L'intervention de Catherine Nave-Bekhti dans le débat d'actualité revendicative.
Je voudrais tout d’abord dire que nous partageons l’analyse de la note d’Action revendicative.
« ni neutre, ni partisan » : libres et engagé·e·s
Nous partageons notamment le souci de reformuler le « ni neutre, ni partisan » par lequel nous définissons notre rapport au politique. La longueur et l’intensité de la précampagne électorale, et surtout l’outrance des idées et des propos, leur caractère profondément dangereux pour notre modèle social et pour la possibilité même de mener un dialogue démocratique dans ce pays, nous obligent à affirmer plus positivement et plus fermement, certes notre distance avec les appareils partisans, mais également notre droit d’intervention dans le débat politique.
Nous pouvons d’autant plus le faire que la CFDT, par l’ensemble de ses interventions, est maintenant reconnue pour sa liberté de pensée, la constance de ses convictions et la pertinence de ses propositions. Libres et engagé·e·s, cela pourrait être aussi la définition la plus simple et directe de notre positionnement.
Ce positionnement de la CFDT, il nous paraît essentiel de l’affirmer en matière de politiques publiques.
défendre l’action publique, les valeurs d’égalité qui la justifient, le travail des agents
Pour défendre l’idée même d’action publique, qui est attaquée aujourd’hui par tous ceux et toutes celles qui rêvent d’une société à la fois plus individualiste et plus conservatrice.
Pour défendre les valeurs d’égalité qui justifient l’intervention publique et qui sont plus que jamais à promouvoir.
Pour défendre enfin les agents dont le travail incarne ces politiques et dont les métiers sont aujourd’hui implicitement ou explicitement méprisés.
Nous sommes en tant que CFDT attachés aux valeurs progressistes et aux politiques d’égalité, mais au-delà de cet ancrage politique, elles sont aussi nécessaires parce qu’elles fondent l’intervention publique. Derrière les projets de suppression de postes il y a des politiques d’inégalité, et derrière la dénonciation des politiques publiques d’égalité, il y a le projet de supprimer des postes.
pour l’éducation prioritaire et la mixité sociale
Pour ne revenir que sur quelques débats récents autant que caricaturaux et néfastes pour l’école et pour notre société, je souhaite évoquer les questions d’éducation prioritaire et de mixité sociale, mais aussi l’éducation à l’égalité et à la non-discrimination.
L’éducation prioritaire et la mixité sociale sont décriées. Certains déduisent un peu vite qu’elles sont inefficaces à partir d’études lues rapidement et qui portent davantage sur l’état du système sous la précédente mandature politique que sur ce qui se fait actuellement dans les écoles et les établissements. Ceux là même qui proclament l’échec et l’absence de résultats, là où les études montrent surtout qu’on n’a quasiment jamais donné les moyens de sa politique à l’éducation prioritaire. Ne critiquent-ils pas d’autant plus facilement l’éducation prioritaire et la réflexion sur la mixité sociale qu’ils souhaitent les déconstruire, et renoncer à des politiques éducatives plus égalitaires et moins tournées vers la sélection, par décantation successive, d’une élite toujours autorecrutée ? Le Sgen et la CFDT doivent continuer à construire et porter ensemble une vision de l’École vecteur de nos valeurs d’émancipation, de solidarité, d’égalité et comme l’un des creusets, par ses pratiques et son fonctionnement, du vivre-ensemble.
égalité entre femmes et hommes et non-discrimination en raison de l’identité de genre ou de l’orientation sexuelle
Plus récemment, le retour de ce qui devient hélas un marronnier, la mise en accusation d’une École fantasmée qui éduquerait les garçons à vouloir devenir des filles ne doit pas faire illusion. Ces outrances sont la marque de mouvements réactionnaires qui cherchent à placer l’école sous leur influence. Outre le fait qu’il faut continuer d’affirmer que ces fantasmes sont des mensonges, il faut réaffirmer que l’un des rôles de l’école est bien d’éduquer à l’égalité, pour l’égalité entre femmes et hommes, d’éduquer à la non discrimination en raison de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle. Affirmer cela ce n’est pas influer sur la construction identitaire de chacune et de chacun, c’est éduquer pour une société dans laquelle chacune et chacun doit se voir reconnu le droit au respect sans être forcé∙e de rentrer dans un moule uniforme et prétendument éternel et naturel de ce qu’être femme ou homme veut dire.
Critiquer ainsi l’École en la caricaturant, c’est mettre en accusation tous les personnels qui travaillent dans les écoles, les établissements et les services. Pour elles et eux, c’est entendre qu’ils et elles travaillent mal… et comment se défendre face à des caricatures, comment faire entendre raison quand rien n’est raisonné ni rationnel ?
imposer en 2017 les termes pertinents d’un débat sur l’École
Or la politique éducative, ce sont elles et eux qui la mettent en œuvre. Toutes celles et tous ceux qui assurent son fonctionnement du mieux qu’ils peuvent, s’adaptant aux évolutions du système éducatif, s’adaptant à la révolution numérique (même quand c’est la pensée ministérielle qui est en retard sur le sujet), s’adaptant à un contexte sécuritaire qui nous oblige à construire une culture de la sécurité. Dans le champ de la Jeunesse et des Sports, dans l’Éducation nationale, l’Enseignement supérieur et la recherche comme dans l’Enseignement agricole public, les agents contribuent à construire cette culture. Dans ce cadre, ils relèvent le défi de trouver le regard juste sur la jeunesse, sur chacun des jeunes. Entre éducation à la tolérance, à l’acceptation de chacun et chacune dans le respect de ses différences et la capacité à repérer, prévenir les risques de radicalisation sans changer de métier, sans renoncer au pari de l’éducabilité de toutes et tous.
Pour les personnels que nous représentons et défendons, 2017 doit être une année utile. Pour celles et ceux qui agissent au service des élèves et des étudiant∙e∙s et de la jeunesse, nous devons parvenir à imposer les termes pertinents d’un débat sur l’École et une vision plus juste de la jeunesse, sans répondre à toutes les inepties proférées (nous y perdrions toute notre énergie tant ce puits semble sans fond), ne pas laisser passer les insultes aux personnels, ni le dénigrement des principes et valeurs au fondement de leur action au sein de l’École.