Frédéric Lerais est directeur de l'Institut de recherches économiques et sociales (Irés), créé en 1982 par l'ensemble des organisations syndicales représentatives des travailleur·euse·s au niveau national (CFDT, CGT, FO, CFTC, CGC) et Unsa-éducation, et co-gouverné par celles-ci.
Cette interview est initialement parue dans Profession Éducation, le mensuel du Sgen-CFDT, n° 262 (juin-juillet 2018). Propos recueillis par Franck Loureiro.
favoriser la démocratisation de l’analyse économique et sociale
Qu’est-ce que l’Irés ?
L’Irés est un institut de recherche dont l’ambition est de favoriser la démocratisation de l’analyse économique et sociale en France et de renforcer la capacité d’action des organisations syndicales en apportant des éléments d’analyse aux questions économiques et sociales nationales, européennes et internationales.
De fait, l’Irés promeut une approche originale des relations entre recherche et monde syndical, sur des sujets qui appellent expertise, débat et controverse scientifique.
C’est un lieu de recherche, d’expertise sur et pour le monde syndical, engagé dans des activités internationales et européennes, qui contribue à la reconnaissance de la place du travail et du monde syndical.
Comment cela fonctionne-t-il ?
L’Institut reçoit une subvention du Premier ministre et les moyens de l’Irés sont répartis entre un centre commun de recherche et des recherches plus ponctuelles, menées à la demande des organisations syndicales.
renforcer la capacité d’action des organisations syndicales
Côté centre commun de recherche et de documentation, douze chercheurs en économie, sociologie et sciences politiques – et presque autant de chercheurs associés –, mènent des études et des recherches sur l’emploi, les revenus, la protection sociale, le travail et de manière générale, le dialogue social.
Par ailleurs, chaque organisation syndicale commande et suit des études et des recherches. Parmi les dernières études commandées par la CFDT, signalons la comparaison du rôle des négociations de branches dans quelques pays européens, l’étude portant sur l’accompagnement des demandeurs d’emploi ou encore celle, en cours, sur le dialogue social dans la fonction publique. L’ensemble de ces études est mis à disposition soit sur le site des organisations syndicales, soit sur notre site.
Quelle est sa valeur ajoutée ?
Nous proposons expertises et connaissances construites à partir du point de vue du travail. Nous contribuons ainsi à la reconnaissance de la place du travail en général et proposons des analyses qui éclairent les débats sociaux et publics, français ou européens, susceptibles d’intéresser de nombreux acteurs, et ce, bien au-delà des organisations syndicales.
La production scientifique de l’Irés sert ainsi tout autant l’intérêt général que le syndicalisme. C’est pour cela qu’il reçoit le soutien financier du gouvernement, parce que les études menées sont au cœur des préoccupations des organisations syndicales comme des autorités publiques, ainsi que le montrent quelques récentes études : « Évolution des comités d’entreprise en France » ; « Les réformes du marché du travail et de la négociation collective en Europe » ; « Les acteurs sociaux face à la gouvernance européenne » ; « Les enjeux des chaines de valeur » ; « L’impact des plateformes du numérique sur le travail »…
Proposer des analyses qui éclairent les débats sociaux et publics, français ou européens…
Dans une optique comparative internationale, ces recherches font une place importante à la pluridisciplinarité (économie, sociologie, histoire, sciences politiques…) et mettent l’accent sur la place et le rôle des acteurs dans les évolutions économiques et sociales. La Revue de l’Irés comme les éclairages mettent à disposition les résultats de recherche de l’Irés comme de la communauté scientifique d’une manière qui se veut lisible.
L’Irés est très inséré dans les réseaux européens
Les chercheurs analysent régulièrement la situation économique et sociale des pays voisins et cela donne lieu à une publication trimestrielle originale : La Chronique internationale. L’Irés est très inséré dans les réseaux européens et en particulier dans le réseau Turi (Trade Union Related Institutes) qui regroupe, sous l’égide de l’Institut syndical européen, les instituts de recherche européens au service des organisations syndicales.
Quels sont les enjeux futurs de l’Irés ?
Il y a évidemment des enjeux de renouvèlement ou de renforcement des thématiques : environnement, territoires, économie des plateformes, sans compter le suivi des effets des réformes, etc., mais il nous faudra également assurer une meilleure diffusion des travaux commandés par les organisations syndicales comme les travaux des chercheurs de l’Irés dans un contexte budgétaire particulièrement tendu.
Les travaux sont souvent mobilisés par le Conseil économique, social et environnemental (Cése), par l’Assemblée nationale, le Sénat ou encore par les ministères ou les services du Premier ministre (France Stratégie, Council of Europe, Haut Conseil à la famille, etc.). Grâce à leurs compétences, les chercheurs sont régulièrement auditionnés sur des thèmes d’actualité, d’autant qu’ils sont insérés dans des réseaux internationaux originaux. Mais il devrait l’être encore plus pour faire valoir le point de vue du travail dans les mesures de politiques publiques…