Le témoignage de Florent Ternisien, professeur d'histoire-géographie dans l'académie de Créteil, adhérent Sgen-CFDT.
J’étais cette année professeur de spécialité HGGSP en terminale et professeur principal d’une classe de terminale. J’étais aussi les deux années précédentes professeur de tronc commun, histoire-géo, en terminale, et professeur principal. Je commence donc à avoir un peu d’expérience, en tout cas à titre individuel, sur le vécu de cette réforme au niveau de l’année de terminale.
Pour cette année 2023, quelques constats :
Désorganisation massive
Le premier point qui frappe est l’importante désorganisation vécue dans les lycées. Si les 2 dernières années furent grandement perturbées par le Covid, celle-ci se déroule de manière « normale » ou en tout cas telle que prévue au moment de l’élaboration de la réforme. J’aurais tendance à dire que jusqu’à janvier tout va à peu près bien. Ensuite, c’est la grande pagaille.
Le bac, qui devait être plus léger, semble en fait désormais partout. À cela s’ajoute la machinerie Parcoursup de janvier à début avril. L’impression est qu’élèves et enseignant.es ont des impératifs partout tout le temps. Des oraux, des examens blancs, des épreuves de contrôle continu pour alimenter les bulletins et Parcoursup, des choix d’orientation à faire, des épreuves de spécialité essentielles, d’autres oraux, des écrits à rédiger pour Parcoursup etc. Cela n’arrête pas et c’est dans tous les sens.
Janvier, février, mars sont particulièrement intenses. À l’opposé, une fois les épreuves de spécialité passées et Parcoursup fermé, un sentiment de flottement total apparaît. L’impression est celle d’avoir couru une (longue) course et que l’on vous demande, une fois la ligne d’arrivée passée, de continuer encore un peu. Motiver élèves et personnels après ces 2 échéances paraît très compliqué avec ainsi un réel sentiment que l’année en gros s’est arrêtée en mars.
Ce sont désormais avril et mai qu’il va falloir reconquérir.
Un stress en augmentation côté élèves
Une des conséquences majeures, vue de mon établissement et de mon rôle de PP de terminale (5 classes sur les 3 dernières années) c’est la hausse du stress et du mal-être vécu par les élèves. Si les attendus ont finalement peu évolué (le bac et l’entrée dans l’enseignement supérieur avec beaucoup de demandes pour des filières sélectives), le ressenti lui a fortement bougé, avec un sentiment de pression beaucoup plus fort qu’avant. Le doublé contrôle continu au bac et mise en place de Parcoursup s’accompagne donc d’une forte hausse du stress pour les élèves. Ces changements sont accompagnés de discours souvent inutilement anxiogènes que l’on retrouve à la fois dans les médias, chez les familles et aussi et surtout parmi les membres de la communauté éducative. Le bien-être des élèves (tout comme celui des personnels) devient alors clairement une préoccupation majeure.
Manque de temps efficace en tronc commun
Ayant enseigné en spécialité et en tronc commun les 3 dernières années, j’ai pu par ailleurs mesurer l’écart entre les 2 positions dans le système conçu par la réforme. En tronc commun des classes remplies à ras bord (35 élèves), vues peu d’heures par semaine, avec souvent une charge chronophage pour le professeur principal, souvent issu des profs d’h-g ou de philo, puisque seuls eux ont réellement la classe en question. Ce sont des conditions de travail compliquées. Il est quasiment impossible de finir le programme de tronc commun en HG. À tout moment, l’enseignement de tronc commun doit s’effacer devant une priorité plus importante. Le fait de ne plus bénéficier des heures d’accompagnement personnalisé pour travailler méthode et orientation rend la situation très complexe (pour ne pas dire intenable).
Des épreuves inadaptées en HGGSP
Côté spécialité, il y a certes le stress de l’épreuve finale. Mais les conditions dans mon lycée sont souvent bien meilleures (effectifs entre 20 et 30). L’important nombre d’heures par semaine permet des rattrapages ou quelques échappées. En HGGSP le programme ne m’a pas paru infaisable ou surdimensionné. Il est par ailleurs particulièrement stimulant pour les élèves et les personnels. On note par contre un écart très fort entre ce qui est préconisé comme méthodes pédagogiques, en lien avec le programme et le futur passage dans le supérieur, qui favorise une forte mise en activité et en autonomie des élèves, et la forme de l’épreuve du bac. Celle-ci est passéiste et davantage adaptée à des formes d’enseignement plus verticales.
Ceci expliquant peut-être cela, on constate dans mon lycée des écarts relativement importants entre spécialités dans les résultats au bac :
- HGGSP est à 10,
- SVT, SES, Maths, Physique-Chimie, HLP sont autour de 11,5,
- LLCER et Arts sont au-dessus de 14. Pour ces dernières disciplines, l’écart s’explique en partie par la présence d’un oral.
À terme, il semble compliqué d’avoir de tels écarts entre spécialités alors que celles-ci sont choisies séparément et non plus par groupes comme c’était le cas avec les filières. On voit bien comment la perspective d’un meilleur résultat pourrait faire basculer les choix d’orientation des élèves. Au passage, ce souci se pose aussi vis-à-vis des mathématiques. Les notes de contrôle continu y sont bien plus faibles et pèsent fortement dans la perspective de Parcoursup par exemple.