Lors du CNESER du 08/07/2021 consacré à l'examen des dossiers "d'accréditation" des INSPE, le Sgen-CFDT a refusé de voter les maquettes, pour marquer son désaccord avec les arbitrages de la réforme.
Le Sgen-CFDT refusera de voter les dossiers « d’accréditation » des Inspé qui nous sont présentés aujourd’hui indépendamment de la mobilisation des équipes pour leur élaboration, et de la qualité du travail réalisé. En effet, l’examen in extremis des dossiers d’accréditation de douze INSPÉ pour une mise en œuvre des nouvelles formations MEEF à la rentrée prochaine vient achever un cycle de concertations particulièrement éprouvant dans le cadre d’un agenda social 2018-2019 qui s’achève finalement en 2021 par un fiasco du côté de la réforme de la formation initiale des enseignant.es et des CPE. Une programmation aussi tardive dans l’année universitaire de l’examen de ces dossiers d’accréditation révèle bien la responsabilité des directions à s’entendre sur les nouvelles modalités de formation pour permettre aux équipes dans les inspé de travailler à la nouvelle architecture de l’offre de formation. Le temps dévolu à l’échange sur chacun des dossiers, dix minutes, laisse peu de doutes sur les enjeux de ces présentations et finalement sur la qualité du dialogue social dans cette instance. |
Les enjeux de l’agenda social sur la formation des enseignant.es et des CPE étaient d’ « attirer », de « mieux former » et de « mieux recruter ». On est loin des objectifs. Au terme de trois années de rebondissements et d’arbitrages, l’évolution de la formation dans les Inspé va finalement se traduire par la précarisation des étudiant.es, les inégalités de traitement, la fragilisation des équipes de formateurs et de formatrices, la désorganisation du schéma de formation.
Une logique d’économies à tout prix l’aura emporté sur les considérations pédagogiques.
Une précarisation des étudiants
- Le déplacement du concours en fin de M2 ne s’accompagne d’aucune vraie solution de financement de l’allongement des études pour les étudiants :
le MENJ prévoit un contrat de seulement 12 mois consécutifs sur les deux ans du master MEEF pour une rémunération inadmissible de 865 € bruts / mois pour un stage en totale responsabilité de classe(s) à tiers temps (en plus du master et de la préparation au concours). Ce qui est inférieur au salaire minimal pour un alternant entre 18 et 25 ans. - L’alternance, telle qu’envisagée par le MENJ, n’est plus une modalité de formation et risque de devenir un choix par défaut, ciblant les étudiants les plus en difficulté socialement et qui auront les conditions d’études les plus difficiles.
- Quelle que soit la place retenue pour l’alternance (S2-S3 ou S3-S4), les étudiants bénéficiant d’un contrat vont se retrouver sans revenus pendant la moitié de leur formation professionnelle, voire en responsabilité de classe(s) au moment des épreuves du concours et de la validation du master.
Un pilotage budgétaire de la réforme, au détriment de la formation
- Le MENJ profite de l’année de transition pour diminuer le nombre de postes aux concours à la session 2021 (900 postes au CRPE notamment) et précariser le statut des étudiants :
les M2 « cursus rénovés » pour 2021-2022 seront des contractuels recrutés à la place de fonctionnaires stagiaires. - Les berceaux et les modalités d’alternance sont déterminés en fonction des besoins RH des rectorats, pas sur des objectifs de formation universitaire :
les étudiants seront des moyens d’enseignement – au détriment de la diversification des terrains de stage, de la présence d’un tuteur dans l’établissement, de la proximité avec les lieux de formation, etc. - Dans beaucoup d’académies, et souvent contre l’avis des équipes, les modalités de stages filés sur l’année retenues pour les contractuels alternants ne permettront pas de rétablir à la fois la formation continue des titulaires et l’ouverture à l’international du master MEEF.
- Les maquettes de formation sont revues à la baisse dans de nombreux INSPÉ : beaucoup d’universités font savoir qu’elles ne seront pas en mesure d’assurer « la soutenabilité financière » de la formation plafonnée à 800 heures d’autorité (alors que les textes du MENJ précisent “800 h a minima”) sans possibilité de garantir l’ensemble des enseignements et de renforcer l’accompagnement individualisé des étudiants.
Des inégalités entre territoires, entre étudiants et entre stagiaires
- Faute de berceaux suffisants dans certaines académies et/ou disciplines, tous les étudiants qui le souhaiteraient ne pourront pas être alternants, sans qu’on sache encore sur quels critères ils seront sélectionnés.
- Les étudiants en alternance dans le public sont utilisés comme des moyens d’enseignement à part entière – alors que les étudiants se destinant à l’enseignement privé sous contrat sont prévus en surnombre dans les établissements.
- Le dispositif des étudiants « AED prépro » prévoit une montée en responsabilité à tiers temps en master MEEF avec une rémunération de 1219 € bruts / mois quand les étudiants recrutés sur les futurs contrats d’alternance seront, eux, pour le même travail (responsabilité tiers temps), rémunérés 865 euros bruts.
- Après la réussite au concours, les fonctionnaires stagiaires issus d’un master MEEF seront en responsabilité à temps plein (avec 10 à 20 jours de formation) tandis que les autres lauréats, titulaires d’un autre master ou dispensés de diplôme, seront en alternance mi-temps en responsabilité de classe et mi-temps en formation.
- Les disparités de formation entre les lauréats du concours empêchent la construction d’un continuum de formation lisible et cohérent.
INSPÉ : La multiplication des injonctions paradoxales fragilise les équipes
Sur les contenus des masters :
- les équipes ont été dépossédées de la possibilité d’élaborer collectivement les maquettes ou elles se sont trouvées contraintes de « bricoler » précipitamment, faute de textes ministériels parus suffisamment tôt, des contenus qui suscitent des tensions multiples ou des accommodements, plus ou moins grossiers.
- le cahier des charges de la formation ne cesse de s’alourdir (exigences universitaires, exigences professionnelles) pour une formation toujours sous tension mais avec des moyens à « coûts constants ».
Sur la composition des équipes :
- l’obligation imposée par le ministre de l’Éducation nationale qu’un tiers de la formation en MEEF soit assurée par des enseignants eux-mêmes en responsabilité de classe(s) délégitime les enseignants à temps plein dans les universités.
- cette décision ne peut par ailleurs pas être envisagée sans anticipation des moyens nécessaires (viviers de formateurs formés disponibles), et des conséquences sur l’organisation et le fonctionnement des équipes.
- Les dispositifs universitaires de préprofessionnalisation mis en place actuellement avec des moyens insuffisants se trouvent mis en concurrence avec la création des PPPE pour le premier degré – « parcours » qui constituent par ailleurs un premier pas vers le décrochage entre premier et second degrés.
- L’impact sur les équipes, le terrain et les élèves eux-mêmes reste totalement impensé : sur quels berceaux seront placés les étudiants alternants ? Quelle organisation sera retenue pour le déroulement des stages alternants ? Quelles conditions seront finalement assurées pour que les écoles et les établissements soient réellement des lieux de formation ?
L’amélioration de la formation passera par d’autres mesures
- Les étudiants doivent être considérés comme étant en formation : ils ne doivent et ne peuvent donc pas être utilisés comme des moyens d’emploi.
- Les fonctionnaires stagiaires doivent bénéficier d’une véritable formation initiale.
- La rénovation de la formation initiale doit contribuer au renforcement de la formation continuée et continue.
- Les lauréats des concours n’ayant bénéficié d’aucune formation aux métiers d’enseignant ne doivent pas être mis en responsabilité seuls en classe dès le début de l’année.
- Le fonctionnement des équipes plurielles doit être développé dans le respect des domaines d’expertise de chacun-e, sans mise en concurrence entre les personnels et avec des moyens suffisants.
La formation n’a pas à être gérée en fonction du localisme des contraintes et/ou des choix, facteur d’inégalités entre territoires, INSPÉ, étudiants, stagiaires, établissements et élèves.
Les nombreuses alertes et interventions de l’ensemble des organisations syndicales (Agenda social, audiences, Comité de suivi des INSPÉ) n’ont pas été entendues, pas plus que leurs communiqués de presse, les motions et courriers rédigés par les équipes de formateurs, responsables de formations, associations savantes, corps d’inspection, associations professionnelles…
Les conditions de travail des enseignants et des personnels administratifs se sont dégradées et dans de nombreuses universités, les CHSCT ont été alertés. Force est de constater que les équipes ne sont pas en capacité de préparer sereinement la rentrée et que la situation est alarmante. Le Sgen-CFDT tient d’ailleurs à souligner le grand professionnalisme dont ont fait preuve les collègues qui se sont mobilisés jusqu’au bout et dans des conditions éprouvantes pour préparer une rentrée 2021 qui sera difficile.
Par conséquent, et encore une fois sans que cela ne remette en cause la qualité des dossiers, nous refuserons de prendre part au vote.
Pour en savoir plus : INSPÉ, le CNESER rejette la réforme