Comment piloter un établissement en sorte que tous les élèves suivent un parcours de réussite ? Deux chefs d'établissements (l'un de lycée agricole, l'autre de collège) témoignent : la réponse tient en partie dans la gouvernance.
La gouvernance dans le second degré
La particularité des établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricole (Eplefpa) par rapport aux établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) est que le chef d’établissement n’est pas président du conseil d’administration.
À chaque échelon sa responsabilité, selon un principe de subsidiarité encore imparfait où chaque niveau assure sa part parce qu’il est le plus compétent pour le faire mais il doit être assuré, en contrepartie, de disposer de marges de manœuvre et de décisions.
Le niveau national définit une politique publique et donne les objectifs à atteindre. L’établissement doit pouvoir utiliser ses moyens pour des pratiques pédagogiques adaptées aux objectifs fixés. À cet échelon, chaque acteur – chef d’établissement, enseignants, parents, élèves… – a son rôle qu’il faut faire vivre et reconnaitre dans les instances adéquates où chacun est légitime.
L’échelon intermédiaire – rectorat ou direction régionale de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt (Draaf) – doit veiller à la non concurrence entre établissements et au respect d’une équité entre eux (notamment entre le public et le privé) pour l’implantation des offres de formation. Il doit attribuer des dotations horaires modulées en fonction d’une politique claire et assumer une réelle fonction en matière de ressources humaines (formation, accompagnement).
Témoignages
Max Delperie, directeur de l’Eplefpa de Limoges et du Nord Haute-Vienne
Une configuration qui permet de traiter des sujets de fond sur les missions et projets et facilite souvent la gestion des ressources humaines…
Un établissement public local (EPL) agricole est un établissement polyvalent qui accueille lycéens, apprentis et adultes. Il est doté de centres techniques, supports pédagogiques, gérés comme des entreprises privées.
Le directeur de l’EPL, proviseur du lycée, manage cette structure complexe avec un conseil d’administration (CA) présidé par une personnalité extérieure élue pour trois ans. C’est dans la grande majorité des cas un professionnel.
Cette configuration permet de traiter des sujets de fond sur les missions et projets. Elle facilite souvent la gestion des ressources humaines, mais l’absence de véritable instance interne de dialogue social reste un problème au regard de la multiplicité des statuts des personnels. Elle renforce le développement de projets en lien avec les métiers.
Il convient cependant de prévenir les empiètements de pouvoir entre président et directeur. Parfois compliqué par les personnalités, ce type de gouvernance s’avère utile pour la défense des dossiers auprès des partenaires et décideurs.
Philippe Del Médico, principal du collège Marcelin-Berthelot à Montreuil
Les établissements qui sont dans des démarches de projet se portent mieux que les autres.
Parler de gouvernance, c’est déjà et surtout parler d’autonomie. Cela revient à assumer le pilotage pédagogique de son établissement davantage que sa simple administration.
Développer l’autonomie des équipes pédagogiques renforce les initiatives dans le cadre du projet d’établissement. Je pars des projets des équipes en leur disant : pensez vos projets, des moyens sont là qui pourront leur donner corps. Au-delà des performances des élèves, les effets sur le climat scolaire sont très importants.
Les établissements qui sont dans des démarches de projet se portent mieux que les autres. Mais il faut aussi surmonter certaines difficultés : le manque de confiance en soi, sortir du cadre rassurant de l’obligatoire, le peu de temps alloué à la concertation. La stabilité des équipes est également une préoccupation.
Enfin, l’institution doit faire évoluer le dialogue de gestion afin qu’il puisse à son tour faire évoluer la dotation horaire en fonction des projets identifiés pour les besoins des élèves.
Avis du Sgen-CFDT
Pour le Sgen-CFDT, l’établissement du second degré est au cœur d’une contradiction majeure : l’extraordinaire responsabilité qu’on lui attribue dans la réussite des élèves en regard de l’autonomie très faible qui lui est accordée. Il lui reste pourtant une autonomie pédagogique, qu’il peut saisir en élargissant les marges de manœuvre des équipes et en redynamisant la démocratie locale, pour passer d’une liberté individuelle des acteurs à une responsabilité collective au niveau de l’établissement.