L’évaluation structure et sature les pratiques professionnelles des enseignant.es et des formateurs.trices. On sait également que l’évaluation conditionne fortement le type de pédagogie qui sera déployée en classe. Le Sgen-CFDT fait le point sur ce dossier et sur ses revendications.
L’évaluation des apprenants, les enjeux
La pratique de l’évaluation des apprenant.es est au cœur du métier d’enseignant. Pour concevoir un cours, pour le conduire, les enseignant.es et formateur.trices se réfèrent instinctivement aux modalités d’évaluation qui posent de facto un cadre, et aux attendus qui induisent une construction particulière du cours ou de la progression pédagogique. D’où ce constat, le « type » de pédagogie déployé dépend directement du « type » d’évaluation mobilisé par les enseignant.es et les formateurs.trices, en lien avec les exigences du référentiel. Son contenu, notamment la partie portant sur l’évaluation est stratégique.
L’enseignement agricole depuis 1985 a décidé de piloter ses diplômes par l’évaluation. Piloter par l’évaluation a signifié un changement profond, centré d’abord sur l’acquisition des capacités et non sur les contenus. En 2007, l’élaboration des référentiels a donné la primeur aux capacités visées pour l’obtention du diplôme. C’est un tournant décisif. Concrètement, comment cela se traduit-il ?
CCF et contrôle continu
La conduite du contrôle en cours de formation (CCF) et du contrôle continue (CC) fait partie des pratiques des enseignant.es même s’ils reconnaissent que la gestion administrative de ce type d’évaluation est parfois lourde. Un constat juste.
Les CCF/CC permettent à l’EPL de mettre en œuvre l’autonomie pédagogique. Ce travail se fait dans un cadre rigoureux. Les président.es-adjoint.es de jury contrôlent ces évaluations. Ils/elles signent les plans d’évaluation. La surveillance des jurys permet d’éviter d’éventuelles dérives. Cette organisation fonctionne correctement et a fait ses preuves.
Pour le Sgen-CFDT, le CCF est une pratique établie et robuste. Les enseignant.es et les formateurs.trices y sont attaché.es. Il faut les former. Le Sgen-CFDT en 2014/15 a failli obtenir leur rémunération. Le changement de ministre à cette époque n’a pas permis de faire aboutir cette réelle avancée.
Le CC est une modalité d’évaluation qui prend de la force depuis deux années (bac technologique STAV et bac général) :
- il permet une palette plus large d’exercices mobilisant des compétences plus variées que celles habituellement évaluées par des épreuves externes.
- Il prend aussi mieux en compte les parcours réels des élèves.
Le Sgen-CFDT a été favorable au renforcement du CC tout en déplorant vivement la précipitation dans lequel tout ceci a été fait (bac STAV et G).
Débats autour de l’évaluation
L’introduction du CCF puis du CC a suscité et suscite des craintes par rapport au caractère et à la valeur nationale « du diplôme ». La pratique ancienne et récente montre que ces diplômes sont reconnus par la profession, que leurs titulaires s’insèrent bien dans le monde du travail. Les enseignant.es et formateurs.trices ont toujours fait preuve de rigueur et de conscience professionnelle dans ce domaine.
Le CCF et le CC ont aussi des atouts, ils :
- permettent d’évaluer les capacités des élèves au bon moment,
- évitent le péril de l’examen couperet et son caractère aléatoire,
- permettent d’éviter la pratique du bachotage de fin d’année,
- responsabilisent les équipes éducatives qui participent ainsi à la délivrance des diplômes.
Le contrôle terminal externe n’est pas la panacée. Les études en docimologie ont montré des écarts de notes surprenants pour une même copie. Ce n’est donc pas l’alpha et l’oméga de la pédagogie. En réalité, ce sont deux conceptions de la pédagogie de la réussite qui sont en concurrence. Les acteurs et actrices du système éducatif sont souvent « imprégnés », plus ou moins, par une pédagogie de la sélection. C’est celle qu’ils/elles ont connu en tant qu’élève. Dans ce cadre, ce qui compte, est de repérer « les meilleurs élèves » en les sélectionnant pour leur permettre de poursuivre des études.
Dans ce modèle, une question se pose, en classe, se préoccupe-t-on vraiment de faire réussir tous les élèves ou plutôt de déterminer ceux qui sont susceptibles de réussir en écartant les autres ? Ce modèle dit de « l’élitisme républicain » se fonde sur la sélection par l’échec. Est-ce cette mission que l’on souhaite voir confier à notre système éducatif ?
Concevoir l’évaluation autrement pour « enseigner autrement »
Une autre conception de l’évaluation se développe depuis des années et gagne en audience. La formation pour adulte et la capitalisation par UC est intéressante de ce point de vue. Ici, la construction « brique par brique » du diplôme, engagée par l’apprenant.e favorise la réussite à la mesure de chacun.e. Chacun.e va à son rythme. Les « briques » accumulées ne sont pas perdues d’une année sur l’autre. L’évaluation accompagne l’apprenant dans ses apprentissages, permet de faire le point sur les acquis ou les non acquis, mesure sa progression. On mobilise une pédagogie de la réussite.
L’objectif est de leur permettre d’acquérir progressivement des compétences, professionnelles mais aussi citoyennes. Les matières générales et professionnelles servent cette objectif sans discrimination. On se situe dans une logique de bienveillance. L’erreur ne signifie pas obligatoirement un échec. L’erreur peut être utilisée comme levier pour reprendre un apprentissage et rebondir. Dans cette approche, la mission du système éducatif est de permettre de construire son parcours d’apprentissage, d’acquérir des compétences et le diplôme qui va avec pour réaliser son projet de vie. Le Sgen-CFDT porte cette vision.
Ce que demande le Sgen-CFDT
Pour que ces évolutions se fassent dans de bonnes conditions, il faut plus que jamais former les enseignant.es et les formateurs.trices (Cap éval est de ce point de vue intéressant). C’est un chantier qu’il faut toujours remettre à l’ordre du jour. Il faut les accompagner dans la durée. Il convient de produire des ressources éducatives adaptées, d’animer des séances d’échanges de pratiques. Le Sgen-CFDT a régulièrement fait cette demande. Il faut aussi reconnaître le surplus de travail qu’induit la mise en œuvre de ce type d’évaluation (CCF) et le rémunérer.
Le Sgen-CFDT milite pour un bac/ diplôme fait « sur mesure » pour chacun.e des élèves. Par exemple pour le bac, un bac « par capitalisation » de modules semestriels disciplinaires ou pluridisciplinaires, tout au long des deux années du cycle terminal. Enfin et sur le long-terme, le Sgen-CFDT milite pour la création d’un bac unique (abandon du clivage entre les filières, générale, technologique et professionnelle) donnant ainsi la possibilité aux élèves de choisir librement leurs enseignements en fonction de leur projet de vie.