Apres avoir analysé le dernier plan de déprécarisation, tentons de faire le point sur l'intérêt et les limites de tels dispositifs.
Les pratiques de l’administration
La loi de transformation de la Fonction Publique du 6 aout 2019 augmente les possibilités de recourir à l’emploi contractuel et crée un nouveau type de contrat : le « contrat de projet ».
L’administration reconnait régulièrement que le recours aux contractuels dans la fonction publique est indispensable à la bonne marche du système. Malgré ce constat, elle n’est pas en mesure de leur offrir des perspectives de carrière dignes de ce nom, une rémunération attractive, des conditions de travail qui favorisent leur ancrage dans le service / l’établissement qui les a recrutés.
Le nombre de contractuels est conséquent, notamment dans le secteur de l’enseignement technique et supérieur du ministère de l’agriculture.
L’Histoire montre que l’administration, fréquemment interpellée sur ce sujet par l’ensemble des organisations syndicales, met en place par intermittence des plans massifs de déprécarisation afin de réguler le nombre de contractuels, de leur offrir une sécurité de l’emploi et une perspective de carrière.
Est-ce une politique pertinente de gestion des ressources humaines ?
Ces à-coups permanents interpellent. Ces dispositifs de déprécarisation conjoncturels ne sont-ils pas révélateurs de l’existence d’une faille dans notre système ?
Le Sgen-CFDT propose dans cet article une prise de recul, en dressant le bilan de la dernière grande vague de titularisation par concours réservés qui a été réalisée et en proposant des solutions.
Bilan de la déprécarisation (2012-2018) : un dispositif datant de 2012
La loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ou loi « Sauvadet » a introduit la possibilité de titulariser, par la voie de concours réservés et d’examens professionnalisés, des agents contractuels. Elle a visé à faciliter l’accès au statut de fonctionnaire de ces agents contractuels et à améliorer leurs conditions d’emploi.
Dans la fonction publique, une 1ère phase de mise en œuvre de ce plan dit « de déprécarisation » a été déployée entre 2013 et 2015 avec des conditions d’exigibilité assez restrictives. La loi n°2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a permis de proroger ce dispositif en assouplissant les conditions d’éligibilité. Ce dispositif a été clôturé en Mars 2018.
Au total, 13 corps de fonctionnaires du ministère de l’agriculture ont bénéficié de cette mesure, soit :
- Les catégories C : adjoints techniques de formation et de recherche (ATFR), adjoints techniques des administrations de l’État (AT) et adjoints administratifs des administrations de l’État (AA).
- Les catégorie B : techniciens de formation et de recherche (TFR), techniciens supérieurs du MA (TSMA) et secrétaires administratifs (SA) ;
- Les catégorie A : inspecteurs de santé publique vétérinaire (ISPV), professeurs certifiés de l’enseignement agricole (PCEA), professeurs de lycée professionnel agricole (PLPA), conseillers principaux d’éducation (CPE), ingénieurs d’études (IE), ingénieurs de l’agriculture et de l’environnement (IAE) et attachés d’administration de l’État (AAE).
Un nombre conséquent d’agents contractuels sont devenus titulaires via ce dispositif
Plus de 1 800 agents contractuels du MAA et de ses établissements sous tutelle ont bénéficié de ce plan de déprécarisation au cours des six années de mise en œuvre. Le bilan en quelques chiffres :
- 2013 : 933 postes offerts, 1699 candidats, 852 lauréats
- 2014 : 599 postes offerts, 835 candidats, 382 lauréats
- 2015 : 315 postes offerts, 362 candidats, 139 lauréats
- 2016 : 482 postes offerts, 318 candidats, 200 lauréats
- 2017 :247 postes offerts, 262 candidats, 107 lauréats
- 2018 : 125 postes offerts, 83 candidats, 42 lauréats
Total : 3559 candidats et 1763 lauréats pour 2701 postes offerts
Pour la CFDT, l’effort réalisé a été conséquent. On note que le mouvement de déprécarisation s’est progressivement essoufflé. Il est devenu de moins en moins attractif malgré l’assouplissement relatif du dispositif intervenu en 2016. Pour la CFDT, ce dispositif constituait une opportunité pour les agents concernés.
L’enseignement technique : une baisse progressive du nombre de candidats
Pour les enseignants de l’enseignement technique, l’année 2013 a connu une belle dynamique. Le nombre d’inscrits au concours et de reçus a été important. Les années suivantes, l’engouement a été moindre.
Le désintérêt de certains contractuels pour ce dispositif de titularisation, notamment en raison de la perte de revenu résultant de l’entrée dans certains corps et cadres d’emploi, les contraintes liées au statut (encadrement de carrière, affectation géographique subie…) ont démobilisé malheureusement certains agents contractuels. Quelques jurys semblent avoir été sévères avec des candidats. L’échec a été vécu parfois de façon humiliante. L’attractivité du dispositif s’est estompée.
Pour les agents de la filière administrative, la dynamique a été différente et plus positive. Ils ont été nombreux à se présenter au concours.
L’enseignement supérieur en berne
Pour l’enseignement supérieur, les candidats furent très nombreux à se présenter aux concours mais le nombre de postes offerts était réduit. Les concours furent donc très sélectifs.
Pour la CFDT, l’administration a ouvert trop peu de postes chaque année, en raison des plafonds d’emplois de chacun des Établissements. Demeurés stables, ils ont freiné la possibilité d’ouvrir un nombre important de postes au concours. Durant ces six années, il y a eu une centaine de titularisation, ce qui est insuffisant. 600 contractuels demeuraient éligibles quand ce dispositif a été clôturé. Ce nombre est très important.
L’objectif du plan est-il atteint ?
La CFDT constate donc que l’objectif attendu, la résorption de la précarité, n’a été atteint que dans certains secteurs.
Pour l’enseignement technique et supérieur, le résultat est décevant. En 2020, il y a plus d’ACEN qu’en 2012 ! Si nombre de lauréats ont obtenu une meilleure sécurité de l’emploi et une perspective de carrière plus satisfaisante, le « stock » de contractuels conjoncturellement résorbé par cette loi, s’est rapidement reconstitué dans les secteurs de l’enseignement. La situation des contractuels ne s’est pas améliorée et rien n’a vraiment changé.
Ce que veut le Sgen-CFDT :
Le Sgen-CFDT revendique un dispositif permanent de déprécarisation et la titularisation sans concours sous condition d’ancienneté.
L’organisation ponctuelle et récurrente de plans de déprécarisation montre ses limites : si conjoncturellement ces plans offrent une issue pour le public qu’ils visent, structurellement ils ne touchent pas un système insatisfaisant et producteur d’inégalités et d’insécurités. C’est donc ce système qu’il faut changer.
La mesure proposée par le Sgen-CFDT permettra aux contractuels ayant de l’ancienneté d’accéder au statut de fonctionnaire grâce à une évaluation adaptée qui permette de valider les compétences attendues d’un fonctionnaire.
Enfin, si la fonction publique veut attirer des personnes compétentes, il faut améliorer l’attractivité des métiers. C’est pourquoi il est nécessaire de revoir le décret qui régit le reclassement des contractuels lauréats d’un concours : il est trop compliqué et surtout injuste. La CFDT propose de reprendre 2/3 de l’ancienneté acquise quel que soit le concours présenté et la nature des services effectués.