus dans l’évaluation des personnels est donc mensonger.
Dans tous les corps d’enseignement, ils et elles compléteront tout ou partie de la grille d’évaluation et rédigeront une appréciation littérale de l’engagement professionnel des évalué·e·s.
Dans le second degré, les corps d’inspection sont responsables de l’évaluation des compétences suivantes :
- maîtriser les savoirs disciplinaires et leur didactique
- adapter les modalités de sa communication en fonction de son auditoire, en visant sa maîtrise et son développement
- construire, mettre en œuvre et animer des situations d’enseignement et d’apprentissage en prenant en compte la diversité des élèves
- évaluer les progrès et les acquisitions des élèves
- s’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel
Ils évaluent avec les personnels de direction les compétences suivantes :
- agir en éducateur responsable selon des principes éthiques
- organiser et assurer un mode de fonctionnement du groupe favorisant l’apprentissage et la socialisation des élèves
- accompagner les élèves dans leur parcours de formation
Dans le premier degré, les IEN sont seul·e·s responsables de l’évaluation de l’ensemble des compétences professionnelles et donc aussi :
- coopérer au sein d’une équipe
- contribuer à l’action de la communauté éducative et coopérer avec les partenaires de l’école
- coopérer avec les parents d’élèves
Cette grille a été construite à partir du référentiel métier de 2013. L’évaluation n’intègre donc aucun élément ressemblant de près ou de loin à des résultats, les inspecteur·trice·s sont appelé·e·s à évaluer les moyens mis en œuvre par les personnels dans leurs pratiques pédagogiques dans et hors la classe.
La place des personnels de direction dans le projet de réforme de l’évaluation
Dans le second degré, les personnels de direction rencontreront aussi les personnels d’enseignement de leur établissement. Cet entretien professionnel aura lieu après celui avec l’inspecteur·trice.
Ensuite le·la chef·fe d’établissement et l’inspecteur·trice échangent sur l’évaluation professionnelle qu’ils et elles envisagent de porter sur l’enseignant·e évalué·e chacun·e selon leurs compétences.
Les personnels de direction complètent la grille de compétences. Outre les trois compétences évaluées conjointement avec les corps d’inspection, ils ont la responsabilité d’évaluer les compétences professionnelles suivantes :
- coopérer au sein d’une équipe
- contribuer à l’action de la communauté éducative et coopérer avec les partenaires de l’établissement
- coopérer avec les parents d’élèves
L’avis et les propositions du Sgen-CFDT
Dans les deux degrés, placer l’évaluation dans la perspective du référentiel des compétences professionnelles de 2013 permet
- d’objectiviser l’évaluation,
- à tous les acteur·trice·s de savoir sur quoi porte l’évaluation.
Il ne s’agit plus de se gargariser d’un soi disant mérite d’autant plus inacceptable qu’il n’est jamais défini. Il ne s’agit pas non plus de rabattre l’évaluation des enseignant·e·s sur les résultats de leurs élèves. Il s’agit d’évaluer les moyens mis en œuvre par les enseignant·e·s dans les différents domaines de leur activité professionnelle. Plus transparentes, plus riches et complexes, ces nouvelles modalités d’évaluation sont plus à même de reconnaître les différentes formes d’engagement professionnel des enseignant·e·s.
Dans le premier degré, laisser les instituteur·trice·s et professeur·e·s des écoles sous le seul regard de leur IEN de circonscription n’est pas satisfaisant. Les négociations n’ont pas permis d’identifier un·e autre évaluateur·trice légitime pouvant intervenir dans le processus. Nous le regrettons.
Dans le second degré, le Sgen-CFDT considère qu’il faut aller plus loin dans le croisement des regards et le pilotage partagé dans le respect de la professionnalité de chacun·e. Le référentiel métier de 2013 est structuré en compétences elles mêmes déclinées en composantes. Ainsi au sein d’une même compétence certaines composantes relèvent plus de la compétence des personnels d’inspection et d’autres des personnels de direction. Par exemple, pour la compétence évaluer les élèves, si les personnels d’inspection ont toute légitimité à examiner les évaluations proposées aux élèves, la manière de les corriger, de mener des activités de remédiation… les personnels de direction ont davantage de visibilité sur la communications aux parents d’élèves des résultats de ces évaluations. Un regard croisé sur une même compétence ne signifie pas que les personnels de direction se substituent aux personnels d’inspection. Cela revient à prendre la mesure de la complémentarité des deux corps d’encadrement pour mieux rendre compte de l’ensemble des pratiques professionnelles des enseignant·e·s.
Les améliorations dont le projet de réforme semble porteur (regards plus riches et moins infantilisants) ne seront effectives que si elles sont bien comprises et prises au sérieux par les différents acteur·trice·s. Parce que cela engage des évolutions dans les rapports professionnels, dans les cultures professionnelles des unes et des autres, le Sgen-CFDT a demandé au ministère de former les évaluateur·trice·s et les évalué·e·s. Qu’est ce que le document d’appui ? Comment le préparer ? Comment le lire ? Comment mener et participer à un entretien professionnel ? Comment prendre conscience des biais à l’évaluation pour mieux les contrôler et aboutir à une évaluation la moins discriminante possible ? Les formations devront traiter de ces questions.
Pour le Sgen-CFDT , dans la réforme proposée l’élément central est l’accompagnement professionnel. Il faut permettre aux différent·e·s acteur·trice·s de s’engager dans cette démarche nouvelle. Elle permettra de changer les rapports hiérarchiques. Pour que les personnels d’inspection puissent consacrer du temps et mettre leur expertise au service de l’accompagnement pédagogique individuel et collectif aux côté des personnels et des équipes, il faut adapter leur charge de travail.
Changer les rapports professionnels est un chantier important et qui ne peut que s’inscrire dans la durée. Pour y parvenir, évitons les caricatures.