Les évaluations nationales décidées sans concertation par le ministère posent question. Pour le Sgen-CFDT, le dispositif présenté comporte des contradictions internes peu compatibles avec l'objectif affiché et le discours sur l'école de la confiance...
À quelques jours de la pré rentrée, les organisations syndicales ont eu la surprise de découvrir les évaluations nationales qui s’imposeront à tous les élèves de CP dès le mois de septembre, aux élèves de 6ème en novembre.
(voir le compte-rendu de la réunion de présentation des dispositifs)
Des évaluations nationales pour quoi faire ?
Pour le Sgen-CFDT, le ministère mélange deux objectifs en déployant ces évaluations : l’évaluation au service des apprentissages et l’évaluation au service du pilotage du système, qu’il s’agisse du pilotage local ou du pilotage national.
En effet, les évaluations proposées en 6ème, uniquement numériques, s’effectueront en 2 passations de 50 minutes, les résultats individuels seront disponibles dès le lendemain, celles au niveau du collège en mars pour un dialogue dans le cadre du conseil écoles-collèges.
Au CP, les outils d’évaluation diagnostique sont nationaux, imposés à tous dès le mois de septembre, mais sont présentés comme aide aux professeurs et comme aide au pilotage local, sans remontées nationales. Ils guideront cependant les animations pédagogiques et l’accompagnement des équipes de circonscription tout au long de l’année.
Qu’en pense le Sgen-CFDT ?
Des évaluations inadaptées à l’objectif affiché
Le mode de passation des évaluations les fait ressembler à celle d’évaluations sommatives. Leur durée semble peu adaptée à l’âge des élèves.
Comment avec de tels dispositifs accéder aux connaissances et compétences des élèves ayant des troubles déficitaires de l’attention ? Comment contourner les “effets de réputation” qui limitent la capacité d’élèves à restituer leurs connaissances ou engager leurs compétences parce qu’ils se considèrent eux-mêmes en difficulté ? (On peut se référer aux travaux de Marie-Christine Toczek)
Des évaluations pour apprécier les acquis et ajuster l’intervention pédagogique qui interviennent en novembre (en 6ème), n’est-ce pas un peu tard ? Cela ne risque-t-il pas de favoriser des pratiques de bachotage en classe, à la maison ou auprès d’officines privées et lucratives de soutien scolaire ? Le marché des stages de remise à niveau est ouvert pour les vacances de Toussaint.
En CP, la période de passation est floue : fin septembre nous dit-on en réunion, première quinzaine dit le ministre, début octobre s’entendent dire des directeurs et directrices dans certaines circonscriptions… dur dans de telles conditions de programmer son enseignement.
Dans tous les cas, et puisque le ministère a décidé de la mise en œuvre de ces évaluations, pour le Sgen-CFDT, il faut prévoir, organiser et reconnaître le travail des équipes autour du résultat de ces évaluations. En faire une analyse collective, construire collectivement les ajustements pour la suite de l’année, voilà un travail qui pourrait être intéressant pour les professionnels de l’éducation que nous sommes. Mais quel temps est prévu alors que la concertation n’a que peu de place dans l’organisation collective du système scolaire. Cela fait partie des 108 heures pour les professeur·e·s des écoles ? Cela fait partie des missions liées à l’enseignement pour les professeur·e·s de collège ? Comme si le temps n’était pas déjà saturé, dépassé ?
Le dispositif décidé par le ministère comporte pour nous des contradictions internes et il est incomplet.
Un dispositif contradictoire avec l’école de la confiance en ses personnels
Le Sgen-CFDT s’interroge sur le discours qui met en avant la confiance, l’autonomie accordée aux collègues, aux équipes de cycle dans leurs choix pédagogiques.
Les professeur·e·s dans le premier comme dans le second degré savent organiser en début d’année des activités leur permettant d’apprécier où en sont leurs élèves dans leurs apprentissages. Les observer en train de réaliser un travail pour mieux repérer à quels moments des difficultés surgissent. S’il faut mieux organiser ce moment de l’année, invitons les équipes à se saisir de cette problématique dans les écoles et établissements par un travail collectif. C’est ainsi que l’on incarne mieux la confiance faite aux personnels, qu’on leur reconnait leur expertise, leur responsabilité et donc leur liberté d’ajuster leurs gestes professionnels pour permettre aux élèves de réussir dans leurs apprentissages à l’échelle du cycle.
Est-ce à dire que le Sgen-CFDT est contre l’évaluation des élèves et du système éducatif ?
Évidemment non… pour le Sgen-CFDT évaluer fait partie de nos missions en tant qu’enseignant·e·s. Mais il y a évaluations et évaluations. Pour une école bienveillante qui se fixe pour objectif, à l’école et au collège, l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture par tous les élèves, il faut d’autres dispositifs d’évaluation diagnostique.
Le Sgen-CFDT est aussi favorable à l’évaluation des politiques publiques et donc du système éducatif. Mais évaluer le système et évaluer les élèves ce n’est pas la même chose. C’est notamment ce que montrent les travaux du CNESCO, de l’IFE et de nombreux chercheurs et chercheuses en sciences de l’éducation.
Par ailleurs, pour le Sgen-CFDT, la présentation de ces évaluations couplée au dispositif 100 % de réussite au CP interroge voire remet en question la conception des apprentissages par cycle, la prise en considération de la différence, la définition de ce qu’est l’acte de lire.
Enfin, en REP+, ce ne sont pas moins de deux séries d’évaluations qui accueilleront les élèves de CP : celles de tous les CP citées ci dessus et celles consacrées à démontrer la réussite des CP à 12. Cela fait beaucoup pour ces classes. Et nous manquons d’information sur l’évaluation spécifique des CP à 12.