Quel est l’impact attendu de la fusion des écoles agronomiques de Rennes-Angers et Montpellier sur leur offre de formation-recherche-innovation ?
Les critères d’une école de recherche intensive
L’école cible issue de la fusion entre AgroCampus Ouest (ACO) et Montpelier Supagro (MSA) peut-elle satisfaire les critères qui définissent une école de recherche intensive ?
Les rapports HCERES de la dernière campagne d’évaluation (en 2014) des deux écoles recensent l’existence de 33 Unités Mixtes de Recherche – UMR – (20 à MSA sur 22 UR, et 11 + 1 unité associée sous contrat avec l’INRA à ACO sur 14 UR – en 2014).
Le ratio nombre d’Enseignants-Chercheurs (EC) par UMR est de 6,8, témoigne d’une extrême dispersion des effectifs des EC au sein de laboratoires de recherche de petite taille. L’HCERES relève que cette situation s’accompagne d’une faible présence des EC dans le management des thématiques et des unités de recherche des écoles (prééminence de l’INRA), et en corollaire, elle note une faible présence des chercheurs de l’INRA dans l’enseignement professionnel.
Les conditions de formation des doctorants
Le comité de visite HCERES a par ailleurs étudié les conditions de formation des doctorants. Les rapports évaluent à 456 le nombre de doctorants (231 à MSA et 125 à ACO en 2014) pour 225 EC (87 dont 45 HDR à MSA et 138 dont 68 HDR à ACO en 2014). Le ratio nombre de doctorants par EC est de 2,02 (4,03 doctorants par EC HDR), ce qui est incompatible avec l’encadrement à titre principal des thèses. Constatant que 40% des thèses de MSA étaient réalisées dans le cadre de cotutelles, le comité de visite a attiré l’attention de l’établissement sur « le problème d’abandon ou de durée trop longue qui est en effet récurrent lorsque ces thèses ne rentrent pas dans le cadre de partenariats institutionnels internationaux ou que leurs soutiens financiers sont insuffisants ».
Équilibre entre recherche et enseignement
Les EC surinvestissent l’enseignement professionnel (« vocationnal training« ) ce qui contribue au maintien de la qualité des filières identitaires des écoles, mais affaiblit, dans le même temps, les thématiques de recherche propres aux écoles. Le comité HCERES note par exemple qu’à MSA les EC assurent en moyenne plus de 50h équivalent travaux dirigés complémentaires, en sus de leurs obligations de services.
Cette division du travail fait écran à l’affirmation d’une identité recherche et innovation des écoles et au transfert direct des connaissances de leurs laboratoires vers les étudiants. Le développement des capacités de recherche des établissements, suppose un développement des effectifs, mais aussi un ré-équilibrage des responsabilités entre EC et chercheurs au sein du pilotage des équipes/laboratoires de recherche et des équipes d’enseignement.
L’importance des i-sites
A ce stade, les deux écoles restent très éloignées des standards sur lesquels sont alignés leurs principaux compétiteurs internationaux. Une fusion administrative des deux établissements n’apporterait aucun effet de levier, aucune marge de développement supplémentaire.
Le seul moyen d’évoluer vers les standards d’une université de recherche intensive est d’adopter la stratégie retenue par APT. L’i-site MUSE est, en effet, un outil pertinent pour faire émerger à Montpellier une université intégrée (au sens de l’ordonnance n°2018-1131) qui soit reconnue internationalement pour son impact dans les domaines de l’agriculture, de l’environnement et de la santé. Pour renforcer le poids des thématiques agronomiques de l’i-site, il conviendrait néanmoins que l’institut issu de la fusion INRA-IRSTEA, le CIRAD et l’IRD s’investissent aux côtés de MSA dans la politique du site.
L’importance d’une implantation locale
Un retrait des écoles et/ou une absence de l’INRA-IRSTEA du pilotage des politiques de site, à Montpellier et à Rennes-Angers, fragiliserait l’offre de formation-recherche-innovation en agronomie.
Il conduirait, par exemple, à un recentrage des masters et des doctorats des sites sur les équipes universitaires, ce qui fragiliserait en retour les UMR Écoles-INRA en asséchant le recrutement des meilleurs étudiants issus de l’université. Par ailleurs, la mise en place des actions associées au Programme Investissement d’Avenir (i-sites, EUR-Écoles Universitaires de Recherche, 3 IA-Instituts Interdisciplinaires d’Intelligence Artificielle, etc.), pourraient rapidement reléguer lesÉcoles et l’INRA dans une seconde couronne.
L’INRA n’a pas souhaité entrer dans les ComUE à leur création (à l’exception de l’Université-Paris-Saclay), nous souhaitons que cette décision soit réexaminée par la direction de l’Institut et à terme par celle de l’Institut issue de la fusion INRA-IRSTEA.