Le Sgen-CFDT fait le point sur l'intérêt et les limites des fusions réalisées et futures dans l'enseignement supérieur et la recherche agronomique et vétérinaire.
Fusions en perspective pour les écoles de l’enseignement supérieur et la recherche agronomique et vétérinaire .
La CFDT est intervenue dans les instances réunissant les représentant.es des personnels de l’enseignement supérieur ( le CNESERAAV – conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire) et le CNESER (conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche) pour exprimer ses doutes et ses inquiétudes relatifs au projets de fusion/ rapprochement des principales écoles d’enseignement supérieur d’agronomie (intégration d’AgroParisTech (APT) à l’Université Paris-Saclay, fusion d’Agrocampus-Ouest (ACO) avec MontpellierSupAgro (MSA) pour créer « l’Institut Agro » au premier janvier 2020).
Tout n’est pas négatif dans ce projet…
Tout n’est cependant pas négatif dans ce projet. On peut supposer que l’union des trois écoles (ACO, ASD, MSA) va les rendre plus visibles sur le plan national, européen et international. On peut aussi supposer qu’APT une fois basée à Saclay va bénéficier des retombées positives que générera ce cluster de rang mondial. Les étudiant.es seront titulaires d’un diplôme mieux reconnu et d’une future carte de visite qui pourrait leur ouvrir plus de portes. On peut imaginer qu’à terme, l’offre de formation de ces écoles soit améliorée. La mise en commun de certains services et de certains moyens pourrait éventuellement donner plus de force au nouvel ensemble. Encore faut-il que cette nouvelle structure fonctionne correctement. Le Sgen-CFDT suivra la construction de ce grand ensemble pour apporter sa contribution à cet édifice inédit. Il sera une force de propositions exigeante et critique.
Vers des écoles déconnectées de leur territoire ?
Aujourd’hui, l’ensemble des acteurs admet qu’un changement global de modèle de développement se profile. L’humanité affronte de nombreux défis depuis la fin du siècle dernier : explosion démographique, population vieillissante des pays riches, urbanisation croissante, dérèglement climatique, etc. Elle va devoir trouver des réponses innovantes face à ces défis. Cette demande d’innovations pose nécessairement la question d’une actualisation de l’organisation de l’enseignement et de la recherche notamment agronomique. Le développement d’écoles susceptibles d’affronter ces enjeux environnementaux et sociétaux suppose une amplification de l’effort de recherche et la mise en œuvre de profondes innovations pédagogiques, techniques et technologiques.
Pour renforcer leur capacité d’innovation, l’enseignement supérieur et la recherche agronomique doivent s’insérer activement dans des réseaux internationaux comprenant des universités, des instituts de recherche et des entreprises. Il est essentiel que les écoles soient impliquées dans l’émergence en cours de grands pôles universitaires engagés sur les thématiques agronomiques, alimentaires et vétérinaires, à l’image de ce qui existe à l’étranger, tout en maintenant des relations privilégiées avec les entreprises de leur secteur d’activité et les responsables politiques de leur territoire.
Des projets qui posent beaucoup de questions
L’intégration d’APT à l’Université Paris-Saclay est conforme à cette stratégie et va dans le bon sens même si les conditions matérielles du déménagement vers le Plateau de Saclay ne sont pas toutes acceptables pour les agents concernés.
La fusion effective en 2020 entre ACO et MSA puis en 2021 avec AgroSupDijon (ASD) suit une autre logique. La direction générale de ce nouvel établissement est basée à Paris, loin de la vie quotidienne des étudiant.es, des enseignant.es et des chercheur.es. Les écoles internes sont situées dans des territoires différents et éloignées les unes des autres de plusieurs centaines de kilomètres. Le schéma organisationnel de cet ensemble est atypique. L’expérience a montré que généralement le montage de ce type de structure fragilise les établissements constitutifs. Le mouvement actuel de concentration dans l’enseignement supérieur se fait plutôt en privilégiant les coopérations territoriales et régionales.
Il aurait fallu faire un bilan des fusions passées et traiter la question des coopérations territoriales avant de se précipiter dans une nouvelle vague de fusion.
Elle est programmée sans que ces questions aient été traitées et sans vision prospective partagée. Il aurait peut-être été utile d’organiser au préalable une grande consultation ou des états généraux du sup afin de poser les vraies questions et d’y apporter les réponses adaptées. Est-on à la hauteur de l’enjeu ? Pourquoi une école (APT) rejoint-elle une COMUE alors que trois autres se regroupent ? Va-t-on fusionner les écoles vétérinaires ? Au-delà, quel avenir pour les huit autres écoles ? Ces fusions apportent-elles une solution ? Pour le Sgen-CFDT, la réponse est non ! Pourquoi ne pas avoir envisagé plusieurs scénarios afin que soit identifiés les atouts et les contraintes propres à chacun. Le projet est ici descendant et échappe en grande partie aux acteurs de terrain, ce qui est problématique.
Un calendrier précipité
Compte-tenu de la complexité des enjeux, la méthode de travail et le calendrier retenus par le ministère de l’agriculture ne peuvent susciter que du scepticisme et l’inquiétude des personnels. La CFDT aurait préféré que ces projets se fassent en prenant le temps d’associer pleinement les professionnels, les collectivités territoriales, les enseignant.es-chercheur.es, les personnels, les étudiant.es, les autres acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche. Rien ne justifie la précipitation dans laquelle ces projets ont été conduits.
Ce que veut le Sgen-CFDT
Le Sgen-CFDT demande dans un premier temps à ce que les personnels concernés soient régulièrement informés des évolutions et des projets à venir. Il demande que les réorganisations futures de service se fassent en pleine concertation. Il faut rassurer les agents et les accompagner (par de la formation, par la réalisation de bilans de compétences et de la VAE…) en mobilisant pleinement les services ressources humaines de proximité. Pour accompagner ces restructurations, la mise en place d’outils d’accompagnement des transformations paraît indispensable, non seulement pour réduire les risques de mal-être au travail, mais aussi pour associer les personnels et les étudiant.es à la construction d’une organisation nouvelle. Sans dialogue ni co-construction avec les acteurs, la réorganisation de ces écoles risque de se heurter à de fortes résistances internes et conduire à une dégradation du service rendu[1].
La CFDT et le Sgen-CFDT, première organisation syndicale dans l’enseignement agricole supérieur et la recherche, fortement attachés à une organisation décentralisée, ne souhaitent pas que ce futur regroupement national nuise à l’implantation locale des écoles agronomiques d’enseignement supérieur. Le Sgen-CFDT continuera à intervenir dans ce sens.
[1] Les agents ont déjà subi, il y a dix ans, une première vague de fusion. Elle a généré des effets dont la portée peine à convaincre. Pour la cour des comptes (rapport 2016) : « le processus mis en œuvre pour répondre aux objectifs fixés par le ministre de l’agriculture a consisté à procéder à des fusions d’établissements, dont les finalités n’étaient pas clairement définies, sinon celle d’éviter une perte de spécificité et de conserver la tutelle sur ces établissements (I). À l’issue de ce processus, il ne s’avère qu’aucun des objectifs ministériels n’a été atteint : il ne s’est pas dégagé de synergie entre l’enseignement supérieur et l’enseignement technique ; l’adaptation des formations aux nouveaux standards n’a pas été accélérée ; l’exercice de la tutelle par le ministère n’a pas été dynamisé. La réforme se résume à une opération de concentration administrative qui n’a pas corrigé la dispersion des implantations, ni rendu l’ensemble plus cohérent ».