Le 26 février, les ministres des solidarités et de la santé et de l’enseignement supérieur ont annoncé l’instauration d’un Service sanitaire obligatoire intégré au cursus des étudiant·es des formations en santé. Des missions de prévention dont seules les grandes lignes ont été dévoilées.
Un stage d’un nouveau type dans le cadres des études de santé
Le président de la République avait annoncé lors de sa campagne électorale sa volonté de créer un service sanitaire dont le but serait de sensibiliser des publics fragiles ou à risques par des actions de prévention.
Madame Agnès Buzyn (ministre de la santé et des solidarités) accompagnée de Madame Frédérique Vidal en ont annoncé la création et dévoilé les contours.
Ce service concernera 47 000 futurs dentistes, infirmier·es, kinésithérapeutes, médecins, pharmacien·nes, sages-femmes, qui devront conduire des missions de prévention en priorité dans les écoles, collèges, lycées, universités.
Madame Agnès Buzyn a dévoilé 5 thèmes prioritaires non exhaustifs sur les recommandations du Professeur Loïc Vaillant :
- les bonnes habitudes alimentaires,
- la prévention des addictions (alcool, tabac, drogues, etc.),
- la vie sexuelle,
- les moyens de contraception,
- et les bénéfices de l’activité sportive.
Ces missions de prévention seront tout d’abord intégrées dans le cursus des étudiant·es de certaines filières (infirmier·es, kinésithérapeutes, maïeutiques, médecine, pharmacie et soins dentaires) avant d’êtres généralisées, en 2019, à toutes les formations en santé (ergothérapie, orthophonie, etc.) soit, à terme, environ 50 000 étudiant·es.
D’un côté il s’agit de développer des actions de prévention dites primaires (pas de dépistage, mais des informations afin de modifier des comportements qui ont une incidence sur la santé) auprès de publics cibles. De l’autre, il s’agit de développer chez les futur·es professionnel·les de santé le souci de la prévention (primaire et secondaire) et l’attention à la communication de messages de prévention à différents publics.
Obligatoire pour l’obtention des diplômes, le service sanitaire d’une durée de 3 mois, continus ou discontinus, mais avec une période d’un mois continu préconisée, n’augmentera pas la durée des cursus.
Dés le mois de mars 2018, des expérimentations débuteront à Angers, Caen, Clermont-Ferrand et Dunkerque.
Si les contours du Service sanitaire ont été dévoilés dès le 26 février, les moyens permettant sa mise en place n’ont pas été évoqués, et c’est bien là que réside le principal problème pour le Sgen-CFDT.
Organisation des stages dans les établissements scolaires : le grand flou
A aucun moment, le lien n’est fait avec le fait que ce service sanitaire serait aussi l’occasion de découvrir des modalités d’exercice parfois méconnues des étudiant·es. Ainsi, alors qu’on peine à recruter des médecins de l’Éducation nationale, c’eut été l’occasion de sensibiliser les étudiant·es en médecine à la médecine scolaire et de leur présenter la formation spécialisée transversale de santé scolaire (de création récente).
Les personnels des établissements de formation vont devoir revoir les maquettes de formation afin que le service sanitaire soit intégré au cursus. Si des expérimentations sont d’ores et déjà menées et les équipes administratives et pédagogiques ne partiront pas de rien, c’est un travail conséquent d’ingénierie pédagogique qui les attend. Il devra être reconnu.
Tenir compte des actions de prévention primaire qui existent déjà à l’École…
Qu’on ne s’y méprenne pas, pour le Sgen-CFDT, développer des actions de prévention en direction des élèves, adaptées aux âges des élèves, à différents moment de leur scolarité, est un objectif louable. Mais on aurait tort de ne pas tenir compte de ce qui existe.
Le rapport Vaillant, plus que le dossier de presse du gouvernement, rappelle que l’École ne part pas de rien. Les infirmiers et infirmières scolaires, les médecins de l’Éducation nationale mènent déjà des actions de prévention primaire dans les établissements scolaires. Dans les collèges et les lycées, cela se fait en lien avec le Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté – CESC. Les collectivités territoriales sont impliquées via l’intervention de professionnel·les ou d’associations dans les établissements scolaires. Les programmes scolaires incluent des axes préventifs, en particulier ceux de SVT.
Le dossier de presse annonce que les étudiant·es auront un·e référent·e de proximité sur leur lieu d’intervention. Rien de plus précis n’est énoncé et cette annonce sans concertation et sans moyens supplémentaires parait prématurée.
Le rapport Vaillant est plus précis. Les référent·es dans les établissements scolaires ne seront pas nécessairement des professionnel·les de santé. C’est plus sage puisqu’il faut prendre la mesure de la pénurie de médecins et d’infirmier·es de l’Éducation nationale, mais qui pourra l’être ?
Un encadrement qui reste à définir
Le rapport Vaillant propose que le ou la référent·e de proximité soit chargé·e de l’accueil de l’étudiant·e, soit présent·e pendant tout le déroulé de l’action de prévention, et s’assure que les conditions nécessaires à la bonne réalisation de l’action de prévention sont réunies. C’est donc un engagement fort. Et l’on peut se demander quel·le professionnel·le peut prendre ce tutorat en charge sans que soit réorganisé son service ? Il serait inacceptable et d’ailleurs irréaliste que le ou la référent·e fasse cela en plus de son service habituel.
Les infirmier·es comme les médecins ont bien conscience de l’importance des actions de prévention et dépensent déjà beaucoup d’énergie, avec souvent peu de moyens, pour aider à la sensibilisation des élèves. Leur en demander encore plus dans ce domaine semble difficilement réalisable pour ne pas dire impossible.
Pour le Sgen-CFDT, les personnels devront être volontaires. Il faudra aussi donner à ces agents du temps (et donc une décharge de service ou le retrait d’autres missions pour ajuster charge et temps de travail), et une reconnaissance financière quel que soit le statut des personnels sollicités.
Le ministère de l’Éducation nationale devra vite ouvrir des négociations sur ce sujet.
Pour aller plus loin :