L'école ne doit pas être seulement inclusive pour le handicap, mais aussi pour toutes sortes de transformations sociales. Pour Christine Vallin, l'inspecteur ou l'inspectrice est un témoin privilégié des évolutions de l'école et de la société et accompagne les enseignants pour faire évoluer l'école.
Après avoir été professeure d’éducation musicale en collège une vingtaine d’années, puis rédactrice en chef des Cahiers pédagogiques pendant quatre ans, Christine Vallin est inspectrice de l’Éducation Nationale de la circonscription de Douai-Quincy. Elle nous livre un témoignage sur son action d’inspectrice du 1er degré.
L’inspecteur, témoin des mutations
L’école est constamment traversée par les mouvements de la société et elle s’adapte au quotidien sans même s’en apercevoir : généralement, les transformations sont silencieuses, elles prennent leur temps et c’est seulement lorsqu’on se retourne que l’on s’aperçoit que des choses ont changé.
Lorsqu’on est inspecteur de l’Éducation nationale, on se retrouve aux premières loges des mutations de la société, celles qui sont silencieuses comme celles qui font crisser tout un système.
Des questions-problèmes, fenêtres ouvertes sur des questions de société
L’inspecteur se retrouve souvent au carrefour de questions et problèmes nouveaux et récurrents posés par des directrices et des directeurs, par les enseignantes et les enseignants.
Que dire aux élèves de la classe de Chloé qui vient le matin avec ses deux mamans ?
Comment continuer à « bien faire classe » quand, et chacun s’entend à reconnaître que c’est une chose bonne, depuis 2005 l’école inclusive a amené à une hausse de 66 % d’élèves en situation de handicap dans le premier degré ?
Quid des propos publics lancés sur les réseaux sociaux, critiques contre un enseignant, qui prennent des allures de gifle là où il s’agissait auparavant d’opinions restant autour de la table du dimanche ?
Comment faire avec ces élèves de 5 ou 9 ans qui explosent soudain sous l’effet d’une frustration, d’un échec ou d’une contrainte, et qui laissent dans l’incompréhension une équipe pourtant prête à accompagner et soutenir ?
Ces questions-problèmes sont des fenêtres ouvertes sur des mutations de société.
L’école est inclusive pour toutes sortes de transformations sociales, qui ne restent pas à sa porte
On ne sait d’ailleurs pas tout de suite qu’il s’agit de mutations. Ce que l’on perçoit tout d’abord, c’est le bruit sourd de ces interrogations. Et puis viennent des crissements répétés, en forme de plainte de parents se trouvant mal accueillis, de colère des enseignants qui ne se sentent pas formés pour ce qu’il leur est demandé, ou de mal-être des enfants en échec : la machine-école grince sous l’effet de nouvelles contraintes.
Ce que l’école faisait auparavant, savait plutôt bien faire d’ailleurs, ne convient plus à une situation nouvelle. L’école n’est pas inclusive seulement pour le handicap, elle l’est pour toutes sortes de transformations sociales qui ne restent pas à sa porte. Les contraintes de cette inclusion sont fortes et multiformes : on attend de l’école toutes sortes de compensations, le brouhaha des réseaux sociaux résonne dans les murs, ce que l’on maintenait à la marge prend une place au centre, la violence des images et du réel fait irruption dans les crises d’élèves qui, avant même de se connaître, ne se reconnaissent plus.
Inventer pour inclure, le rôle de l’inspecteur
« Notre héritage n’est précédé d’aucun testament » [1], écrivait Hannah Arendt. Ce qui vient n’est certes pas écrit, mais ne repose surtout pas sur des solutions simplistes. Les changements de société nous demandent collectivement de chercher à comprendre ce qui se passe et d’inventer de nouvelles solutions.
En tant qu’inspecteurs, dans la proximité, nous n’avons pas les réponses mais nous avons la possibilité d’amener collectivement à s’interroger là où la machine crisse : penser l’élève et avec les élèves, penser les enseignants et avec les enseignants, penser avec les parents, les partenaires sociaux et médicaux, les municipalités, les services départementaux.
Penser l’élève avec les élèves. Penser l’enseignant avec les enseignants
Il faudra savoir écouter, dialoguer et poursuivre le dialogue lorsqu’il n’est plus offert. Ensemble, parvenir au final à mieux comprendre une école, qui est un bout de société, et analyser nos habitudes de travail, revoir nos règles et nos pratiques. Pour inclure, peu à peu, ce neuf à l’ancien et apporter nos pierres dans cette « brèche entre le passé et le futur ».
Les inspecteurs du Sgen-CFDT ne se retrouvent pas au sein d’une amicale catégorielle. Leur engagement syndical est le reflet de leur engagement pour l’école. Le Sgen-CFDT porte avec les corps d’inspection un projet de société et un projet pour l’École.
Télécharger le tract: inspecteurs du Sgen-CFDT, un projet pour l’école.
————
[1] Préface du recueil par Hannah Arendt : « La brèche entre le passé et le futur », traduction française par Jacques Bontemps et Patrick Lévy, Folio Essais, pages 11 et suivantes