Fatigué·es. Épuisé·es souvent. Déprimé·es parfois. Au bord du burnout. Voici le constat que nous font de nombreux personnels de l’Éducation Nationale alors que s’achève la première période de cours de l’année. Car oui, nous ne sommes que mi-octobre.
Mais d’où vient cette fatigue dont les effets se font sentir aux 4 coins de nos académies, des professeur·es des écoles à celles et ceux des universités, des services du rectorat ou des établissements à ceux des CROUS ? D’où vient cette fatigue aux conséquences parfois si dramatiques, notamment pour ces postes à forte responsabilité si soumis aux injonctions contradictoires, et aux pressions conjuguées ?
Le Sgen-CFDT préfère l’horizon des possibles à la litanie des dysfonctionnements. Il considère pourtant qu’il est pour une fois nécessaire de faire un inventaire, loin d’être exhaustif, de ces derniers. Car il n’est sans doute plus possible de continuer ainsi.
Les personnels sont fatigué·es.
Fatigué·es des changements de cap incessants.
Des chantiers qui s’ouvrent alors que les fondations d’autres sont à peine achevées et que tant d’autres ont été laissés en plan. Faut-il donc tout reconstruire tous les 5 ans au rythme des idées, des envies et des calculs politiques des un·es ou des autres ? Le bruit, l’inquiétude, les secousses liées à ces grands chantiers empêchent de penser et de panser. Loin de stimuler l’action, ces grands chantiers la paralysent, noyée sous les injonctions contradictoires et le pilotage descendant. Il faut du temps pour faire les choses correctement. Du temps pour réfléchir. Pour se concerter. Pour évaluer. Pour ajuster.
Pourquoi cette impression que l’Éducation Nationale navigue à vue, au gré des vents démagogiques dominants, là où elle aurait besoin d’un cap solide ?
Fatigué·es que ces changements ne s’accompagnent d’aucune forme de soutien ou reconnaissance.
Des personnels de direction occupé·es pendant leurs rares vacances à faire entrer dans les cases si étroites des emplois du temps une réforme mal conçue et aujourd’hui à imaginer de nouvelles formes d’accompagnement des élèves et à reconfigurer seuls leurs conseils de classes comme leurs calendriers.
Des enseignant·es qui préparent 1, 2 ou 3 nouveaux programmes en plus du travail habituel sans aucune forme de compensation. Des programmes pensés globalement sans eux et plus sensibles aux oscillations politiques des dirigeants qu’à celles de la recherche et qu’aux remontées du terrain.
Des services administratifs coincés dans la gestion des soubresauts de la réforme, qu’il faut assurer avec toujours moins de personnels.
Le tout sans autre compensation et reconnaissance que les mots maladroits d’un ministre dans une vidéo en plan fixe envoyée sur la boîte mail.
Fatigué·es que les questions de conditions de travail,
de santé au travail voire, soyons fous, de bien-être au travail, soient reléguées à d’autres lieux ou d’autres temps, quand on aura justement le temps ou l’argent.
Qu’elles soient vues comme un luxe, auquel on peut renoncer tout aussi aisément qu’on s’assoit sur les règlements en la matière. Là où l’actualité et la recherche nous assurent conjointement qu’elles devraient être au cœur du fonctionnement d’un système épanouissant et émancipateur.
Fatigué·es que les problèmes criants des rémunérations à l’Éducation Nationale soient toujours remis à demain,
ou après-demain, une fois qu’un observatoire aura observé ce que l’on sait déjà : la faillite d’un système de rémunération très inégalitaire incapable de reconnaître réellement l’investissement pour la société de ceux, parmi les personnels, qui sont au cœur des difficultés. Comment accepter sereinement le fait que les personnels ne soient régulièrement pas payés en temps et en heure pour le travail effectué ? Comment accepter de n’être payés que de mots et encore, pas souvent, simplement quand la catastrophe politique d’une rentrée ratée a été évitée ?
Fatigué·es de voir l’Éducation Nationale instrumentalisée
pour des débats et surtout des postures politiques sans intérêt, quelque part entre voile, marseillaise et drapeau. Comme si l’extrême droite faisait déjà la pluie et le beau temps dans le pays, imposant son agenda de peurs et de préoccupations nulles et non avenues.
Fatigué·es de devoir pendant ce temps bricoler avec les moyens du bord
et parfois, souvent, acheter sur ses propres deniers, ce qui devrait l’être par la collectivité.
Et voilà qu’on intègre peu à peu que l’objectif budgétaire est finalement le seul qui vaille, quitte, comme ont du le faire bon nombre de rectorat cette année, à s’asseoir sur des années de timides progrès dans la gestion des personnels contractuels.
Ainsi l’Éducation Nationale apparaît peu à peu comme un coût pour la société là où elle est un formidable investissement dans notre avenir.
Fatigué·es, finalement, que l’on utilise leur sens du service public,
leur bonne conscience professionnelle, l’intérêt et l’amour qu’elles et ils portent à leur métier et aux élèves pour remettre à plus tard les progrès mais augmenter dès aujourd’hui la pression.
Alors les personnels disent qu’ils et elles n’en peuvent plus. Que bientôt, même leur bonne conscience ne sera plus suffisante pour leur permettre de continuer à exercer leurs missions.
En attendant, il nous reste encore un peu d’énergie. Au Sgen-CFDT nous avons formulé au fil des ans de très nombreuses propositions sur tous ces sujets. Il ne dépend que de vous de vous en saisir et de les écouter.