Jean-Claude Guérin, secrétaire national du Sgen-CFDT, nous a quittés le 5 février 2023. Innover et convaincre pour transformer l'école, l'engagement de toute sa vie. Un engagement déterminé, sérieux, sans jamais se prendre lui-même trop au sérieux. Salut et fraternité à toi, Jean-Claude.
En 1977, photo prise par Gilles Guérin | En 2018, photo prise par Jean-François Noël |
Jean-Claude Guérin (17 juin 1938 – 5 février 2023)
Depuis que nous avons appris la disparition de Jean-Claude Guérin, que nous savions malade depuis peu avant le Covid, de nombreux échanges ont circulé entre les anciens militants qui l’ont accueilli au Sgen-CFDT de l’académie de Versailles quand il a adhéré en 1975, et avec celles et ceux qui étaient en responsabilité au niveau national entre 1980 et 1986, évoquant notamment son engagement pour la transformation du service éducatif, poursuivi sous des formes diverses après ses années de responsabilité nationale au Sgen-CFDT.
« Alors, comme ça, Père Guérin, un dimanche soir de février, tu as fini pas casser ta pipe (que tu as beaucoup fumée). Tu nous manquais déjà depuis que tu étais passé dans la 4e dimension. Et c’était bien difficile à accepter pour nous qui avions connu et aimé ton esprit vif, ta capacité à nous faire réfléchir sur le monde et ta culture politique. », Jean-François Noël qui l’accueillit en 1975 au Sgen Versailles.
C’est en 1975 que Jean-Claude, enseignant d’histoire-géographie au lycée technique de Massy (Essonne), jusqu’alors l’un des animateurs du courant Rénovation syndicale à la FEN, a adhéré au Sgen-CFDT, tout comme son épouse Annette, également enseignante d’histoire-géographie dans un collège de Massy.
Jean-Claude arrivait, avec un parcours militant déjà riche : militant politique au parti communiste français et à l’Union des étudiants communistes (UEC) puis au PSU après 1968, militant syndical à l’Unef puis au Snes. Le choix de l’adhésion au Sgen était celui de l’adhésion à un syndicat affilié à une confédération ouvrière. « L’école de A à Z », brochure du Sgen-CFDT en 1978, avait pour sous-titre : 78 mots clés pour une école au service des travailleurs. Jean-Claude a été secrétaire académique du Sgen Versailles en 1979-80.
Responsable de la commission socio-pédagogique du Sgen, Jean-Claude a coordonné avec Patrice Béghain, secrétaire général du Sgen de 1980 à 1983, la rédaction du livre Des mots-clés pour comprendre et changer l’école (1982), par dix-huit militants appartenant aux différents secteurs professionnels.
« Nous ne proposons pas un projet d’école ficelé de A à Z, à prendre ou à laisser, qui aurait été élaboré en fonction d’on ne sait quel dogme ou en vertu de quelque héritage. La forme qui a été retenue, celle du guide alphabétique, sous forme d’une succession de fragments, d’alternance à zone prioritaire – ce qui somme toute en résume bien l’esprit – traduit notre intention et se veut fidèle à notre démarche : susciter le débat, inspirer des pratiques. »
Et Patrice Béghain terminait cette présentation, intitulée « Prendre le risque du changement », en soulignant que ce petit livre était aussi destiné « à ceux notamment qui ne sont ni enseignants, ni éducateurs, c’est-à-dire à ceux pour qui, en définitive, est faite l’école : les jeunes, leurs parents et l’ensemble des travailleurs de ce pays » et à qui « nous demandons de nous aider à aller plus loin dans notre réflexion et nos propositions, pour que cette fois, vraiment, le changement de l’école soit l’affaire de tous. »
En 1982-1983, Patrice Béghain et Jean-Claude Guérin participèrent aux réunions de commission organisées par Louis Legrand, à qui le ministre de l’Éducation nationale, Alain Savary, avait confié une mission de réflexion sur les collèges.
En 1983, Jean-Claude a publié Le nouveau collège enfin ? pour faire connaître les propositions et les perspectives ouvertes par le rapport Legrand, sans pour autant masquer les désaccords, car « la transformation du collège est une nécessité », car le collège est bien la plaque sensible du système éducatif…
Entre le congrès d’Andernos (1980) et le congrès de La Rochelle (1983), le congrès de fédéralisation de Forges-le-Eaux (1982) voit aboutir la transformation du syndicat national, existant depuis la création du Sgen en 1937, en fédération de syndicats locaux, comme dans la plupart des fédérations de la CFDT. La mise en place d’un nouveau mode de fonctionnement, et notamment du changement de modalité de la désignation du secrétaire général, a été source de tensions pendant le mandat de Michel Vergnolle, élu secrétaire général à La Rochelle. À l’issue de son deuxième mandat national, Jean-Claude ne représenta pas sa candidature à la commission exécutive au congrès d’Annecy (1986) et repris son métier d’enseignant.
Après la période de cohabitation (1986-1988), la réélection de François Mitterrand en 1988, Jean-Claude a poursuivi, sous une autre forme, ses engagements au service de la transformation de l’École.
De 1988 à 1992, il a été conseiller technique auprès du secrétaire d’État à l’Enseignement technique, Robert Chapuis, puis ensuite Jacques Guyard. Outre l’alternance pédagogique, la vie scolaire et la pédagogie, Jean-Claude a eu la responsabilité de trois dossiers principaux : la mise en place du projet d’établissement dans les établissements d’enseignement technique, l’enseignement de la technologie au collège, enfin l’amélioration de la sécurité des machines et des locaux dans les établissements d’enseignement technique, la modification du code du travail.
La gauche aux affaires aimant distribuer des médailles, la Légion d’honneur avait été proposée à Jean-Claude ; mais avec le sens de la dérision qu’on lui connaît, ce défricheur d’idées nouvelles avait préféré se faire décerner le « poireau », le Mérite agricole.
Il est devenu ensuite inspecteur de l’académie de Paris, chargé de diverses missions et commissions par les ministres successifs, ayant été affecté au groupe d’inspection de l’enseignement primaire. Atteint par la limite d’âge, 65 ans à l’époque, Jean-Claude a pris sa retraite en 2003. Durant les quinze années qui ont suivi, militant actif de trois associations Éducation et Devenir, la Ligue de l’Enseignement et Prisme, il a continué à innover dans le domaine de l’éducation. Il a aussi été membre du comité de parrainage de l’Iréa-Sgen-CFDT.
Comme l’a dit Serge Guérin, l’un de ses fils, sociologue et spécialiste du vieillissement, lors de la journée organisée par l’Union confédérale des retraités CFDT (UCR CFDT) pour ses 70 ans en 2016 :
« Le fait de vivre plus longtemps nous permet aussi d’innover plus longtemps. »
Pour en savoir plus sur la période des années 70-80
- Le Sgen des origines à nos jours, Madeleine SINGER, 1993
- Le Pari du Sgen, Brève histoire / 1934-1995, Jacques-George, 1995
Odile Nave, Jean-François Noël, Jean-François Launay