La Loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » réforme profondément l’organisation de l’apprentissage et de la formation continue en France. Décryptages du Sgen-CFDT.
Les modes de financement, les partenaires et le contexte sont bouleversés. Une période de transition s’ouvre entre l’ancien et le nouveau système. La réforme facilitant la création de CFA fait basculer le système actuel dans un système concurrentiel. On aurait pu craindre que ces évolutions majeures se fassent au détriment des CFA de l’enseignement agricole public et de l’emploi. Pour le moment, il n’en n’est rien :
Augmentation des effectifs
Le nombre d’apprentis inscrits en formation dans les CFA de l’enseignement agricole public ne cesse de croître ces dernières années. Pour le moment, ces CFA ne semblent pas être fragilisés par cette nouvelle réforme. La campagne de communication « l’aventure du vivant », lancée par la DGER début 2019, accompagne cette dynamique et vise à mieux faire connaître au grand public notre offre de formation. L’augmentation de l’âge limite à 30 ans pour recruter un apprenti contribue aussi à soutenir cette dynamique positive.
Augmentation des subventions par apprentis formés
Les « coûts contrats » versés aux CFA sont fonction de la branche de l’OPCO (voir en fin d’article) et du niveau de diplôme. Tous les coûts contrats ont été fixés.
On constate que le montant des « coûts contrats » des diplômes du ministère de l’agriculture s’échelonne de 5496 euros pour le CAP « maintenance des matériels agricoles » à 13500 euros pour le Bac pro « technicien en expérimentation animale ».
Ces données sont encourageantes globalement. La moyenne des coûts contrats fixée par les OPCO qui sont en lien avec les CFA agricoles est supérieure d’environ 10% au coût moyen actuel. Cependant, les coûts proposés pour les diplômes forestiers sont décevants au vu du coût de ce type de formation. Le Sgen-CFDT revendique une augmentation pour les prochaines années.
Initialement, il était prévu que pendant une période de transition d’un ou deux ans, les CFA recevraient une somme inférieure appelée « coût préfecture », très proche des coûts actuels.
Finalement les CFA pourront choisir dès 2020 entre le cout contrat et le cout préfecture et ne retenir que le plus avantageux.
Par ailleurs, tous les CFA ont reçu d’OCAPIAT, une subvention exceptionnelle, d’un montant variant entre 70 000 et 160 000 euros.
Des inquiétudes cependant
Une minoration pour les CFA public ?
Les CFA publics de l’éducation nationale, pourraient subir une minoration de leur « coût contrat » d’environ 10%. Le ministère de l’agriculture vient d’apprendre qu’aucune minoration ne serait appliquée aux CFA agricoles. France-Compétence a reconnu que les CFA du ministère de l’agriculture sont de véritables structures, avec des coûts propres de fonctionnement, la comptabilité analytique des EPL en témoigne.
La concurrence
La loi favorise la concurrence entre formations.
Des structures privées ou publiques, notamment les MFR, les chambres d’agriculture, les Greta pourront plus facilement créer un CFA ou augmenter leur nombre d’apprentis. Dans nos cœurs de métiers, il ne semble pas que de grosses entreprises privées aient l’intention d’ouvrir des CFA importants. Dans le secteur des industries agro-alimentaires seul Lactalis souhaite ouvrir un CFA, mais les autres industriels ne souhaitent pas prendre en charge des mineurs et font confiance aux CFA de l’enseignement agricole public.
Dans le secteur des jardineries, il est fort probable que se créent des formations commerciales.
La loi ne parle plus de carte de formation et d’instance de régulation qui pourraient organiser la concurrence en limitant, par exemple, le risque de voir deux classes de BTS par apprentissage se créer dans un même territoire. La DRAAF n’a plus le pouvoir d’interdire une formation.
La CFDT revendique le fait que de nouvelles instances régionales, jouent un rôle régulateur. OCAPIAT a déjà annoncé qu’il créait des directions dans toutes les régions, et en Auvergne Rhône-Alpes, une instance quadripartites (DRAAF, Conseil régional, syndicats d’employeurs et de salariés) est déjà en place.
Les Conseils Régionaux qui financeront encore l’investissement, devraient avoir un rôle important sur la carte des formations pour les CFA nécessitant des plateaux techniques importants.
Et la situation du personnel ?
Les CFA ont des statuts très différents : public, privé associatif, privé lucratif.
Les salariés des CFA, peuvent avoir des statuts très différents (contractuels du public, ou du privé , titulaires sur poste gagés) ainsi le législateur n’a pas souhaité statuer sur la situation des agents des CFA.
La loi ne dit rien et ne change rien sur la rémunération du personnel et sur leur statut. Les négociations pour la réécriture du protocole de 1998, pour clarifier le statut et la rémunération des différentes catégories de personnel est bloquée. Depuis des années, malgré quelques réunions, vue les fortes divergences syndicales, la réécriture de la partie 2 du protocole n’avance pas.
Par ailleurs, si la situation financière des CFA s’améliore à terme, les agents auront plus d’opportunité pour obtenir des augmentations de rémunération. Chaque centre, comme l’incitait le protocole de 1998, devrait établir des règles de rémunération à faire valider en conseil d’administration. Par exemple, il est inadmissible qu’aucune ancienneté ne soit reprise lors d’une embauche d’un agent contractuel sur budget. Autre exemple, une formation longue ou un investissement particulier doivent être reconnus.Le Sgen-CFDT accompagnera ces négociations locales légitimes.
Pour en savoir plus :
* OPCO : OPpérateur de COmpétence
Dès le premier janvier 2020, les OPCO seront les organismes financeurs principaux des CFA, à la place des conseils régionaux. Il y a 11 OPCO, un pour chaque grande famille de métiers. Ce sont des organismes paritaires, regroupant les syndicats patronaux et les syndicats de salariés d’une même famille de métiers.
Les CFA du ministère de l’agriculture seront financés principalement (70 % environ) par OCAPIAT, l’Opérateur de Compétences pour la Coopération agricole, l’ Agriculture, la Pêche, l’Industrie Agroalimentaire et les Territoires.. La CFDT, la CGT, la FNSEA siègent notamment au conseil d’administration d’OCAPIAT.