Le conseil scientifique de l’Éducation nationale est installé. Décryptage du Sgen-CFDT.
Depuis le 10 janvier 2018, nous disposons enfin d’une information officielle sur le site du Ministère de l’Éducation nationale à propos du conseil scientifique de l’Éducation nationale. C’est donc plus de 48 heures après les informations dans la presse et les médias. Mais c’est toujours par voie médiatique que nous disposons d’informations précises sur l’instance et ses missions.
Le Sgen-CFDT, syndicat des personnels de l’éducation nationale mais aussi de l’enseignement supérieur et de la recherche, ne peut être que favorable au principe de s’appuyer sur les apports des recherches pour penser les pratiques pédagogiques et les politiques éducatives. Cependant, l’installation du conseil nous interroge.
Un conseil bien homogène
La liste des membres du Conseil scientifique de l’Éducation nationale ne témoigne pas d’une diversité suffisante à nos yeux. Les différents champs disciplinaires sont déséquilibrés. Les axes de recherches des différents membres sont proches. Certaines institutions et établissements sont fortement représentés. Le Sgen-CFDT déplore aussi que même lorsque des membres du CSEN sont associés aux ESPE, cela ne soit pas mentionné officiellement. Pour une instance qui a vocation à faire des préconisation en matière de formation initiale et continue, c’est particulièrement étonnant, ou inquiétant si cela signifie qu’on souhaite faire de la formation des professeur.e.s des écoles un monde à part.
Mais ce qui nous interroge le plus, ce n’est pas la composition de l’instance, c’est la manière dont ses attributions semblent pensées.
Des attributions en matière scientifique déjà couvertes
Le CNESCO et l’IFE ont déjà pour mission de réaliser une veille scientifique en matière éducative. Si le CNESCO est cité par le ministère sur son site, l’IFE ne l’est pas.
Les apports du CNESCO et de l’IFE se font selon des méthodologies connues de toutes et tous. Le CNESCO produit des rapports en sollicitant des chercheurs et chercheuses autant que de besoin. Il organise aussi des conférence de consensus qui permettent de faire ce que le président du conseil scientifique évoque dans une interview récente : faire le point sur ce qui est vrai, ce qui est faux, ce qui marche pour améliorer l’éducation.
L’IFE de son côté publie des notes de veille, met à disposition un annuaire des chercheurs et chercheuses en éducation, organise des formations de formateurs, des séminaires…
Enfin, un autre silence interroge : lorsqu’il est question du conseil scientifique de l’éducation nationale, ni le ministre, ni le président du conseil ne parlent des ESPE. Or ces écoles universitaires ont aussi pour mission de contribuer à structurer, à valoriser et à transmettre la recherche en éducation.
Des attributions qui nient l’expertise des personnels
Le conseil scientifique doit proposer des outils d’évaluation et des outils d’intervention à destination des professeur.e.s des écoles. Les personnels enseignants, les inspecteurs et inspectrices de l’Education nationale, les conseillers et conseillères pédagogiques et les formateur.trice.s académiques travaillent déjà en ce sens. Est-ce à dire que l’expertise en matière d’ingénierie pédagogique est niée ? Est-ce à dire que leur travail n’est pas reconnu ? Est-ce à dire que les ressources pédagogiques publiées sur les sites Eduscol, celles diffusées par CANOPE n’ont aucune validité désormais ?
Des attributions qui méconnaissent l’organisation actuelle de la formation et l’accompagnement professionnel
Le ministre précise que « les travaux du Conseil vont permettre de nourrir le contenu des formations initiales et continues des professeurs », est-ce à dire que le conseil se substitue aux conseils scientifiques des ESPE, voire aux ESPE elles-mêmes ? Faut-il rappeler que ce sont les ESPE qui sont en charge de la formation initiale et continue des personnels d’enseignement et d’éducation ?
Quand s’ajoute la mention que la formation initiale et continue passera par des MOOC essentiellement, rappelons d’une part que cela se pratique déjà. Mais rappelons surtout que les personnels aspirent légitimement à un accès réel et renforcé à la formation continue qui ne peut se faire exclusivement en distanciel. Or l’accès des professeur.e.s des écoles à la formation continue s’est considérablement réduit depuis 2007.
Lors du dernier séminaire de l’OZP, des conseillers et conseillères pédagogiques qui accompagnent les équipes des réseaux d’éducation prioritaire montrent que c’est bien une logique d’accompagnement professionnel (et pas uniquement de formation) dont les personnels ont besoin pour transformer leurs pratiques. C’est aussi ce que montre le travail mené dans le cadre du réseau des Lieux d’Education Associés (LEA) qui permettent à des équipes pédagogiques de travailler avec des chercheur.euse.s sans être uniquement des « objets » de recherche.
Pour le Sgen-CFDT, ce n’est pas d’injonctions ou de tableaux de bonnes pratiques dont les personnels ont besoin.
C’est de temps pour s’approprier les apports des recherches et penser leur action éducative, de reconnaissance de leur expertise, et de l’identification de personnels ressources pour accompagner l’observation, l’analyse et l’ajustement des gestes professionnels que les personnels ont besoin pour transformer efficacement leurs pratiques.