Une deuxième vague de "défusions" et de fusions en préparation dans l’enseignement supérieur agronomique, alimentaire et vétérinaire.
Douze Écoles de taille modeste dont six « nouveaux » grands établissements.
Le ministère de l’agriculture assure la tutelle de 12 Établissements publics d’enseignement supérieur. Ces Écoles qui forment plus de 2000 étudiants sont de taille modeste et sont réparties sur l’ensemble du territoire national. Elles constituent une catégorie particulière d’établissements publics et revêtent pour certaines la forme d’établissement public à caractère administratif (EPA). Depuis le 1er janvier 2007, le ministère a engagé une politique de regroupement d’Écoles sous la forme d’établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP). Ces établissements adoptent la forme de « grand établissement » au sens de l’article L. 717-1 du code de l’éducation. En dix ans, six grands établissements sont nés de la fusion d’anciennes Écoles aux identités, cultures, territoires et filières différentes.
Les fusions passées n’ont pas atteint les objectifs escomptés
En 2015, la Cour des comptes a conduit des contrôles sur les comptes et la gestion de ces 12 Établissements. Elle a jugé que « le processus mis en œuvre pour répondre aux objectifs fixés par le ministre de l’agriculture a consisté à procéder à des fusions d’Établissements, dont les finalités n’étaient pas clairement définies, sinon celle d’éviter une perte de spécificité et de conserver la tutelle sur ces établissements ». À l’issue de ce processus, « il s’avère qu’aucun des objectifs ministériels n’a été atteint : il ne s’est pas dégagé de synergie entre l’enseignement supérieur et l’enseignement technique ; l’adaptation des formations aux nouveaux standards n’a pas été accélérée ; l’exercice de la tutelle par le ministère n’a pas été dynamisé. La réforme se résume à une opération de concentration administrative qui n’a pas corrigé la dispersion des implantations, ni rendu l’ensemble plus cohérent. » La pratique a montré que la gestion au sein d’un même établissement de sites éloignés aux vocations différentes génère des effets induits négatifs qui ont été sous-estimés. Certaines Écoles et certains agents, pour certains marginalisés, en souffrent encore. Tout n’est cependant pas négatif. Le rapprochement de l’École de Montpellier avec l’université et les implantations locales des instituts nationaux de recherche a fonctionné.
Malgré ces constats, le gouvernement a réaffirmé, le 14 décembre 2018, son soutien aux actuels projets de regroupements entre les Établissements d’enseignement supérieur agronomique de Paris, de l’Ouest et de Montpellier. Le ministre de l’agriculture, Didier Guillaume, et la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, se sont déclarés favorables au rapprochement entre Montpellier SupAgro et AgroCampus Ouest, au sein d’un « établissement leader sur les questions d’agriculture, alimentation et environnement », pour 2020, et au regroupement des campus d’AgroParisTech au sein de l’Université Paris-Saclay. Pour eux, « ces deux ensembles complémentaires ont vocation à structurer l’enseignement agronomique en France ».
Une stratégie défensive qui pose questions
Le Sgen-CFDT est réservé sur l’opportunité de réaliser immédiatement de telles réformes sans conduire, au préalable, des retours d’expérience et une évaluation des fusions passées. L’expérience passée montre sans ambiguïté que les fusions opérées ces dix dernières années n’ont pas engendré les effets attendus. Pourtant, la DGER ne remet pas en cause sa logique et reprend la même démarche sans tenir compte du bilan de ces dix dernières années.
Le Sgen-CFDT note qu’Agroparistech va intégrer le pôle universitaire de Saclay sans conduire en parallèle une opération de fusion avec Rennes et Montpellier. Une de ses revendications a été entendue. Malgré de mauvaises conditions matérielles de déménagement et d’installation (RER B et autobus saturés, pas de métro avant 2027, accueil des étudiants, etc.), cette relocalisation peut dynamiser à terme le développement et le rayonnement de cette École.
Le Sgen-CFDT demande à ce que les personnels soient pleinement associés à ces projets. Ce type de restructuration, si l’on souhaite conserver des Établissements dynamiques et attractifs, ne peut se faire sans leur assentiment et leur participation active. Un passage en force serait contre-productif dans un contexte où certaines fusions ne sont toujours pas digérées. Interpellée sur ce point, la DGER s’est voulue rassurante et s’est engagée à associer les personnels à la démarche.
Le Sgen-CFDT regrette qu’aucune réflexion globale n’ait été conduite au préalable pour construire, avec les acteurs de l’enseignement supérieur, une réflexion portant sur la construction d’un schéma organisationnel prévisionnel pour ces 12 Écoles. Sans être accompagnés par un projet global porteur de sens et dégageant de réelles perspectives d’évolution, ces rapprochements manquent de substance et inquiètent le personnel.
Une question enfin se pose : à côté de ces deux grands ensembles (AgroparistechSaclay et le nouveau pôle Montpellier-Grand Ouest) que deviendront les 9 autres Écoles ? Qu’en sera-t-il des Écoles vétérinaires ? Leur rapprochement prévu sera-t-il porteur de sens ? Lors du CNESERAAV du 22 janvier 2019, le directeur général de l’enseignement et de la recherche a apporté au Sgen-CFDT des éléments de réponses. Pour M. Philippe Vinçon, « à terme rien ne s’opposera à l’intégration de ces Écoles dans les grands Établissements, si elles le souhaitent ». Ces mots traduisant une volonté d’ouverture ne sont pas totalement rassurants.
Des risques importants suite à ces fusions
Pour le Sgen-CFDT, la stratégie déployée est de type « défensif » et risque de desservir le développement au long cours de certains Établissements. A travers ce projet, le ministère cherche et trouve le moyen de conserver la tutelle sur ces Écoles afin d’avoir des outils et des leviers puissants pour déployer pleinement les politiques publiques dont il a la charge. Si on peut comprendre ce positionnement, qui a une cohérence, il ne faut pas éluder les risques qui en découlent :
- Le risque de créer des Établissements déconnectés de leur territoire, des pôles universitaires régionaux, des filières de production. Le Sgen-CFDT rappelle son attachement à l’ancrage territorial et régional des Écoles, sans négliger l’importance d’un rayonnement international.
- Le risque de créer des Établissements qui ne font pas système et dans lesquels les personnels ne se retrouvent plus. Encore une fois, l’expérience récente montre que ce dernier point est d’actualité, et c’est sur ce point que le Sgen-CFDT souhaite attirer l’attention du DGER.