La Cour des comptes propose un rapport qui met en avant un bilan négatif de l'EPS en France. Le Sgen-CFDT analyse la philosophie qui sous-tend cet état des lieux et invite chaque acteur à se positionner clairement sur les liens entre l'EPS et le monde sportif fédéral.
Oui, l’EPS n’est pas l’équivalent de la pratique sportive fédérale, et c’est tant mieux !
Le rapport de la Cour des Comptes « L’école et le sport : une ambition à concrétiser » (septembre 2019) présente un bilan négatif de l’état de l’EPS en France.
Soit. Prenons-les au mot. Et repartons d’une partie des constats posés dans la synthèse.
- « Le cadre de référence de l’EPS est éloigné des standards pratiqués par le mouvement sportif au sein des clubs »…
- « Le sport scolaire est en marge de la politique sportive de l’État, notamment en raison d’une divergence profonde de conception de l’instruction physique et sportive en tant que discipline d’enseignement, et les attentes du mouvement sportif… »
- Ce sont les « lois scolaires qui définissent le cadre de l’EPS »…
- « La conception des programmes scolaires n’intègre pas directement la dimension de la performance sportive »
- « La formation des professeurs des écoles est moins centrée sur la pratique sportive que sur la connaissance didactique » …
À ces constats qui sont présentés comme les raisons des limites, voire de la défaillance de l’EPS à l’école, au Sgen-CFDT, nous répondons, que ces mêmes constats nous rassurent…
Encore heureux que les standards du monde sportif ne prévalent pas comme unique modèle aux pratiques physiques scolaires en EPS.
Encore heureux que l’on ait dépassé le temps de « l’instruction » physique et sportive.
Et bienheureux ou naïfs sont ceux qui croient encore à toutes les vertus du sport telles qu’elles sont posées a priori, dans le schéma initial de cette synthèse…
Le Sgen-CFDT n’est pas dupe…
Le Sgen-CFDT n’est pas dupe des difficultés que peuvent rencontrer les équipes d’EPS pour assurer l’ensemble de leurs missions (difficultés en partie pointées dans ce rapport, comme la répartition des installations, l’organisation de la pratique en premier degré, etc).
Pas dupe non plus de la problématiques de nos contenus scolaires, qui sont sans cesse à définir au regard des enjeux éducatifs.
Pas dupe non plus de la difficulté à cerner ce qui relève du « sport » dans le langage courant, du sport dans sa dimension fédérale, des formes de pratiques mêmes au sein des formes fédérales… De la difficulté à ne pas tomber dans des caricatures qui opposent sans réflexion la coopération et la compétition.
Mais nous refusons de voir en ces difficultés l’occasion d’imposer à l’EPS une doctrine la performance et de la sélection. Travaillons sur ce que peut être le rapport au corps et à l’autre au sein de l’école, au-delà de ces rapports comptables sur l’efficacité d’une discipline.
Le Sgen-CFDT fait confiance aux acteurs de terrain
Faisons plutôt confiance aux experts de terrain qui, à partir de ces constats, cherchent réellement à travailler sur la nature des apprentissages moteurs, méthodologiques et sociaux visés en EPS pour un public scolaire.
Et soutenons les équipes dans leurs conditions de travail pour accompagner au mieux tous les élèves, toute au long de leur scolarité.
Des choix éthiques à faire : Attention à ne pas tendre le bâton…
Le Sgen-CFDT rappelle simplement que de nombreuses perches ont été, et sont encore, tendues pour maintenir la confusion entre le monde sportif et l’EPS. Ce genre de rapport ne vient pas de nulle part.
On ne parle pas de corps et d’école, mais de sport et d’école…
Nous faisons référence à des discours ou des précédents rapports, qui régulièrement, encouragent la performance et l’excellence, font allusion à des métaphores sportives pour qualifier la réussite et le dépassement. Des propos qui confondent sans problème le sport et l’EPS, glissent de l’école aux JO comme sur un toboggan, etc.
Nous pensons au système scolaire, organisé, qu’on le veuille ou non, sur la base de la sélection et du tri, donc de la récompense des meilleurs au regard d‘une forme de réussite prédéfinie (et pas seulement du côté de la pratique physique).
Autant d’éléments qui, volontairement ou non, renforcent, chez certains, les représentations sportives de notre discipline.
Face à ce dernier rapport, le ministre Jean-Michel Blanquer semble freiner certaines ardeurs dans les propositions de la Cour des comptes.
Il paraît en effet très important de préserver la dimension éducative de notre discipline. Mais quand, dans sa réponse, est encore une fois mentionné « Je réaffirme ma volonté de renforcer la pratique sportive à l’école » (…) ou encore « l’atteinte objectivées et quantifiables d’apprentissages sportifs »… Nous sommes loin de clarifier le propos…
Dans ce contexte, il est essentiel que tout un chacun réfléchisse à l’idéologie portée par ce rapport, réfléchisse à ce que l’on veut porter de la place du corps à l’école, et de la relation à l’autre.
Dans la conclusion du rapport, il est écrit « Deux opportunités se présentent pour forger une doctrine et une stratégie dans ce domaine : la tenue des JO en 2024, la création de l’agence nationale du sport ». Le Sgen-CFDT relève ces propos dogmatiques et invite à feuilleter les ouvrages de Daniel Favre et son éloge de l’incertitude… face à la pensée dogmatique.