Lors de la conférence de presse de rentrée du ministre, la priorité affichée de vouloir diminuer les heures de cours "perdues", a provoqué une vive réaction des formateurs académiques.
Envisager de positionner la formation hors temps scolaire des personnels méconnait le travail des formateurs académiques. Ceux-ci sont des acteurs engagés dans la formation de leurs collègues. Ils ont pour cela passé une Certification d’Aptitude aux Fonctions de Formateur Académique (2 ans de préparation). Ils sont avant tout des enseignants, pour certains en partie déchargés de cours pour pouvoir assurer des formations auprès de leurs collègues. Former sur le temps scolaire fait partie de leur choix d’être formateur.
Des formateurs mis au pied du mur
Ces formateurs/trices n’ont été informés, comme les enseignants, que par la conférence de presse de rentrée du Ministre. Cette nouvelle directive demande qu’« à la rentrée 2024, plus aucun élève ne soit privé de son professeur en raison d’une formation », celle-ci devra être réalisée hors temps de face-à-face pédagogique.
Cette année, c’est près de la moitié des formations qui devrait passer hors temps scolaire. Et si elles ne sont pas obligatoires pour les enseignants, elles ne peuvent avoir lieu sans les formateurs. Ces derniers n’ont d’autres choix que de proposer tout ou partie de leurs formations hors temps de face-à-face pédagogique.
La compensation financière proposée est minime et variable d’une académie à l’autre. Et dans certaines académies, elle tient parfois du chantage : rémunération supplémentaire seulement si toutes leurs formations passent pendant les vacances scolaires.
La formation hors temps scolaire ne satisfait pas les formateurs
Prévenus en septembre pour des formations se déroulant parfois dès octobre, les formateurs doivent retravailler leurs formations. Les nouvelles modalités d’organisation ne correspondent plus au format initialement envisagé. Une formation prévue sur deux jours en présentiel ne peut être conçue de la même façon si elle doit se dérouler en trois fois deux heures en distanciel. C’est tout un contenu qui doit être revu ! Lire à ce sujet les exigences faites aux formateurs à Versailles.
D’autre part, les formateurs insistent sur l’importance pour les enseignants de se rencontrer au cours de ces formations pour pouvoir échanger et s’approprier les contenus, ce que ne permet pas la visioconférence, forcément très descendante.
Des conditions de travail qui se dégradent
Les formateurs qui devront, en plus de leur travail d’enseignant, consacrer une partie de leurs soirées et de leurs vacances à assurer des formations, vont voir leur charge de travail, et la fatigue qui va de pair, profondément augmenter.
Quant à leur vie privée, elle va parfois nécessiter une réorganisation. Certains vont devoir faire garder leurs enfants, ce qui représente une charge financière non négligeable. D’autres, qui travaillent dans une académie éloignée de celle où vit leur famille, profitent de ces congés pour rentrer chez eux et vont devoir se priver d’une partie de ces moments importants.
Devant cette nouvelle organisation, nombreux sont les formateurs à s’interroger sur leur volonté de poursuivre l’an prochain. Une pétition circule, « nous, formateurs, ne formerons plus… », qui a recueilli, à ce jour, plus de 5180 signatures.
Un droit à la formation qui se réduit à peau de chagrin
Déjà, à l’approche des vacances de la Toussaint, et même s’il est difficile d’obtenir des chiffres précis, on sait que certaines académies annulent une grande partie des formations prévues. Cette réduction de la formation des personnels vient, d’une part, de l’absence de formateurs volontaires et, d’autre part, de l’absence d’enseignants volontaires pour se former hors temps de travail.
Les enseignants français étaient déjà parmi ceux qui bénéficiaient du moins de temps de formation continue par an en Europe avec seulement 1,5 jour en moyenne. Ce chiffre risque bien de baisser encore. Qui, dans le secteur privé, accepterait de se former sur ses soirées, weekend ou congés ?!!
Encore une fois, une annonce ministérielle sans concertation ni préparation va mettre en péril un système déjà fragile.
Le Sgen-CFDT revendique
- Un droit à la formation régulier pour tous les personnels, inscrit dans son temps de travail : c’est par des personnels bien formés et non par des procédures et des notes de service que la qualité du service rendu s’améliorera.
- Des missions clarifiées, quantifiées et anticipées pour les formateurs, formalisées dans des lettres de missions pluriannuelles. Ceci, afin d’éviter des modifications incessantes.
- La reconnaissance financière par des IMP en décharge si l’agent le souhaite.
- Une confiance aux équipes pour tendre vers un objectif politique (diminuer le nombre de cours non assurés) avec des modalités variées et laissées à la main des acteurs eux-mêmes.