Tous les ans, des adolescent.es subissent le harcèlement de leurs camarades, certain.es en souffrent au point de commettre l’irréparable. En 2023, Lucas et Lindsay, notamment, ont mis fin à leurs jours. Cette rentrée 2023 est endeuillée par de nouveaux décès d'adolescents.
Au-delà du drame qui bouleverse les familles victimes du harcèlement, les personnels aussi sont touchés.
Le harcèlement tue encore
Article publié le 13 juin, l’actualité de ce mois de septembre lui donne une nouvelle résonance
Le ministère avait pourtant apporté une réponse juridique en promulguant la Loi sur le Harcèlement scolaire. Alors même que le programme PHARE a été instauré, que des ressources existent (fiches outil Eduscol), la pression exercée sur certain.es élèves par leurs pairs devient si forte qu’elle en pousse certain.es au suicide. Du côté des acteurs, beaucoup semblent démunis, tout comme de nombreux parents qui avouent parfois en entretien « ne pas avoir vu le coup venir ».
Le déplacement du harceleur annoncé en mars par le Ministre et confirmé en juin par la Première Ministre peut être une réponse, mais ce n’est pas la seule en raison du fait que la frontière entre harceleur et harcelé est ténue et que le harceleur devient parfois harcelé et vice versa.
Malgré les alertes et les mobilisations de collectifs, la question du harcèlement à l’École demeure plus que jamais d’actualité.
Une problématique complexe
La publication de la loi sur le harcèlement scolaire aura permis, dans une certaine mesure, la libération de la parole des victimes et celles de leurs parents.
Les personnels, au premier rang desquels, les enseignants, les AED, les CPE, les personnels de santé et les travailleurs sociaux, reçoivent régulièrement en entretien des parents d’élèves, des élèves victimes de faits de harcèlement. Ce qui était encore largement laissé sous silence hier est porté aujourd’hui à la connaissance des personnels.
Pour autant, cette parole entendue peine souvent à déclencher les réponses légitimement attendues par les intéressé.e.s avec, à la clé, une aggravation de la situation faute de réponse adaptée.
L’arrivée des téléphones portables et des réseaux sociaux a par ailleurs amplifié la situation en servant à la fois de vitrine et de caisse de résonance. Que ce soit Facebook, Instagram, Tiktok, le relayage médiatique d’actes de harcèlement accroît davantage la souffrance subie par la victime en générant en elle le sentiment d’être cernée de toutes parts et de ne pas pouvoir en sortir.
Quid de la formation des personnels à ce sujet ?
Certes, les ressources existent ainsi que le cadre réglementaire, mais au-delà des ambitions affichées sur l’ensemble du territoire national, il n’existe pas de formation ni de sensibilisation des personnels sauf dans quelques académies. La mise en place du programme Phare est ainsi restée sans suite en l’absence de mise en place de formation des personnels à l’exception des rares académies où les équipes de formateurs/trices interviennent auprès des collègues.
Cette absence touche tout aussi bien l’enseignement primaire, secondaire que l’université (hormis les personnels médico-sociaux), et notamment les équipes de Vie Scolaire (AED et CPE) qui sont pourtant en première ligne. Les personnels de direction sont tout autant démunis. Quant aux collègues enseignants, leur formation initiale et continue révèle une absence quasi totale de connaissances relatives à la psychologie des enfants (PE) et de celle des adolescents (PLC, PLP).
Le Sgen-CFDT a proposé un ensemble de préconisations issues de consultations consultables sur notre site : Violences sexuelles sur mineurs et Harcèlement à l’Ecole.
Plusieurs actions paraissent incontournables parmi lesquelles : former, sensibiliser, écouter, repérer et prévenir.
Sans formation, il est difficile de sensibiliser les publics scolaires. Trouver une écoute bienveillante et compréhensive n’est pas chose aisée pour des adolescent.e.s confronté.e.s à cette problématique. Bien souvent, et après en avoir parlé avec un.e AED, l’élève est orienté vers le/la CPE, le/la CE, et parfois vers l’infirmière quand l’établissement dispose d’un personnel infirmier ; rarement vers le médecin scolaire qui a quasiment disparu du paysage scolaire de même que le/la psyEN.
Repérer sans avoir été formé ni sensibilisé relève de la gageure quand on sait la difficulté de dégager du temps pour l’écoute des élèves. Le rythme des évaluations imposé par la hiérarchie n’arrange pas l’affaire. Dans ce contexte et au regard de l’empilement des tâches à exécuter, prévenir relève d’un vœu pieux.
Faut-il déléguer ou prendre en charge ? Si oui, avec quels moyens ?
Cependant, des équipes ont su réagir en s’entourant de partenaires extérieurs auxquels a été confiée la sensibilisation des adolescents, permettant ainsi à l’ensemble des acteurs de « se concentrer sur l’essentiel ». Pour le Sgen-CFDT, cela constitue un mauvais signal envoyé aux élèves et aux personnels. Déléguer à d’autres ce qui devrait être pris en charge par les personnels accueillant ces publics laisse sous-entendre que les enseignants se désinvestissent de la situation des élèves.
L’intervention de partenaires extérieurs (médecin, pédopsychiatre, compagnies de théâtre,…) permet en contrepartie de « donner bonne conscience aux acteurs », puisqu’un spécialiste s’en est occupé !
Là encore, toute intervention des acteurs doit être pensée dans une logique de bassin tel que cela est envisagé dans un Projet éducatif de territoire (PET).
Alors que faire ?
- Rappeler la responsabilité de l’employeur à former ses agent.e.s,
- Doter les établissements en moyens humains en adéquation avec les publics accueillis (effectifs, publics scolaires, difficultés rencontrées),
- Inciter les établissements à travailler en réseau géographique et transversal (primaire, secondaire, université),
- Solliciter les personnes ressources dans les établissements scolaire et les écoles : médecin, psychologue, infirmier.ère
- Confier aux personnels la responsabilité de sensibiliser les élèves/étudiants. Pour cela, dégager des plages horaires communes en allégeant les programmes scolaires,
- Soutenir les personnels par un accompagnement approprié (psychologue du travail, médecine du travail),
- Introduire la notion de justice restaurative en parallèle des mesures annoncées par le Ministre (Site MEN 13 avril 2023). L’idée n’est pas de mettre en présence le harceleur et sa victime, mais plutôt de permettre à des agresseurs de pouvoir échanger avec d’autres victimes dans le cadre d’un espace réglementé.
Le Sgen-CFDT continuera à porter son attention et son soutien aux agents qui s’efforcent de protéger les élèves et étudiants victimes de harcèlement.
Dans un prochain article, nous parlerons du harcèlement entre membres de la communauté éducative, qui est un aspect tout aussi important et préoccupant.
Article écrit avec le concours d’Aude Paul et Dominique Bruneau