Le texte instituant la formation spécialisée pour les enseignants-chercheurs de statut universitaire qui doit remplacer le CTU a reçu un double vote négatif en CTMESRI. De quoi s’interroger sur la volonté du ministère quant au maintien de cette instance de dialogue social.
Le comité social d’administration (CSA) du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) et sa formation spécialisée pour les enseignants-chercheurs, remplaceront à compter de décembre 2022, le Comité technique ministériel (CTMESRI) et le Comité technique des personnels titulaires et stagiaires de statut universitaire (CTU).
Cette évolution des instances de dialogue social découle de la mise en application de la loi de Transformation de la Fonction publique (LTFP) n°2019-828 du 6 août 2019.
Double vote négatif à l’unanimité du CTMESRI
Le projet de décret soumis à l’avis du CTMESRI du 16 septembre 2021 précise les règles de composition et de fonctionnement de la formation spécialisée pour les enseignants-chercheurs. Il a été rejeté à l’unanimité des organisations syndicales présentes. Représenté le 29 septembre, le texte a été rejeté à nouveau à l’unanimité.
La formation spécialisée pour les enseignants-chercheurs (EC) est censée reprendre les compétences et prérogatives de l’actuel CTU malgré un mode de désignation très différent. Si l’élection au CTU procédait jusqu’alors d’un scrutin direct qui ne concernait que les EC (scrutin de liste avec collège unique, élection à la proportionnelle sans panachage), la désignation des futurs membres de la formation spécialisée procèdera d’une nomination par les organisations syndicales en fonction du nombre de voix qu’elles auront obtenues à l’élection au CSA parmi les seuls maîtres de conférences, professeurs des universités et des assistants de l’enseignement supérieur.
Toutefois, l’analyse du projet de décret fait apparaître certaines réserves qui interrogent sur la volonté du ministère quant au maintien des principales prérogatives de cette instance.
Chat échaudé craint l’eau froide !
Le Sgen-CFDT a proposé 3 amendements de fond visant à garantir aux enseignants-chercheurs qu’ils continueront d’être associés à toute discussion ayant pour objet l’élaboration ou la modification des règles statutaires qui les régissent. Et ce, d’autant plus que le CTU s’est récemment vu priver de cette possibilité concernant l’examen d’un certains nombre de dispositions découlant de la Loi de programmation Recherche (LPR). Pour un rappel, se référer aux articles écrits à l’époque comme par exemple ici.
Les amendements déposés et défendus par le Sgen-CFDT
Amendement n°1 : exclusivement n’est pas uniquement
Concernant les compétences de la formation spécialisée, le texte prévoyait qu’elle serait « uniquement » compétente pour l’élaboration ou la modification des règles statutaires relatives aux EC régis par le décret n°84-431 du 6 juin 1984 alors qu’en ces matières, le CTU était « exclusivement » compétent. Les deux termes ne sauraient être considérés comme synonymes en droit.
Motivation
L’article L.952-2-2 du Code de l’Éducation dispose que la formation spécialisée du CSA MESRI est exclusivement compétente pour l’élaboration ou la modification des règles statutaires relatives aux enseignants-chercheurs de statut universitaire et aux assistants de l’enseignement supérieur.
Cette disposition législative qui donne une compétence exclusive à ladite formation spécialisée par dérogation à l’article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, précise que le comité social d’administration du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche n’est pas compétent en ces matières.
Cela signifie que cette formation spécialisée n’est pas « uniquement » compétente mais SEULE compétente en matière d’élaboration ou de modification des règles statutaires relatives aux enseignants-chercheurs de statut universitaire et aux assistants de l’enseignement supérieur.
Il convient par conséquent de remplacer le mot « uniquement » par le mot « exclusivement » pour mise en conformité avec la disposition législative correspondante.
Amendement n°2 : pourquoi priver les EC d’une possibilité de consultation qui existe ?
Le texte, tel qu’il est rédigé, supprime la possibilité de consulter la formation spécialisée quand la consultation du Conseil supérieur de la Fonction publique (CSFPE) est obligatoire. En quelque sorte, la consultation du CSFPE écraserait systématiquement celle de la formation spécialisée alors que cette possibilité de double consultation est réglementairement prévue dès lors que le texte examiné la mentionne.
Pourquoi priver les enseignants-chercheurs de consultation alors qu’ils sont censés bénéficier du principe d’indépendance ?
Le Sgen-CFDT a donc proposé de supprimer l’alinéa qui priverait la formation spécialisée de cette possibilité de consultation.
Par dérogation au dixième alinéa du I de l’article 2 du décret du 16 février 2012 susvisé, la consultation du conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat, lorsqu’elle est obligatoire en application des dispositions du même décret ou de toute autre disposition législative ou réglementaire, remplace celle de la formation spécialisée du comité social d’administration ministériel.
Motivation
Le dixième alinéa du I de l’article 2 du décret du 16 février 2012 prévoit que la consultation du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, lorsqu’elle est obligatoire en application des dispositions du présent décret ou de toute autre disposition législative ou réglementaire, remplace celle du ou des comités techniques compétents, sauf si la consultation de l’un et l’autre de ces deux types d’organismes consultatifs est expressément prévue dans le même texte.
La formation spécialisée du CSA MESRI étant exclusivement compétente pour l’élaboration ou la modification des règles statutaires relatives aux enseignants-chercheurs de statut universitaire et aux assistants de l’enseignement supérieur, il n’y a pas lieu de déroger à sa consultation dès lors que le texte examiné prévoit expressément cette possibilité conformément au 10ème alinéa du I de l’article 2 du décret du 16 février 2012.
Amendement n°3 : prévoir expressément le maintien de cette possibilité dans tout texte relatif aux statuts
Par conséquent, le Sgen-CFDT souhaitait ajouter l’alinéa suivant :
La formation spécialisée des enseignants-chercheurs de statut universitaire titulaires et stagiaires et des assistants de l’Enseignement supérieur est obligatoirement consultée pour avis sur tout texte relatif à l’élaboration ou à la modification des règles statutaires qui les concernent. Tout texte relatif à l’élaboration ou à la modification de ces règles statutaires prévoit expressément la consultation de la formation spécialisée du CSA MESRI.
Motivation
Il s’agissait d’un amendement de mise en cohérence visant à respecter la disposition législative qui donne compétence exclusive à la formation spécialisée en matière d’élaboration et de modification des règles statutaires relatives aux enseignants-chercheurs de statut universitaire et aux assistants de l’enseignement supérieur. La consultation obligatoire de la formation spécialisée est une condition du respect du principe d’indépendance des personnels de statut universitaire.
Sur ces trois amendements, seul le premier a finalement été retenu par l’administration qui a modifié son texte suite aux arguments que nous avons avancés le 16 septembre.
Cela étant dit, dans sa motivation, elle est restée campée sur son interprétation originelle et n’a pas voulu accepter l’ensemble de nos amendements qui fonctionnent pourtant en parfaite cohérence.