Une rentrée 2024 sans ministres mais toujours avec les mêmes problématiques pour la formation et le recrutement des enseignant.e.s. Des réformes structurelles seront nécessaires pour travailler à l'attractivité du métier de professeur.e des écoles.
Les réformes se suivent et les problèmes demeurent
Le recrutement des enseignant.e.s du premier degré répond de moins en moins aux besoins de l’institution : encore 1163 postes non pourvus à la session 2024 du CRPE et le recours aux contractuels est de plus en plus important voire massif dans certains départements (620 contractuels dans les Hauts-de-Seine à la rentrée, soit 7% des enseignant.e.s du premier degré de ce département).
Alors qu’elle devrait répondre à ses propres logiques, la formation initiale ne cesse d’être réformée pour s’adapter aux impératifs de l’employeur :
les étudiants et les stagiaires sont des moyens d’enseignement, les stages en responsabilité sont de plus en plus lourds et les visites qui les encadrent sont plus évaluatives que formatives.
Des réformes qui ne répondent pas aux enjeux
La place des concours est constamment modifiée pour répondre à la double contrainte d’assurer un vivier de recrutements suffisant et de trouver une réponse enfin satisfaisante à une formation désormais portée par l’université au niveau master depuis 2010.
Encore l’année dernière, une quatrième réforme de la formation initiale en moins de 15 ans prévoyait de créer une licence « professorat des écoles » et de replacer les concours (sauf agrégation) en fin de L3 pour titulariser les stagiaires à bac +5 après deux ans de formation rémunérée au sein d’un nouveau master enseignant.
C’était sans compter le blocage de Bercy pour s’opposer au statut de fonctionnaire-stagiaires, et de la rémunération inhérente, pour les lauréat.e.s en M1.
La dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le Président de la République puis la démission du gouvernement achevait une année rocambolesque. Exit en juillet la réforme pour la rentrée 2024 et on ne sait pas ce qui se tramera pour la rentrée 2025.
En attendant, le schéma de formation initiale est de plus en plus incompréhensible et le service public d’éducation continue à souffrir, en particulier dans le premier degré.
Le cercle vicieux
La pénurie d’enseignant.e.s déstabilise une mécanique jusqu’alors bien rodée mais qui s’est grippée depuis plusieurs années.
La valse « recrutement-affectation-mouvement » qui a longtemps rythmé le parcours professionnel des enseignant.e.s ne tourne plus rond :
- Faute de candidat.e.s en nombre suffisant, les concours sont de moins en moins sélectifs et le nombre de postes dépasse même le nombre de candidat.e.s dans certaines académie (Créteil, Versailles, Guyane, Mayotte).
- La formation initiale du premier degré, souvent remise en cause depuis la fin des écoles normales en 1990, affronte de plein fouet la précarisation des stagiaires.
- Les affectations répondent plus aux besoins de service qu’au choix des néo-titulaires et un nombre croissant de postes sont bloqués au mouvement pour faciliter le recrutement de contractuels. Dans certains endroits, l’entrée dans le métier relève plus du sacerdoce que de la vocation, si tant est qu’on puisse encore croire que professeur.e des écoles n’est pas un métier qui s’apprend.
- Le manque d’enseignant.e.s, et par conséquent de remplaçant.e.s, impacte aussi la formation continue, programmée toujours un peu plus, sur des temps hors face à face élève.
- Le manque d’enseignant.e.s contraint des départements à compliquer les mutations et des enseignant.e.s, en nombre modeste mais symptomatique, préfèrent démissionner pour intégrer comme contractuel.le.s l’académie de leur vœu quand ils ou elles ne renoncent pas tout bonnement à la carrière.
Travailler à l’attractivité du métier
Reconstruire le cercle vertueux nécessitera de travailler véritablement à la cause du problème : l’attractivité du métier d’enseignant.e.
Quatre facteurs ont été parfaitement identifiés :
- la rémunération,
- la qualité de travail,
- les affectations,
- les perspectives professionnelles.
Une rémunération insuffisante, des qualités de travail dégradées, des affectations contrariées et des perspectives professionnelles limitées ne poussent pas suffisamment d’étudiant.e.s à choisir le métier d’enseignant.e.
Ce problème ne touche pas que la France et l’ONU a même rendu un rapport sur le sujet.
Paradoxalement, en particulier dans le premier degré, le nombre de reconversions professionnelles est important. Mais le métier de professeur.e des écoles, qui reste majoritairement exercé par des femmes, s’avère finalement trop contraignant quand l’affectation est jugée trop éloignée du domicile familial et que le salaire, quand il est inférieur au métier exercé précédemment, n’apporte pas suffisamment de satisfaction professionnelle.
En 2022, les enseignants manifestaient un niveau de satisfaction inférieur à celui des Français titulaires d’un master ou d’un doctorat, c’est-à-dire d’un niveau de diplôme comparable.
Surtout, leur satisfaction professionnelle était plus faible que celle de la population française en moyenne, et leur vision de l’avenir plus pessimiste. C’est en matière de rémunération et de niveau de vie que le déficit de satisfaction est le plus fort.
Des efforts limités
Des efforts ont été entrepris sur la rémunération des enseignant.e.s :
- hausse de la valeur du point d’indice (+ 1,5 % depuis le 1er juillet 2023, la valeur mensuelle du point d’indice s’élève maintenant à 4,92 €),
- doublement des primes statutaires (indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves – Isae – versée aux enseignants du 1er degré),
- revalorisation de la prime d’attractivité en début de carrière, …
Tous les professeurs titulaires commenceront désormais leur carrière avec une rémunération supérieure à 2 000 € nets par mois. Quand le recrutement s’effectue au niveau master depuis 2010, cela reste insuffisant. Et les mesures de revalorisation dans l’Éducation nationale ont aussi coïncidé avec une forte augmentation de l’inflation : 5,2% en 2022, 4,9% en 2023.
Vers un nouveau fonctionnement de l’école ?
Le travail enseignant dans le premier degré fait face à des évolutions très fortes : intensification du travail administratif, renforcement des relations avec les familles, intégration des enfants en situation de handicap, poids exponentiel de l’évaluation, etc.
Les missions des directrices et des directeurs d’école ont évolué et sont mieux reconnues.
Mais c’est l’ensemble du métier de professeur.e des écoles qui nécessiterait d’être réinterrogé. La notion même de « polyvalence », terme polysémique et protéiforme est de plus en plus remis en question.
Il faudra du temps pour répondre structurellement aux mutations du métier et aux nouvelles attentes des collègues. La CFDT Éducation Formation Recherche publiques, comme à chaque fois, prendra ses responsabilités et ne passera pas à côté de cette transformation indispensable à la construction de l’école du 21e siècle. |