Handicap et travail : quels sont les droits, les dispositifs existants ?
Pour les collègues concerné·e·s, c’est souvent un vrai parcours du combattant. Le Sgen-CFDT leur donne la parole.
Un extrait du témoignage de Natacha a paru dans le no 282 – Novembre-décembre 2021 de Profession Éducation, le magazine du Sgen-CFDT.
Peux-tu te présenter ?
J’ai été professeure des écoles (PE) pendant 23 ans, puis j’ai été mise à disposition à Canopé et détachée au Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous). Actuellement je suis en congé de longue maladie, avec une reprise programmée à mi-temps thérapeutique. J’ai une maladie génétique, orpheline et invisible qui provoque une immense fatigue, pour laquelle, actuellement, il n’existe pas vraiment de traitement.
Peux-tu nous détailler ton parcours professionnel depuis que s’est développé ce handicap ?
Au cours de ma carrière de PE, je n’ai pas forcément été ménagée par la direction des services départementaux de l’Éducation nationale (DSDEN) : des postes loin de chez moi et des classes à double niveau avec 30 élèves qui ont induit une fatigue professionnelle, et entraîné des rechutes.
De manière générale, j’ai connu beaucoup de difficultés avec la cellule mobilité-carrière : les propositions qui m’ont été faites correspondaient à un déclassement, à de la mobilité forcée. Je pense qu’il n’y a pas assez de personnels dans le service des ressources humaines (RH) de l’académie de Versailles – pourtant la plus importante académie de France !
J’ai trouvé seule un poste à Canopé, dans les RH, au moment où la fermeture était envisagée. Personne n’en voulait.
Je me suis dit que s’occuper des compétences des personnels, c’est comme s’occuper des compétences des élèves. En tant que personnel handicapé, on voit les choses autrement, on comprend beaucoup mieux les besoins d’adaptation. J’avais besoin d’aider les gens, de faire de ma faiblesse une force. Quand on a vécu dans notre chaire la maladie, le handicap, on développe une sensibilité accrue et on remarque des choses que les autres ne voient pas.
J’avais besoin d’aider les gens, de faire de ma faiblesse une force.
De plus, quand on est « maîtresse d’école », on cherche des solutions tout le temps et on sait convaincre (les élèves, les parents…)…
Grâce à une année de formation dans un Institut de préparation à l’administration générale (Ipag) pour devenir attachée, j’ai pu acquérir de nombreuses compétences en RH : j’ai donc travaillé sur le dossier des contractuels, l’action sociale et finalement sur le pilotage de la masse salariale. À Canopé, tout le monde m’a fait confiance.
Il y a eu un aménagement de poste à l’interne et ma hiérarchie a été bienveillante, c’est-à-dire qu’elle a eu l’intelligence de comprendre les signes du handicap et a appliqué les préconisations du médecin de prévention : du télétravail le jour des soins et des demi-heures régulières de pause. Malheureusement, suite à la pandémie, Canopé n’a pas pu me garder car je dois poursuivre mon reclassement.
Devoir se battre pour travailler alors qu’on en a les compétences, c’est une double peine.
J’ai ensuite retrouvé un poste au Cnous, mais cela ne s’est pas bien passé. Le piège du handicap invisible, parfois, c’est qu’on ne te croit pas et qu’on ne te prend pas au sérieux. Je veux juste travailler, devoir se battre pour travailler alors qu’on en a les compétences, c’est une double peine.
Quel est ton ressenti au final par rapport à ce parcours de porteur de handicap ?
Rien n’est simple. Par exemple, n’étant plus professeure des écoles en poste, je n’ai plus accès à l’application Gaia * pour pouvoir suivre la formation des RH de proximité – poste qui pourrait très bien me convenir. Je n’ai pas les propositions de postes faites aux personnels en fonction, donc je ne peux pas postuler, sauf pour ceux publiés sur le site de la bourse interministérielle de l’emploi public (BIEP). La priorité de bénéficiaire à l’obligation d’emploi ne peut donc être appliquée.
C’est parce qu’on a les compétences que notre statut de travailleur handicapé devient un atout pour l’équipe
Ce n’est pas parce qu’on est travailleur handicapé qu’on demande des passes-droits pour accéder à certaines fonctions, mais c’est parce qu’on a les compétences que notre statut de travailleur handicapé devient un atout pour l’équipe, et de manière générale pour l’administration quand on accède à des fonctions d’encadrement, comme les fonctions RH par exemple. Notre regard différent est sans aucun doute un plus pour nos métiers, pour nos équipes et pour l’institution.
* Gestion académique informatisée des actions de formation.
Illustrations
Portrait DR
Sisyphe © Schäferle / Pixabay