À partir de la rentrée prochaine, le dispositif d’évaluation des écoles et des établissements du second degré devrait être généralisé. Pour les écoles, il s'agit de redonner du sens au travail des personnels en co-construisant des objectifs. L’éclairage du Sgen-CFDT.
Avant toute chose, cette évaluation d’école ne doit en aucun cas ressembler à une inspection comme celle que les enseignants ont pu connaître au cours de leur carrière. Ce n’est absolument pas la finalité.
En effet, l’équipe des enseignants doit, dans un premier temps, effectuer une autoévaluation autour de ses pratiques dans et hors classe.
Pour effectuer ce travail inhabituel, elle peut bénéficier de l’appui de l’équipe de circonscription qui elle-même doit être formée et accompagnée.
Dans un contexte post-covid les conditions de mise en oeuvre d’un tel dispositif sont décisives : elles ne doivent pas surcharger des équipes enseignantes qui cherchent d’abord à reprendre leurs marques au sein des écoles et à retrouver un fonctionnement « ordinaire ».
Le temps : un enjeu essentiel du dispositif d’évaluation d’école
Répondre aux besoins des équipes pédagogiques…
Le temps est un paramètre essentiel pour que ce dispositif prenne sens. Les équipes pédagogiques doivent pouvoir bénéficier de temps spécifiques qui ne viennent pas se surajouter aux temps déjà programmés et nécessaires au bon fonctionnement de l’école : réunions entre collègues, avec les parents, avec les partenaires.
Il faut donc dégager le temps estimé nécessaire pour que cette évaluation se fasse dans de bonnes conditions.
Sans cela, elle apparaîtra comme une contrainte supplémentaire et ne favorisera pas l’introspection sur le fonctionnement de l’École.
Pour le Sgen-CFDT, le temps que les enseignants consacreront tous les 5 ans à ce dispositif constitue clairement du temps de travail supplémentaire. Parce qu’elles doivent avoir à terme un but formatif, les temps d’appropriation, d’analyse et de restitution doivent a minima pouvoir être pris sur les 18 heures de formation.
…Et des équipes de circonscription
Il en va de même avec les équipes d’évaluation que sont les IEN et les conseillers pédagogiques chargées d’accompagner le dispositif.
Concevoir, proposer des outils, mais aussi accompagner les équipes demande du temps.
Les conseillers pédagogiques dont les missions sont toujours plus nombreuses doivent avoir la capacité de donner la priorité à l’accompagnement de ce nouveau dispositif.
Si le dispositif d’évaluation est considéré comme essentiel, les conseillers pédagogiques doivent pouvoir renoncer à certaines tâches et rendre prioritaire cet accompagnement.
Permettre aux équipes d’évaluateurs d’échanger entre elles pour adapter les outils, les pratiques et ajuster au mieux en fonction de l’expérience de chacune est également primordial. Si l’évaluation d’école est une priorité, alors elle doit contraindre à délaisser certaines missions, tâches afin que tous les personnels aient les moyens de la mener dans des conditions optimales.
Le Sgen-CFDT propose aussi que soit laissée la possibilité aux équipes de privilégier un ou deux axes sans les aborder tous dans le détail.
Une évaluation d’école qui doit dépasser le cadre strict du temps de classe
Parce que le temps de l’élève dépasse le cadre purement scolaire, l’évaluation doit aussi porter sur ce qui peut se passer sur les temps péri, voire extrascolaires.
On peut ainsi imaginer que lorsque le climat scolaire dans et autour de l’école n’est pas serein, cela ne risque pas d’avoir des conséquences sur les capacités d’apprentissage des élèves.
Le temps de pause méridienne, la disponibilité des personnels de la collectivité territoriale, les relations avec la collectivité territoriale, la place des parents dans une école, les relations avec la collectivité territoriale et les structures périscolaires sont aussi des éléments importants à mesurer.
Ils ont inévitablement des conséquences sur le fonctionnement de l’école.
Construire une communauté éducative respectueuse de chacun
Cette évaluation peut également développer la relation avec les familles, notamment pour les plus éloignées de l’école, en les associant aux améliorations possibles de tous les temps que vivent leurs enfants à l’école (pour certains jusqu’à 10 heures par jour).
Ce dispositif nécessite plusieurs changements de paradigmes…
Passer d’une dimension individuelle à une dimension collective, passer d’une évaluation contrôle à une évaluation qui repose sur :
- une analyse collective du fonctionnement et de l’organisation de l’école,
- des indicateurs de réussite des élèves et des contraintes à prendre en compte,
- des partenariats existants ou à renforcer.
Cette évaluation doit permettre à chaque équipe de se fixer des objectifs partagés, à condition qu’on lui en donne la liberté et surtout les moyens.
Une nécessité : la bienveillance
Sur les modalités de mise en œuvre, une règle doit prévaloir : la bienveillance.
Les équipes doivent aussi bénéficier de conditions homogènes et cohérentes en étant informées dès le départ des axes qui vont être évalués, et ce, de façon transparente.
De même, les « évaluateurs » externes n’étant pas les interlocuteurs habituels, ils doivent pouvoir bénéficier de temps pour installer une confiance réciproque.
C’est à ces conditions qu’ils pourront ensuite formuler des préconisations crédibles et acceptables par tous.
L’IEN de circonscription a un rôle majeur dans l’approche pour libérer du temps aux équipes, aux accompagnateurs, pour préconiser des indicateurs et des outils de qualité.
Mieux lier préconisations issues de l’évaluation d’école et projet d’école
Les préconisations formulées à l’issue de ce processus doivent prendre sens en servant de base à la construction du projet d’école.
Pour cela, les écoles doivent pouvoir disposer de plus d’autonomie, notamment vis-à-vis du projet académique ou de circonscription dont ils découlent le plus souvent actuellement.
En renonçant aux injonctions, en laissant cette évaluation jouer son rôle de conception des futurs axes de travail de l’école, les Dasen et les IEN permettront aux équipes pédagogiques de s’émanciper et de poser des objectifs adaptés aux réalités du territoire dans lequel elles exercent et aux besoins des élèves de leur école.
Mais aussi réguler en cas de difficulté
En prévoyant que 20 % d’écoles soient évaluées selon ces modalités chaque année, le Conseil d’Evaluation de l’Ecole entend installer un nouvel outil de réflexion pour les écoles.
Pour le Sgen-CFDT, il convient que les rapports issus de ces évaluations ne soient pas communiqués aux autorités de tutelle pour permettre que s’installe sereinement une culture de l’auto-évaluation.
Il faudrait ensuite mettre en place des instances locales d’observation et de régulation de ces évaluations d’Ecole pour identifier les problématiques qui pourraient émerger, notamment par l’analyse des rapports et des préconisations émises.
Un autre frein, l’absence de statut de l’école
Un des autres freins à cette évaluation est l’absence de statut de l’école. Comment évaluer un fonctionnement d’une école alors que l’école, l’équipe pédagogique, le directeur, la directrice ne peut agir sur certains leviers notamment par le fait que les décisions sont prises hors les mûrs ? Cette limite est d’autant plus vrai que sur, de nombreuses circonscriptions, il est prévu que le dispositif d’évaluation soit le même sur un regroupement d’écoles décidé arbitrairement. Quel sens alors donné à des préconisations qui seront communes à plusieurs écoles dont la population, le pilotage, le projet, le lien avec la commune seront différentes. Pour le Sgen-CFDT, ces préconisations ne pourront dès lors prendre sens pour une équipe d’école notamment dans le projet d’école qui sera écrit à l’issue. Il convient donc là encore que l’école ait un statut pour avoir le pouvoir d’agir sur son territoire de recrutement d’élèves.
Être acteur de son travail : un enjeu majeur
La plupart des rapports sur l’éducation en Europe place la France en queue de peloton quant au travail collectif mené au sein des établissements scolaires par les équipes pédagogiques.
Un travail collectif qui est considéré comme une facteur de réussite important pour les élèves mais aussi un facteur de mieux être au travail des professionnels.
Les enseignants évoquent régulièrement leur besoin d’autonomie, leur envie de participer davantage au projet collectif et de subir moins d’injonctions pour être davantage acteur de leur travail. En installant ce mode d’évaluation, le Ministère entend favoriser le travail collectif pour mieux construire les parcours des élèves.Pour le Sgen-CFDT, les équipes doivent donc s’en emparer.
C’est une opportunité pour mieux réfléchir à nos pratiques et nous définir des objectifs communs partagés et cohérents à l’issue d’une analyse objective et d’échanges constructifs. Ce dispositif peut permettre aux équipes d’école de s’émanciper et permettre aux enseignants de mieux vivre leur métier.