Pour faire suite au webinaire du 22 juin sur le dispositif "évaluation d'école" réservé aux adhérent.e.s, Laure Guézennec intervenante, donne son avis sur le dispositif en répondant à deux questions : son vécu et les pistes d'améliorations possibles et nécessaires.
« Évaluation d’école », un dispositif nouveau qui peut avoir du sens avec cependant la nécessité d’en faire une analyse et de mettre en place des pistes d’améliorations. le Sgen-CFDT avait décidé de donner la parole à celles et ceux qui l’ont vécu après cette première année d’expérimentation.
Retours sur les témoignages de nos trois intervenantes à travers deux questions.
Laure Guézennec : directrice d’école
Laure Guezennec est directrice d’une école de trois classes en regroupement pédagogique intercommunale à Saint-Romain la Virvée en Gironde. Elle a participé à une évaluation d’école au cours de l’année scolaire qui se termine.
Comment de ta place de Directrice évaluée as-tu vécu ce dispositif d’évaluation d’école ?
En tant que directrice, j’ai vécu toute la préparation avec le stress : le mien, mais aussi celui de mon équipe. Il a fallu composer, être diplomate, rassurante, arrangeante et bien souvent devenir la variable d’ajustement pour que chacun puisse arriver au bout du processus.
J’ai enfilé énormément de casquettes : coordinatrice de l’équipe enseignante, webmaster pour les questionnaires, rédactrice de rapport d’auto-évaluation (avec les collègues), secrétaire pour organiser les rendez-vous des évaluateurs, guide touristique pendant la visite physique de l’école, porte-parole et avocate de nos projets, etc…
Je suis sortie de là essorée : faire du lien avec les évaluateurs, ne pas se laisser abattre par des questionnaires parents qui ressemblaient plus à des sondages d’expérience client qu’à des outils de progression, ne pas laisser s’installer la défiance vis à vis des évaluateurs (alors que je n’étais pas convaincue moi-même), garder le lien humain au maximum et en toutes circonstances, c’était épuisant.
Par ailleurs, nous avons bénéficié de la présence d’une collègue brigade durant la journée mais dans une petite école, ce type de dispositif monopolise complètement la directrice et donc je n’ai pas pu regagner ma classe, même quand mes collègues étaient reçues. La remplaçante qui était présente a dû assurer avec nos ATSEMS – heureusement ce sont des professionnelles de valeur.
Le positif que je garde est d’avoir rencontré une équipe d’évaluateurs très bienveillants et qui, par leur positionnement et surtout par leur provenance, nous ont inspiré confiance. Ils étaient issus des mêmes structures que nous et nous pouvions donc parler le même langage. La valorisation de notre travail d’équipe qu’ils ont livrée dans leur rapport d’évaluation était totalement inconnue pour nous. A aucun moment de notre carrière – même en rendez-vous PPCR – nous n’avons été valorisées de cette façon-là.
Que faudrait-il selon toi changer dans le fonctionnement actuel pour rendre ce dispositif encore plus opérationnel et utile aux équipes ?
Très honnêtement, et même si cela s’est bien passé pour mon équipe, je ne repartirai pas sur un tel chantier en l’état actuel du dispositif. Beaucoup trop de choses ont débordé sur mon temps personnel – et celui de mes collègues – sans aucune reconnaissance institutionnelle.
C’est chronophage, lourd et parfois inadapté.
Si l’on veut faire évoluer le dispositif, il faudrait, en premier lieu, arrêter d’appeler cela « évaluation ». Les mots ont un sens et dans l’Éducation Nationale, l’évaluation des personnels sert à mesurer les manques, pas à valoriser les acquis… ou du moins très rarement.
Le dispositif aurait besoin d’être affermi sur plusieurs points : les questionnaires parents et enfants proposés dans mon académie sont clientélistes et inadaptés ! Les parents se sentent ainsi autorisés à nous évaluer dans nos compétences professionnelles. Or, ce n’est absolument pas le but (enfin, au départ…). Cela ne fait que renforcer la défiance entre les enseignants et les parents.
Certes, nous pouvions les modifier mais nous ne sommes pas formés à rendre ces questionnaires les plus révélateurs et pertinents possibles selon les critères choisis. L’Institution fait reposer beaucoup trop de responsabilités sur les épaules des équipes et notamment sur celles des directeurs et directrices qui sont à la manœuvre.
Il faut également revoir l’attitude de certaines équipes d’évaluateurs qui se comportent comme des supérieurs hiérarchiques (qu’ils peuvent être par ailleurs mais pas dans le cadre du dispositif). Cela n’a pas été mon cas mais en tant que militante, j’ai été en contact avec des équipes malmenées durant ces évaluations d’école.
Attention à ne pas rajouter de la souffrance au travail !
Enfin, il faut du temps ! Et surtout moins de méfiance de la part du ministère quant à l’utilisation du temps imparti. Non, les équipes ne vont pas dilapider leurs jours. Cependant raccourcir ses nuits ou travailler à l’évaluation d’école au détriment de sa classe n’est pas un choix possible. Il faut donc prévoir mieux pour libérer au maximum du temps.
Ce dispositif doit évoluer sinon, il ne servira qu’à renforcer un sentiment de colère chez les enseignants qui ne sont plus valorisés au sein de la société.
En somme, pour moi l’évaluation d’école avec un autre nom et réalisée par des pairs (donc des collègues en fonction dans leurs écoles/classes) peut être utile à une réflexion pédagogique dans une équipe qui fonctionne bien.
Mais si l’Institution la maintient telle qu’elle est actuellement, alors c’est non.
La balance bénéfices/risques est actuellement trop penchée vers le négatif.