Notre partenaire Manag'Educ a organisé le 28 septembre à l'assemblée nationale, un colloque réunissant chercheurs, enseignants, personnels de direction, responsables institutionnels qui concluent à l'urgence d'une réforme et d'une ambition nouvelle pour la formation continue.
Un constat partagé : la formation continue est fondamentale pour la
réussite des élèves et l’épanouissement des enseignants.
Comme le rappelle Karine TREMBLAY l’OCDE, et le démontre le classement PISA,
« la qualité d’un système éducatif ne peut pas excéder celle de ses enseignants et chefs d’établissement » et celle–ci « ne peut excéder la qualité de leur formation, de leurs conditions de travail, des opportunités qu’ils ont pour collaborer et continuer à progresser ».
Il existe donc un lien direct entre un système éducatif de qualité, et le temps de formation. En début de carrière, seuls 22% des enseignants se sentent préparés pour enseigner. Cette carence initiale ne fait que se renforcer au cours de la carrière sans accompagnement adéquat. 76% des enseignants déclarent effectuer des tâches pour lesquelles ils auraient besoin de plus de formation, et 83 % des professionnels indiquent ne pas avoir été consultés sur leurs besoins de formation. Malgré ces besoins, les enseignants français ne suivent qu’entre 9 et 18 heures de formation continue par an contre 104 heures en Suède.
Ce qui ressort de l’étude TALIS de l’OCDE c’est bien les freins à la formation continue notamment en France où 45% des enseignants admettent un manque de temps professionnel, 47% une absence d’incitation à y participer, et même pour 40% une inadéquation des formations proposées.
DES FREINS PARFAITEMENT IDENTIFIÉS
Alors que 90 % des enseignants demandent à participer à un module de formation, ils sont trop souvent freinés par l’impossibilité de se faire remplacer dans le 1er degré et dans un dilemme professionnel dans le second degré de ne pas finir le programme. S’inscrire à une formation ne garantit pas la possibilité de pouvoir y participer si la continuité pédagogique ne peut être assurée. Cette rigidité du système est d’autant plus criante lorsqu’un enseignant va être confronté à une situation nouvelle, comme l’accompagnement d’un élève en situation de handicap, pour laquelle il ne se sent pas armé. Le besoin de formation est donc immédiat mais l’obtention relève souvent du parcours du combattant comme l’ont fait remarquer Isabelle FILIPPI, enseignante spécialisée et autrice, et Sylvie PERRON du SGEN-CFDT.
Au-delà des dispositifs institutionnels jugés trop lourds, c’est la culture même de notre approche pédagogique qu’interrogent les experts : le caractère trop descendant, voire envahissant des formations, leur dimension trop théorique, pas assez concrète et donc peu applicables rapidement pour aider les enseignants dans leur quotidien.
Il y a une contradiction entre un empilement de dispositifs qui ne s’incarnent pas dans le quotidien de la profession et des besoins malgré tout très importants et très immédiats.
Pourtant des dispositifs officiels existent. Le réseau Canopé participe à répondre aux demandes et besoins des enseignants, par des formations courtes, en développant de nouveaux formats (notamment numérique) et d’autres qu’il reste à inventer, comme l’a rappelé sa directrice générale Marie-Caroline MISSIR. Il tâche notamment de faciliter l’accès aux formations en répondant aux contraintes de temps, et d’accès géographique.
Faute de pouvoir tous disposer des formations dont ils auraient besoin, et avec les freins qui persistent, les enseignants se tournent vers des dispositifs alternatifs.
DES SOLUTIONS EXISTENT DÉJÀ, ELLES PORTENT LES GRANDES ÉVOLUTIONS NÉCESSAIRES
Les professionnels de l’Education nationale sont des femmes et des hommes de leur temps. Ils se tournent donc très logiquement vers les nouvelles technologies, les réseaux sociaux où se développent des réseaux d’entraide. Blog, compte twitter, vidéos youtube, contenu partagé, offre de module numérique de formation sont autant de ressources adaptées aux besoins des professionnels.
Comme l’ont témoigné les intervenant.es, qu’ils soient directeur-trice d’école ou chef.fe d’établissement, si ces solutions sont plébiscitées, c’est qu’elles recoupent les éléments essentiels à la mise en place d’une formation continue digne :
– L’autonomie : les besoins ne sont pas les mêmes tout le temps et à tout moment. Certains apparaissent brutalement, d’autres sont spécifiques à des territoires, d’autres encore seront rencontrés par l’ensemble des personnels. Il est indispensable que les enseignants puissent faire remonter leurs besoins réels dès qu’ils apparaissent et obtenir une formation adaptée.
– L’agilité : Le renouvellement des formats est un enjeu majeur; les formations offertes aux enseignants doivent davantage se fonder sur les initiatives locales, plus à même de prendre en compte les spécificités des acteurs de terrain concernés. Les solutions alternatives développées offrent toutes les pistes nécessaires.
– La proximité : pour que ces formations collent le mieux aux besoins, il est nécessaire qu’elles soient prises en compte au plus près, par ceux qui sont en contact quotidien avec les enseignants. L’établissement est le lieu adéquat car permettant de définir collectivement avec l’équipe pédagogique les besoins, mais offrant aussi une prise en compte plus rapide par des professionnels qui se connaissent.
– La réactivité : ce besoin de répondre rapidement aux demandes serait la meilleure façon de lever un important frein à la formation continue aussi bien pour ne pas décourager les enseignants qui ne voient parfois pas leurs demandes aboutir ou seulement après plusieurs mois, que pour répondre rapidement aux urgences notamment pour les élèves.
– La coopération : les enseignants expérimentent chaque jour, le fait de parler entre eux de leurs expériences, de partager leurs besoins, leurs conseils, est absolument central pour améliorer sa pratique. C’est d’ailleurs le meilleur moyen de se lancer dans une formation que de constater qu’elle aura été utile à ses collègues. Au Japon, des dispositifs formalisés de coopération sont extrêmement développés (lesson studies).
La mise en place des dispositifs de communautés apprenantes est une réponse qu’il est temps de généraliser et de reconnaître à sa juste valeur.
Tous les intervenants ont confirmé qu’une nécessaire politique ambitieuse de formation continue des personnels nécessitera des moyens.
La France dépense 3 à 5 fois moins que les pays les mieux classés PISA. Selon un dernier rapport du Sénat, la part du budget consacré à la formation continue au sein du budget de l’Éducation national relève de “ 87 euros par enseignant du 1er degré et par an”. Ainsi, il est urgent de se munir d’une vraie politique publique de formation avec un investissement significatif.
Cette question des moyens budgétaires permettra également de répondre à l’enjeu crucial du temps disponible. Sans reconnaissance financière de ces temps de formation comme des temps travaillés, la machine restera grippée.
La formation devra également être reconnue et valorisée.
Il ne s’agit pas uniquement d’un mécanisme d’incitation mais bien de reconnaître l’engagement des personnels. Au Pays de Galles et en Australie, à chaque niveau est associé des compétences différentes et les enseignants formés voient leur rémunération augmenter. Pour finir, il est important de souligner un point sur lequel l’ensemble des
participants sont revenus. Pour être efficaces et suivies, les formations doivent être de réels moments de plaisir où les enseignants s’extraient du sentiment de solitude qu’ils expriment. C’est aussi comme cela que l’on répondra au malaise profond et à la déconsidération ressentie par les professionnels de l’Éducation nationale.
« Nous sommes tous conscients qu’il est temps de s’emparer du
sujet de la formation continue des enseignants, de travailler
ensemble pour proposer une réforme de fond et consacrer les
moyens nécessaires dès le budget 2023.
DES CONSENSUS POSSIBLES ET CONCRETS POUR AVANCER RAPIDEMENT :
Le Sgen-CFDT tout comme notre partenaire qui depuis 10 ans, accompagne enseignants et chefs d’établissement en leur proposant des plateformes de formation continue : EtrePROF (110 000 enseignants membres) et ManagEduc (4500 personnels de direction membres) sont convaincus qu’une école de qualité passera obligatoirement par un soin porté au développement professionnel continu.
Cela suppose de repenser la formation continue pour qu’elle soit décidée et mise en œuvre au plus près des besoins du terrain.
– Libérer des temps de formation sur les heures de travail des enseignants en créant un dispositif de remplacement adapté ;
– Donner de réels moyens aux établissements pour organiser des formations au plus près des besoins du terrain. Cette responsabilité serait pilotée par les chefs d’établissements et directeurs d’école après définition collective des besoins avec l’équipe pédagogique ;
– Créer une ligne budgétaire souple et utilisable directement au niveau des établissements ;
– Mettre à disposition une offre de formation continue simple, accessible et collaborative, notamment grâce aux outils numériques ;
– Valoriser l’investissement des enseignants et de tous les personnels dans des démarches de formation continue formelle ou informelle, dans le cadre de la réflexion sur l’évolution du métier ;
– Garantir la mise à disposition des 500 millions d’euros du fond pour l’innovation pédagogique annoncés dès 2023 et en flécher en direction de la formation continue des enseignants.