- Comité Technique Ministériel -
Madame la ministre,
Les 9 organisations syndicales qui appellent les agents publics à la mobilisation le 9 mai dénoncent le fait que : “Le pouvoir exécutif poursuit une politique contraire aux intérêts de la population, néfaste pour les missions publiques et pour les agents”.
Le Sgen-CFDT constate avec regret que le ministère des sports y contribue grandement.
projet de transfert des CTS aux fédérations
Concernant le projet de transfert des CTS aux fédérations, même échelonné avec des phases de « sensibilisation, de négociation », le Sgen-CFDT y est opposé.
Sur la forme, c’est une nouvelle révélation par la presse, dans le dos des représentants des personnels : on a bien compris désormais qu’il s’agissait là d’une méthode -détestable- de conduite du changement.
Ceci dit sur le fond l’annonce n’est pas si surprenante, pour nous qui avons participé aux ateliers sur la gouvernance du sport, tant il était apparu à cette occasion que ce projet depuis longtemps évoqué, mais toujours stoppé au dernier moment, bénéficiait cette fois d’une conjoncture favorable.
À la volonté politique de réduction des emplois de fonctionnaires, portée par le Président de la République, se conjugue une conséquence logique de la nouvelle gouvernance du sport souhaitée par beaucoup, y compris par les dirigeants du mouvement sportif, qui aujourd’hui font mine de découvrir avec horreur ce qu’ils ont en fait appelé de leurs vœux (j’ai pris note de leurs interventions lors de l’atelier auquel j’ai participé à Poitiers).
Nous ne sommes pas dupes : derrière leurs protestations, il ne s’agit que de négocier au plus haut la compensation financière.
Le Sgen-CFDT a toujours dénoncé le risque de privatisation des CTS, favorisé par la confusion entretenue entre les missions incombant à l’État et celles incombant aux fédérations, organismes de droit privé. Nous avons maintes fois alerté sur les conséquences prévisibles de ce chevauchement de missions exercées sous couvert de politiques partenariales, à l’INSEP notamment.
Le positionnement actuel des CTS, censés exercer leurs missions auprès des fédérations a toujours selon nous entretenu l’ambiguïté.
Ce dispositif de gestion accorde bien trop de prérogatives aux élus fédéraux. Le mouvement sportif, depuis longtemps, a eu trop tendance à considérer les CTS comme des agents mis à disposition, en oubliant, tout comme l’opinion publique au fil du temps, que ces agents sont censés avoir comme mission principale de garantir le bon usage de l’aide financière de l’État au mouvement sportif et d’agir pour mettre en cohérence les politiques fédérales avec celles de l’État.
Pour le Sgen-CFDT, le conservatisme n’était plus de mise, le vieux modèle sportif français devait évoluer, et nous étions favorables à certaines pistes de réforme qui visaient à conforter en le légitimant le statut de fonctionnaire des CTS ; ainsi par exemple le projet de loi de la ministre FOURNEYRON, qui contenait un volet annonçant le repositionnement des CTS sur des missions d’agents de l’État, et leur redéploiement progressif vers les fédérations qui en avaient le plus besoin.
Comme allaient dans le bon sens des propositions suggérant de recourir à des CTS interfédéraux en plus grand nombre, un positionnement susceptible de remédier à l’état de sujétion excessive des CTS vis à vis de leurs fédérations.
Malheureusement le gouvernement a choisi une option totalement inverse, celle d’un transfert vers les fédérations par voie de détachement sur des contrats de droit privé à durée indéterminée.
Les conséquences de cette décision
Les conséquences de cette décision vont être lourdes :
- pour les agents, dont l’anxiété va croître du fait de conditions de travail et de rémunération possiblement amenées à se dégrader au fil du temps et des aléas sportifs, avec un droit au retour très problématique : ce chantier va produire insécurité et déstabilisation.
- pour la capacité de l’État à mobiliser ces agents au service de ses politiques. Et là le choix apparaît totalement aberrant au regard des ambitions affichées lors de votre audition, Madame la ministre, devant les députés.
A côté du renforcement de l’éducation à l’activité physique, qui incombe avant tout à l’Éducation nationale et aux enseignants d’EPS, vous parlez d’agir pour le développement de la pratique sportive à tous les âges de la vie, vous parlez d’objectifs forts de cohésion et de mixité sociale, concentrés sur les territoires carencés, avec une attention particulière pour les quartiers dits de la politique de la ville, vous parlez de politique de santé par le sport… autant de politiques qui devraient incomber à un Ministère des sports, auxquelles nous adhérons, mais conduites avec quels moyens, par quels personnels ?
Les CTS sont justement les experts, les ingénieurs, qui avec les CAS pourraient porter ces politiques pour le compte de l’État en articulation évidemment avec l’ensemble des autres acteurs, ministères, collectivités, mouvement sportif, en coordonnant leurs actions…
Vous dites : « Mais les fédérations ont une délégation de service public, les CTS accompliront les mêmes missions en leur sein »… c’est un rêve, c’est un leurre. M. Masseglia l’a bien dit : nous voulons des CTS au service des projets de développement fédéraux, pas au service d’objectifs politiques à dimension « sociétale » (sic).
Quant au ministère, sans ces personnels, il ne sera plus -au mieux- qu’un Haut Conseil voué à communiquer, et à produire des recommandations…
Le Sgen-CFDT s’oppose au projet de transfert des CTS, et n’est pas favorable non plus à l’idée d’un moratoire proposé par les fédérations olympiques. Un moratoire signifie que le projet serait différé sans être remis en cause.
De plus, justifier cette demande par l’échéance des JO de Paris 2024, en laissant comprendre que l’utilité des cadres d’État, c’est uniquement la moisson de médailles qu’on ambitionne d’amasser aux JO, c’est carrément suicidaire.
C’est la meilleure façon de légitimer le discours de tous ceux qui ont contribué à porter le coup fatal au modèle sportif français, au motif qu’il ne ramenait pas assez de médailles, c’est la meilleure façon d’ouvrir la porte à un modèle proche de celui de nos voisins Anglais, certes producteur de médailles, mais dont on découvre peu à peu les conséquences catastrophiques pour les sports non prioritaires, sur la pratique sportive du plus grand nombre, sans parler des interrogations éthiques sur la réussite de leurs champions…
tout ça pour quoi ?
Et tout ça pour quoi ? Au delà de l’engouement ponctuel pour le méga- spectacle sportif surmédiatisé, nos concitoyens se préoccupent-ils autant que cela du nombre de médailles que nos sportifs pourront obtenir ?
Nous pensons qu’ils se préoccupent bien plus de l’accès de leurs enfants à des pratiques sportives à un coût supportable, en toute sécurité, et de leur propre accès à tout âge à des activités physiques et sportives, dans un but d’épanouissement personnel et collectif, de prévention des violences et des discriminations, de préservation de la santé. Cela justifie infiniment plus la mobilisation de crédits, et d’emplois publics comme ceux des CTS et des autres agents du ministère des sports.
Cela parle certainement plus à nos concitoyens, et justifie infiniment plus la mobilisation de crédits, et d’emplois publics comme ceux des CTS et des autres agents du ministère des sports.
Avec le transfert des CTS, mais aussi avec la création de l’Agence, avec le schéma annoncé de la réorganisation territoriale des services J&S, avec l’autonomisation croissante des établissements de plus en plus livrés à eux-mêmes, dont les personnels, une fois la loi de transformation de la fonction publique mise en œuvre, ne seront plus que des contractuels ou titulaires à durée d’affectation limitée, c’est bien à l’abandon de l’ambition d’un État stratège, d’un État garant de l’intérêt général dans le sport auquel nous assistons.
Un plan social
Si ces projets se concrétisent nous serons bien, hélas, dans le cadre d’un plan social, tel que l’annonçait le Sgen-CFDT, bien loin d’un pôle éducatif, même si le MEN va probablement récupérer quelques briques de la maison J&S.
Un plan social signifie incertitude, inquiétude, angoisse, souffrance, avec des conséquences humaines concrètes qu’il vous faudra assumer.
C’est pourquoi le Sgen-CFDT exige, si votre volonté de mener à bien ce projet est confirmé, que la transparence soit faite dès à présent sur vos intentions concernant la gestion de vos personnels.
Quels services de gestion RH vont mettre les mains dans le cambouis, se coltiner le triste travail de reclassement des agents J&S ? Ceux de la DRH des ministères sociaux, qui gèrent vos agents depuis 10 ans, ou ceux de la DGRH de l’Éducation nationale qui ne les connaît pas et a bien d’autres priorités à traiter en ce moment ?
Ce n’est plus une question secondaire. Le Sgen-CFDT demande que toutes les modalités d’accompagnement soient dès à présent mobilisées, que toutes les pistes de reclassement soient étudiées et proposées, en respectant systématiquement les choix des agents.
A cet égard nous vous avons interpellé sur la situation édifiante de trois collègues Professeurs de Sport de la Direction des Sports, qui ont émis le souhait de rejoindre le corps des Attachés. Ils n’exercent plus de missions relatives à leur statut depuis plusieurs mois, voire plusieurs années ; leurs missions sont purement administratives. Pourtant, ils se sont vu refuser par leur hiérarchie le droit de pouvoir présenter un dossier de demande de détachement, ou d’intégration directe dans le corps des attachés auprès de la CAP compétente.
Le Sgen-CFDT n’a aucune volonté d’encourager les PTP Jeunesse et Sport à quitter le navire, mais il comprend largement les causes de ces choix.
Aussi nous vous demandons officiellement, ainsi qu’à la DRH, de lever tout blocage, qui serait insupportable dans le contexte !
D’autant que dans une lettre adressée récemment à Monsieur le directeur des sports, vous lui recommandez clairement de « porter une attention particulière à la gestion des ressources humaines dans le cadre de la réorganisation de la direction des sports »…
Dans un contexte qui prend de plus en plus l’allure d’un véritable plan social pour les agents de notre champ, nous demandons à ce que tout agent puisse disposer de ses droits à évoluer professionnellement, conformément à la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels.
Politiques jeunesse
Enfin, nous terminerons sur une brève analyse de l’état des politiques jeunesse aujourd’hui dans notre pays selon notre organisation syndicale :
– À l’heure où le rattachement à l’EN semble désormais acté ; sans que nous n’en connaissions les contours, les modalités et le calendrier de mise en œuvre ; les collègues CEPJ qu’ils soient en DR, en DD ou en établissement sont inquiets.
Nous ne reviendrons pas sur l’inquiétude qui pèse quant à la réalisation de leurs missions éducatives autour de la jeunesse, sur l’ensemble des champs d’intervention, sur le respect de leur statut « particulier » qui permet la réalisation efficiente et pertinente des actions des CEPJ, sur le traitement qui leur sera réservé à l’EN, et celui qui sera réservé à l’éducation populaire, et à l’éducation non formelle.
Toutes ces questions que nous avons eu l’occasion de poser déjà ici ou en RDV avec les cabinets et qui restent en attente de réponses concrètes…
L’inquiétude et les interrogations portent aujourd’hui sur ce qui, au quotidien, met les CEPJ en mouvement dans leur exercice professionnel : la déclinaison territoriale des politiques publiques à l’égard de la jeunesse
Depuis plusieurs années, l’absence de DNO complique l’exercice du métier de CEPJ. La place est laissée à un empilement de dispositifs et de programmes en faveur d’une jeunesse qui n’est plus appréhendée ni dans sa globalité ni dans sa totalité.
Les moyens financiers sont dispersés, certains dispositifs continuent à exister parce qu’un réseau professionnel a été constitué et a montré son efficacité sur le territoire, mais sans que les moyens humains et financiers n’apparaissent désormais suffisants pour continuer à les animer. Ainsi, l’Information Jeunesse, l’engagement des jeunes via les juniors associations, l’accès aux droits et à la mobilité, l’exercice de la citoyenneté, l’accès à des loisirs éducatifs de qualité…sont fragilisés. Le BOP jeunesse dans les services déconcentrés étant réduit à peau de chagrin, si l’on ôte le SC.
Les collègues sont inquiets de voir la jeunesse et leurs missions réduites à la mise en œuvre du SNU qui coûtera cher pour ne concerner qu’une classe d’âge ; à ce jour, en phase expérimentale dans 13 départements, la mobilisation des IJS et CEPJ est importante autour de ce programme ; comment sera géré le déploiement pour atteindre l’ensemble de la classe d’âge ? A quel prix et pour quels sacrifices des autres missions techniques et pédagogiques ?
Nous voulions faire entendre ce message : pour une politique jeunesse globale et transverse de qualité, à destination de l’ensemble des jeunes de notre pays.