« Comment favoriser une conduite partagée du projet de l'établissement scolaire ? Entre communication, concertation et empouvoirement. Quelques réflexions pour évoquer à la fois un climat scolaire respectueux et harmonieux et un cadre professionnel stimulant et épanouissant »
, chef d’établissement, est intervenu lors de la table-ronde consacrée à l’identification de leviers pour mieux travailler ensemble, lors de l’assemblée générale des Sgen-CFDT qui s’est tenue à l’université de Bourgogne, à Dijon, du 23 au 25 février 2022.
Chef d’établissement depuis quinze ans, j’ai rejoint le lycée pilote innovant international (LP2i) en septembre 2021. Aussi, c’est surtout en me fondant sur mon expérience à la tête de collèges, un peu aussi en tant que directeur d’une section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa), que je vais m’exprimer et mon propos, éclairé par des slides, sera très pragmatique.
Pour préciser mes différents postes de principal, il y a une dizaine d’années j’exerçais dans un collège qui allait préfigurer la réforme du collège 2016 dans laquelle je m’étais beaucoup impliqué ; quant au collège que je viens de quitter, y a été mise en avant une démarche – en direction des élèves comme des personnels, et principalement ancrée sur les compétences psychosociales (CPS) – qui a été le moteur du projet d’établissement. Il est à noter que ces deux collèges étaient des établissements lambda, sans particularités spécifiques.
L’établissement scolaire : un écosystème
Le premier slide, qui présente trois objectifs et une synthèse, s’appuie sur un livre de Romuald Normand, Le Leadership du chef d’établissement. Anti-manuel de pilotage pédagogique (cf. Ressources complémentaires), qui fournit une analyse très riche à la fois de la problématique du pilotage d’établissement pour et par un·e personnel de direction, mais également de la question du pilotage d’un établissement scolaire en général, avec une dernière partie qui établit une comparaison avec d’autres systèmes éducatifs.
Je voudrais m’arrêter sur la synthèse de ces trois objectifs car elle montre que l’amélioration réussie de l’organisation scolaire et la conduite du changement sont moins une affaire de conception organisationnelle et de structure (cela, j’y crois beaucoup parce que l’autonomie de l’établissement, finalement, n’est pas gigantesque) qu’une question de socialisation, avec des valeurs et des objectifs partagés au niveau de la structure et des collectifs – c’est ce à quoi j’adhère le plus et que j’essaie de toucher dans mon travail, à travers la question des finalités et de la possibilité pour chacun·e de pouvoir s’engager.
Cette perspective débouche, avec les deux slides suivants, sur un ensemble, véritable écosystème avec une pluralité de problématiques pour faire vivre le projet d’établissement scolaire autour de valeurs, en communiquant, en associant et en s’interrogeant à chaque fois sur la place et le rôle du ou de la chef·fe d’établissement, les choix qu’il·elle peut faire. Ces schémas manifestent un fonctionnement très systémique. Ceci aussi pour dire que trouver une entrée pour parler de la promotion de la coopération et du travail collectif me semble trop complexe, impossible à résumer parce qu’il y a énormément de leviers sur lesquels on peut agir. Et mon message en ce sens est très positif car il est particulièrement encourageant, stimulant de savoir qu’on peut agir sur un très grand nombre de leviers !
l’amélioration réussie de l’organisation scolaire et la conduite du changement sont moins une affaire de conception organisationnelle et de structure […] qu’une question de socialisation, avec des valeurs et des objectifs partagés au niveau de la structure et des collectifs – c’est ce à quoi j’adhère le plus et que j’essaie de toucher dans mon travail, à travers la question des finalités et de la possibilité pour chacun·e de pouvoir s’engager.
Le projet d’établissement scolaire : un exemple
Le collège précédent, que j’ai accompagné pendant cinq ans, était un établissement rural situé près de Jarnac dont 60 % des élèves étaient issu·e·s de milieux sociaux défavorisés et pour lesquel·le·s le souhait essentiel était une orientation vers les maisons familiales rurales (MFR) environnantes. Malgré un climat scolaire serein, le collège manquait d’ambition, explicitée et partagée entre les différents acteurs et actrices, pour ses élèves.
En impulsant un projet d’établissement fondé sur les compétences psychosociales – je rappelle qu’elles ont été mises en valeur dans la Charte d’Ottawa, en 1986 (cf. Ressources complémentaires), laquelle définit la santé comme « bien-être complet de l’individu » conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) –, nous avons pu entrer en lien avec l’agence régionale de santé (ARS) et surtout travailler avec une instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (Ireps). J’en fais la publicité dès que je peux car les Ireps sont des formidables promoteurs des compétences psychosociales et proposent des supports qui nous ont beaucoup aidés à mettre en place le projet d’établissement. Tout ceci pour exemplifier l’établissement scolaire en tant qu’écosystème et les multiples leviers qu’il est possible d’actionner.
les Ireps sont des formidables promoteurs des compétences psychosociales et proposent des supports qui nous ont beaucoup aidés à mettre en place le projet d’établissement.
Concernant l’écosystème, les trois mots-clés à retenir sont :
● L’évaluation : comment fait-on fonctionner un établissement en évaluant de manière régulière ? En un mot, quelle est notre boussole ?
● Le climat favorable : j’en ai dit un mot à travers le projet, les valeurs, la communication et la manière d’associer les personnels pour une prise de décision commune.
● Enfin, la question de prendre le temps, et donc la question du fractionnement. Cela signifie s’adapter aux élèves, bien sûr, mais également à chacun des personnels. Toutes et tous ne sont pas disponibles tout le temps, n’ont pas forcément envie de le rester et on ne peut jamais présager quand quelqu’un s’engage dans une action, si cette personne le fera ou non durablement, car chacun·e a aussi le droit de faire une pause. Donc, il est impératif de bien mesurer l’importance de cette question du temps.
Travailler ensemble
Le travail collectif implique l’ensemble de la communauté, c’est-à-dire non seulement les enseignant·e·s mais encore les accompagnant·e·s des élèves en situation de handicap (AESH), les assistant·e·s d’éducation (AED), les conseiller·e·s principaux·ales d’éducation (CPE), les infirmier·e·s… sans oublier – c’est très important –, les agent·e·s de la collectivité. C’est l’ensemble de ces personnels qui, pour moi, font communauté.
Pour revenir à l’un des premiers slides qui formalisait la problématique du « ensemble », vous aurez remarqué qu’elle est exprimée du point de vue du ou de la chef·fe d’établissement : comment il·elle promeut cet « ensemble », en communiquant (à l’interne comme à l’externe – ce dernier type de communication me paraissant très important pour créer le sentiment d’appartenance à un établissement, à un collectif de travail) et aussi en associant les personnels, ce qui nécessite d‘identifier tous les interstices organisationnels qui vont permettre cette association. Par exemple, s’agissant de la concertation, comment peut-on la penser en matière de temps et l’organiser, y compris au moment de la répartition de la dotation horaire globale (DHG) ?
Le personnel de direction
Au final – ce que résume le dernier slide « moi #perdir » –, le ou la chef·fe d’établissement, que peut-il·elle être ?
Le ou la chef·fe d’établissement, tel·le que je l’envisage, doit se poser la question de son autorité – pas de son pouvoir ; il·elle se doit d’être discret·e ; d’être en dynamique et donc d’avancer en faisant toujours attention à accompagner.
Ma boussole, ce sont les compétences psychosociales, avec une attention particulière, parmi les soft skills, à l’intelligence émotionnelle car elle permet, si on la prend en considération, de réaliser deux objectifs : la capacitation, en d’autres termes permettre à chacun·e de pouvoir agir, et l’empouvoirement, mot québécois qui, en lien avec la capacitation, signifie donner la possibilité d’agir, de créer, de se sentir reconnu·e et donc de pouvoir investir dans une formation et dans le développement professionnels en se disant qu’ils pourront vraiment être mis en œuvre dans le travail.
Ma ligne de conduite, ce sont la congruence et la transparence. Celle-ci passe pour être toujours une arme à double tranchant, mais je ne considère pas qu’elle soit une arme. Et le moyen, un projet, nous l’avons vu, repose sur un écosystème et un collectif, une manière de faire ensemble. En sorte que tout ceci, aujourd’hui, illustre ce que je suis en tant que chef d’établissement, ce que j’essaie également de promouvoir, y compris quand j’interviens dans le cadre de l’Institut des hautes études de l’éducation et de la formation (IH2EF) en tant qu’expert associé auprès des cadres en formation initiale – une formation des cadres à travers laquelle je retrouve avec Manag’Educ, représenté ici par Benoît Becquart, un interlocuteur qui travaille sur ces ces mêmes éléments, sur cet « être ensemble ».
l’intelligence émotionnelle […] permet, si on la prend en considération, de réaliser deux objectifs : la capacitation, en d’autres termes permettre à chacun·e de pouvoir agir, et l’empouvoirement, mot québécois qui, en lien avec la capacitation, signifie donner la possibilité d’agir, de créer, de se sentir reconnu·e et donc de pouvoir investir dans une formation et dans le développement professionnels en se disant qu’ils pourront vraiment être mis en œuvre dans le travail.
Enfin, ce slide « moi #perdir » exprime aussi que je suis beaucoup sur les réseaux sociaux, en particulier sur Twitter qui me permet de faire collectif, de me retrouver en tant que chef d’établissement en lien avec un·e enseignant·e ou avec un·e autre chef·fe d’établissement, ou avec un·e directeur·trice académique des services de l’Éducation nationale (Dasen), avec un·e recteur·trice… Échanges qui s’opèrent de manière horizontale sans que se pose la question de la cravate ou des galons, mais simplement celle de l’envie… d’initier, d’impulser une conduite de changement par un travail collectif.
Des extraits de son intervention ont paru dans le no 284 – Mars-avril 2022 de Profession Éducation, le magazine du Sgen-CFDT.