La gouvernance des lycées agricoles est différentes de celle des lycées de l’Éducation Nationale qui pourrait s'en inspirer à l'heure des débats sur l'autonomie et la gouvernance.
L’enseignement agricole a été créé dans les années 1950.
L’objectif était de permettre à la population agricole de rattraper son retard en termes de productivité mais également dans le domaine culturel, et de l’inscrire dans son territoire.
Dorlène Orecchioni est directrice de l’Établissement Public Local d’Enseignement et de Formation Professionnelle Agricole (EPLEFPA) « Agricampus Var» à Hyères dans le Var. Elle n’est pas présidente de son Conseil d’Administration, ce qui pour elle est un « un élément constitutif fort de l’adéquation du projet d’établissement de l’EPL avec son territoire. »
Sgen-CFDT : Dorlène, peux-tu nous présenter cette structure pour le moins curieuse pour les personnels de l’Éducation Nationale ?
Dorlène Orecchioni : L’EPLEFPA est constitué de cinq entités distinctes et complémentaires sur deux sites, celui de Hyères et des Arcs, à savoir un Lycée Général et Technologique Agricole de 500 élèves (LEGTA), un Lycée Professionnel Agricole de 300 élèves (LPA), un Centre de Formation d’Apprenti (CFA), un Centre de Formation Professionnel Pour Adultes (CFPPA) et une exploitation agricole. Pour accueillir les élèves et les apprentis nous disposons d’un internat sur le site de Hyères et un autre sur celui des Arcs.
Pour m’aider à piloter cette structure je m’appuie sur des collaborateurs répartis de la façon suivante : une directrice-adjointe pour chacun des deux lycées (LEGTA et LPA), un directeur-adjoint pour la formation en alternance et la formation continue, secondé lui-même par deux adjoints, l’un pour la formation en alternance (CFA) et un pour la formation pour adultes (CFPPA), un adjoint pilote de l’exploitation agricole et enfin un gestionnaire, un secrétaire général et un agent comptable.
Sgen-CFDT : Ces différentes structures sont-elles indépendantes ?
Dorlène : Elles sont complémentaires mais indépendantes au sein d’un même budget global. L’EPLEFPA est constitué de 5 centres constitutifs à budgets prévisionnels et comptes financiers distincts. Le Budget Prévisionnel de la structure globale est l’agrégation de chacun des budgets, ce qui représente environ 5.200.000 €/an. La trésorerie est commune et nous pouvons temporairement « dépanner » une structure en difficulté en s’appuyant sur les résultats des autres structures. Cela de façon temporaire et de la façon la plus équitable possible.
La région PACA est employeur des agents de service, possède les bâtiments et est assez généreuse avec l’enseignement et son fonctionnement.
Sgen-CFDT : Comment fonctionnent le LEGTA et le LP ?
Dorlène : Ils ont un fonctionnement qui ressemble sensiblement aux EPLE de l’Éducation Nationale, à la différence notable néanmoins d’une plus grande autonomie financière et pédagogique. Il est à noter que l’enseignement agricole repose sur une tradition d’interdisciplinarité avec des équipes enseignantes qui travaillent par projets et sur la base d’un enseignement modulaire au sein duquel nous avons la spécificité d’un enseignement socio-culturel.
Les moyens et les équipements sont nombreux, c’est historique, et sont, me semble-t-il, à l’origine des initiatives des enseignants, facilitées également par des effectifs d’élèves beaucoup plus faibles que dans l’Education Nationale.
Une plus grande autonomie financière et pédagogique et une tradtion d’interdisciplinarité
Sgen-CFDT : Et pour ce qui est du CFA et du CFPPA ?
Dorlène : Le Centre de Formation Pour Adultes fonctionne, en gros, comme une entreprise de formation privée. (340.000 heures stagiaires.) Le budget doit être équilibré par les offres de formation mises en place à remplir de stagiaires. Nous ouvrons des formations dans de nombreux domaines : horticulture, apiculture mais aussi naturopathie, algothérapie…
Nous avons 120.000€ de salaires de personnels sur budget (je suis l’employeur de ces personnels) à sortir tous les mois. Il faut « vendre » de la formation pour équilibrer le budget et éviter les licenciements.
Le Centre de Formation par Apprentissage est financé par le Conseil Régional PACA. Les personnels sont payés sur le budget du CFA et je suis donc encore l’employeur et le responsable de ces personnels. Nous avons des apprentis sur Hyères (350) et les Arcs (90).
Sgen-CFDT : Enfin l’exploitation ?
Dorlène : L’exploitation agricole fonctionne également comme une entreprise centre privé et doit équilibrer son budget. La grosse contrainte de cette exploitation est qu’elle est également un support au service de la pédagogie. Les intérêts de rentabilité et pédagogiques sont parfois concurrents.
Sgen-CFDT : Quel est l’intérêt d’avoir regroupé ces différentes structures ?
Dorlène : Le regroupement dans un seul Établissement de ces trois formes d’apprentissage : initiale, continue et alternance ainsi qu’un centre de formation pour adultes, me semble très pertinent. Les complémentarités et les passerelles sont facilitées.
Le regroupement de trois formes d’apprentissage permet des complémentarités et des passerelles
Sgen-CFDT : Comment est organisée la gouvernance de ton établissement ?
Dorlène : Je suis sous l’autorité du Directeur Régional de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (DRAAF) qui me laisse une grande autonomie. J’ai une lettre de mission et je rends compte une fois par an.
La présidence du Conseil d’Administration (CA) est assurée à Agricampus par un professionnel, un viticulteur élu par les 30 administrateurs. Nous travaillons en toute confiance : je manage et il anime avec moi le CA. Il est également président de la chambre d’agriculture et apporte la validation professionnelle indispensable à un enseignement technologique, professionnel et général. Le CA est particulièrement important car nous avons une autonomie dont nous devons rendre compte dans cette instance précédée pour avis d’un conseil dans chacune des entités d’Agricampus.
Une présidence de CA assurée par une personnalité extérieure permet « ou oblige » à un partenariat avec le territoire qui est le destinataire mais aussi le demandeur des formations diverses proposées par l’EPL. Ce partenariat peut être considéré comme une « caution » d’un service public d’enseignement destiné à la population, souvent locale.
Une présidence de CA par une personnalité extérieure oblige à une partenariat avec le territoire
Les relations indispensables pour un bon fonctionnement du CA entre le président et la directrice limitent l’isolement, le décrochage dont pourrait être victime l’appareil de formation et l’ensemble des personnels qui le constitue.
Ce fonctionnement s’il contraint quelque peu le chef d’établissement et les personnels, dans le même temps, valide son fonctionnement et ses projets.
Pour ma part, le bilan de ce copilotage du CA d’Agricampus Var me semble positif car peu contraignant et globalement enrichissant. Il ne nuit en rien à l’autorité et l’autonomie du chef d’établissement qui a su travailler avec les personnels en amont et convaincre les administrateurs du CA. Il est un élément constitutif fort de l’adéquation du projet d’établissement de l’EPL avec son territoire.
Le Sgen-CFDT propose depuis de nombreuses années, à la différence des autres syndicats, que la présidence des Conseils d’Administration et la direction des EPLE par un représentant de l’Etat soient dissociées.